Bataille autour de la légine à la Réunion

Le 24/08/2017 à 9:36 par La Rédaction

Alors que le taux admissible de captures (Tac) de légine a été revu à la baisse dans les terres australes
et antarctiques françaises (Taaf), le SARPC fait pression pour que la licence du dernier entrant, RPA,
ne soit pas renouvelée. En jeu : le développement de la filière pêche artisanale à la Réunion.

 

TAC 2017-2018

Le SARPC
regroupe la Sapmer
et ses filiales Armas Pêche et les Armements réunionnais, Cap Bourbon, Comata, Scapêche et Pêche Avenir, dernier acteur historique entré en 2002.

RPA
est détenu à 51 %
par Enez, 30 %
par Atlantis, 19 %
par les pêcheurs côtiers.

 

Depuis un an, les membres du Syndicat des armements réunionnais de palangriers congélateurs ne décolèrent pas contre la décision des Taaf d’avoir accordé une nouvelle licence de pêche à la légine à RPA, Réunion Pêche Australe. « Pendant des années, le plan de gestion de la ressource limitait le nombre de bateaux autorisés sur zones, à sept. Pourquoi avoir changé, alors qu’il y a déjà des surcapacités de pêche ? C’est incohérent », interpelle Jean-Pierre Kinoo, président du syndicat. « Limiter le nombre de bateaux sur zones, ne veut pas dire la même chose que limiter le nombre de licences », estime de son côté Sébastien Camus, président de RPA. « Dans le premier cas, on protège la ressource, dans le second, des positions établies. Or, depuis les débuts de cette pêcherie, très rentable, les Réunionnais ont peu profité de ses retombées. Avec RPA nous souhaitions changer la donne. »

Comment ? En faisant entrer à hauteur de 19 % du capital de l’entreprise des pêcheurs artisanaux. Le tout sans risque, même en cas de pertes, comme ce fut le cas à l’occasion de la première marée. Bilan, après un an d’existence, près de 80 pêcheurs artisanaux, contre 36 au démarrage, ont rejoint le capital de l’entreprise, détenue par ailleurs par les armements Enez et Atlantis. Secundo, RPA a versé 30 centimes pour chaque kilo de légine pêché, soit 26 000 euros en 2017, à l’Association des patrons pêcheurs côtiers de la Réunion, membres de l’interprofession locale, pour participer au financement d’infrastructures portuaires collectives, à la modernisation des flottes, etc.

Enfin, troisième point phare du projet : favoriser la transformation de la légine à la Réunion, pour conserver sur l’île la valeur ajoutée de la pêcherie et surtout « créer de l’emploi dans une île où le chômage dépasse les 30 % », poursuit Sébastien Camus. Gérée par Réunimer et sa filiale Réunion Pélagique Traiteur, la transformation de la légine sur place fait ses débuts (cf. encadré). Mais beaucoup de choses restent à faire, dépendant forcément de la réallocation de quotas à RPA pour 2017/2018.

Mais, alors que le 9 août, le Tac a été a revu à la baisse de 200 tonnes dans la zone de Crozet, le SARPC a révélé son plan « légine pour tous » qui conditionne le versement de 350 000 € au Comité régional des pêches et des élevages marins, pour développer et soutenir la pêche artisanale réunionnaise, à la sortie de RPA de cette pêcherie. Chantage ?

« Il est faux de dire que nous ne faisons rien pour la Réunion, insiste Jean-Pierre Kinoo. Depuis des années, nous mettons sur le marché local 400 tonnes de grenadier et 100 tonnes de légine par an. Il y a des limites à ce que peut absorber le marché local. Les deux grands marchés sont l’Asie et les USA. L’Europe et la France sont de petits marchés à défricher, comme a décidé de le faire Freshpack. » Le SARPC revendique aussi l’emploi de 50 % des marins réunionnais. « Notre priorité a été d’investir dans nos bateaux, plus que dans la transformation », indique son président, rappelant néanmoins qu’en 2016, Cap Bourbon a racheté l’entreprise Océane Production, pour relancer la transformation de la légine, et que la Sapmer a ouvert en 2017 un atelier de transformation et un magasin de vente sur l’île.

« Si nous faisons cette proposition maintenant, c’est parce que le comité régional de pêche, dont l’équipe a changé, nous a fait comprendre la nécessité d’aider la pêche réunionnaise. Cet argent peut faire effet de levier avec les aides européennes », poursuit Jean-Pierre Kinoo. De fait, l’impact socio-économique, critère d’attribution des quotas, pourrait être important. « Mais pas supérieur au versement de 30 centimes par kilo de légine si on nous attribue 1 100 tonnes de quotas », ironise Sébastien Camus. Pour 2017/2018, la demande de RPA n’est que de 130 tonnes, même si elle espère monter, à terme, à au moins 500 tonnes pour acheter son propre bateau. Verdict fin août.

Céline ASTRUC

 

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 « Les premières rillettes, les premiers produits fumés et marinés de la marque Le Pêcheur Créole, réalisés à la Réunion, viennent tout juste d’être référencés. La production reste embryonnaire, dans la mesure où les produits sont chers et le marché traiteur petit sur l’île. Néanmoins pour le marché et la transformation locale, RPA a mis 11 tonnes de grenadier, capture accessoire de la légine, 2 tonnes de légine et l’intégralité des joues et colliers de légines capturées. C’est un premier pas qui permet de valoriser à la Réunion, une espèce qui ne peut pas se vendre sur place plus de 16 euros le kilo quand elle s’expédie autour de 28 à 32 $ aux USA ou en Asie, simplement vidée, décapitée et congelée à bord. À terme, nous réfléchissons à proposer de la légine portionnée à terre pour les marchés exports, afin de capter de la valeur ajoutée sur place. L’incertitude sur les quotas n’aide pas à se projeter. »

Sébastien Camus,  Pdg de RPA et Réunimer,
groupe intégré réunionnais qui détient notamment l’armement Enez, Réunipêche, dédié à la première transformation et l’export de poissons frais et Réunion Pélagique Traiteur, connu pour sa marque Pêcheur Créole

 

 

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