Fumeurs, première classe

Le 26/05/2016 à 10:58 par La Rédaction

 

Il aurait pu faire sa vie à Sao Tomé-et-Principe, dans le golfe de Guinée. Bien loin de Boulogne-sur-Mer, sa ville natale. Pierre Corrue, diplômé en management, a adoré ses trois années de volontaire du progrès. Mais l’appel familial est insistant, et le jeune homme revient au pays en 2003 avec son épouse africaine. Joël et Thérèse, ses parents, tiennent l’une des dernières entreprises de salaison de Capécure. L’heure de la retraite sonnant, ils sont comblés lorsqu’en 2005 Pierre, leur fils aîné, prend la succession, à 31 ans.

Depuis le début du siècle dernier, chaque génération de Corrue transmet le flambeau et assure la pérennité de la société. Une prouesse, car des 80 fumeurs de hareng de Capécure seuls quatre subsistent encore. Dès 1975, Joël, patron-ouvrier, modernise l’entreprise et introduit des congélateurs destinés à stocker les harengs qui désormais viennent de Norvège. Il investit aussi dans des fours électriques, améliore sa productivité et étend ses gammes aux maquereaux et aux haddocks, qui gagnent alors les rayons des grandes surfaces. En 1994, avant la mise aux normes européennes, il absorbe la maison voisine, Deseille.

Cédric, le frère cadet, intègre à son tour la maison Corrue-Deseille, en 2008. Il a 27 ans. Diplômé d’un BTS commerce, il s’est forgé une expérience au service des ventes d’entreprises régionales. Il devient responsable commercial et soutient son grand frère qui conduit une nouvelle étape de modernisation de l’entreprise. Non moins délicate, puisqu’elle touche l’organisation du travail. Les 43 salariés de la maison y participent. La polyvalence des postes et d’importants investissements en matériel ergonomique réduisent la pénibilité. Fin 2015, Cédric devient PDG de la SA, Pierre souhaitant prendre un peu de recul.

La gestion reste collégiale. Les deux frères ont grandi là. La famille Corrue habitait dans l’appartement au-dessus des ateliers. Ils connaissent parfaitement l’art du salage et du fumage, qu’ils maîtrisent depuis l’adolescence. Ils savent combien le métier est dur et l’importance de mener une « révolution culturelle » pour attirer des jeunes. Sinon, comment continuer à produire avec succès près de 8 M€ de CA, soit 1 000 tonnes de hareng, haddock, maquereau, saumon, lieu noir, flétan, et… rareté incomparable, la panche de chien ?

Texte et photos : Lionel FLAGEUL

 

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