Le président d’Orthongel, organisation de producteurs regroupant tous les armateurs pratiquant la capture de thon tropical, se veut optimiste sur le marché du thon tropical, porteur, et sur la rentabilité des senneurs mais s’inquiète de la difficulté d’accès aux zones de pêche pour les Européens, notamment dans l’Atlantique.
1 . En valeur comme en volumes, le thon tropical est la première espèce capturée sous pavillon français. Comment a évolué cette flottille ?
2 . Quelles incidences cela a-t-il sur la production française ? Les membres d’Orthongel pourraient-ils envisager d’étendre leurs activités au Pacifique ?
3 . Alors que les prix du carburant augmentent, la rentabilité des armements thoniers n’est-elle pas mise à mal ? Envisagent-ils d’attaquer d’autres marchés que celui de la conserve, comme le fait déjà la Sapmer ?
INTERVIEW
Question 1 . En valeur comme en volumes, le thon tropical est la première espèce capturée sous pavillon français. Comment a évolué cette flottille ?
Depuis 2011, Orthongel n’a plus que trois membres : la Compagnie française du thon océanique, née de la fusion de France thon et de Cobrépêche, Saupiquet et la Sapmer, basée à La Réunion. Au total, la flottille française de thon tropical compte vingt-deux senneurs dont treize opèrent dans l’océan Indien et neuf en Atlantique. En taille, il s’agit de la deuxième de l’Union européenne derrière l’Espagnole, qui compte 50 bateaux. Un de nos challenges permanents est de continuer à exister face aux Espagnols dans un contexte où l’accès aux zones de pêche devient de plus en plus difficile.
Pourquoi ?
Nous dépendons des APP, les accords de partenariats pour la pêche négociés par l’Union européenne auprès des pays souverains propriétaires des zones économiques exclusives dans lesquelles migrent les thons tropicaux. Or depuis cinq ans, leur nombre ne cesse de se réduire dans l’Atlantique près du golfe de Guinée. En 2012, aucun accord n’a été trouvé avec le Gabon, soit 20 à 25 % des captures. En 5 ans, nous sommes passés de 12 APP à 4. Du moins en théorie, car pour éviter de devenir une monnaie d’échange dans le conflit qui oppose la Guinée Équatoriale à la France, nous évitons leur zone.
Au niveau de l’OP, nous avons parfois le sentiment que les moyens mis en œuvre par la Commission européenne pour maintenir un réseau d’accordsne sont pas suffisants. Et depuis qu’aucune décision ne peut être prise sans l’aval du Parlement européen, les choses semblent encore plus compliquées. Les intérêts politiques, économiques et philosophiques des parlementaires de 27 pays, dont peu sont engagés dans la pêche au thon tropical, ne se concilient pas toujours très bien avec les nôtres.
Bien sûr, nous pouvons négocier des licences à titre privé avec certains pays, mais encore faut-il que les demandes de contreparties financièresne deviennent pas exorbitantes.
Question 2 . Quelles incidences cela a-t-il sur la production française ? Les membres d’Orthongel pourraient-ils envisager d’étendre leurs activités au Pacifique ?
Les Français n’ont pas pris l’habitude d’aller dans cet océan, très vaste, où les bateaux coréens, thaïlandais etc., qui circulent, ne reviennent à quai que pleins, quitte à se faire réapprovisionner en mer. Cela peut vouloir dire des sorties en mer qui dépassent les 45 jours, soit le temps défini dans notre convention collective pour relever nos équipages. Néanmoins, aujourd’hui, quelques bateaux espagnols travaillent dans le Pacifique et la Sapmer a évoqué le sujet, sans définir ni le moment ni les modalités.
En attendant, les thoniers tropicaux français limitent leur activité à l’Atlantique et à l’océan Indien. En 2011, la production se stabilise autour de 105 500 tonnes dont 68 500 dans l’Océan Indien et 37 000 tonnes. La grande baisse de production a eu lieu en 2007 avec le développement de la piraterie dans l’océan Indien. Depuis 2008 et avec les mesures de sécurité mises en place, la production se stabilise.
Question 3 . Dans ce contexte, alors que les prix du carburant augmentent, la rentabilité des armements thoniers n’est-elle pas mise à mal ? Envisagent-ils d’attaquer d’autres marchés que celui de la conserve, comme le fait déjà la Sapmer ?
La hausse des cours du carburant, les dépenses destinées à assurer la sécurité des équipages face à la piraterie sont autant d’éléments auxquels nous devons faire face. De la même façon nous investissons et défendons une pêche responsable en soutenant notamment l’idée que l’on pourrait limiter par bateau l’usage des DCP (dispositifs de concentration du poisson) dont l’usage intensif est décrié par les ONG. Tout cela peut jouer sur la rentabilité des armements, mais la hausse des cours du thon, portée par une demande mondiale en constante progression avec l’essor des pays dits émergents, compense. Le marché est porteur. Est-ce que cela veut dire qu’il ne faut pas regarder d’autres marchés que celui de la conserve ? Non. Saupiquet a déjà tenté une aventure, peut-être un peu trop tôt, la CFTO y réfléchit. Moins liée à l’histoire des conserveurs français, la Sapmer a su investir les marchés du semi-frais, des découpes élaborées et capter plus de valeur ajoutée. C’est forcément un bel exemple.