L’année 2022 a été compliquée au sein de la filière pêche ligérienne. Mais les débarquements et le chiffre d’affaires des cinq criées restent honorables sur fond de restrictions drastiques sur la sole. L’équilibre reste fragile pour les armements et une filière malmenée.
Les Pays de la Loire défendent leur place de deuxième région française de production de produits de la pêche avec plus de 103 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés par les criées ligériennes en 2021 et 19 500 tonnes débarquées. La région compte environ 370 bateaux et 1 200 marins pêcheurs, sans oublier 400 pêcheurs à pied. Avec cinq criées et de nombreux points de débarquements de Piriac, au nord, jusqu’à L’Aiguillon-sur-Mer, au sud, le territoire peut surtout
s’appuyer sur une diversité d’espèces et un tissu d’entreprises agroalimentaires de différentes tailles proches de la chaîne des producteurs.
L’initiative de la conserverie La Sablaise, dirigée par Marie Bévillon aux Sablesd’Olonne, illustre bien l’attachement de la filière à l’économie littorale. « Quand nous avons racheté la dernière conserverie de l’île d’Yeu à la famille Hennequin, en 2018, nous avons décidé d’investir 2 millions d’euros pour développer un site de production sur une île. L’idée est à la fois de préserver un savoir-faire local et de créer des emplois pour les habitants de l’île d’Yeu. »
Sole, merlu, bar, seiche, sardine ou encore thon font partie des piliers de l’économie de la pêche ligérienne. En 2022, la réduction de 37 % du quota de sole a fait
trembler les ports. Et, côté mareyage, le poisson plat a donné le tournis aux acheteurs en début d’année. Les situations sont différentes dans les cinq halles à marée des Pays de la Loire, mais une des constantes a été le cours élevé du poisson.
« C’est devenu plus cher que la viande, relève-t-on à la case de mareyage de Vives Eaux, aux Sables-d’Olonne. Aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile de prévoir car les saisons sont complétement décalées et les prix peuvent s’emballer subitement. Le phénomène atteint même des espèces plus communes. Il n’y a plus de logique alors que, par le passé, la flambée des prix s’observait surtout pendant les périodes de fêtes. »
2022 a démarré en fanfare côté prix. « Pendant les trois premiers mois, le cours moyen à la criée des Sables-d’Olonne a flambé de 30 %, notamment à cause de la sole », analyse Sylvain Ravon, responsable de la halle à marée sablaise. « En début d’année, nos clients espagnols ont acheté régulièrement quelques caisses de sole mais les prix les ont poussés à s’approvisionner en sole de pisciculture », constate Christèle Bobineau, chez Foro Marée, aux Sables-d’Olonne. À Noirmoutier, haut lieu du poisson plat, la sole a facilement grimpé de 2 à 3 euros en moyenne en début d’année 2022.
Les prix sont revenus un peu plus à la normale en fin d’année, lors du passage de la sole. « Nous n’avons pas forcément eu de sole de fileyeurs à cause de l’arrêt des bateaux en début d’année, mais nous avons pu acheter de la sole de chalut », poursuit Christèle Bobineau. L’année a été globalement complexe car certaines espèces n’ont pas été au rendez-vous, comme le merlu aux Sables et même le bar à Noirmoutier. Aux Sables-d’Olonne, les acheteurs ont manqué de poisson au printemps et pendant l’été. « La faute à la chaleur », disent certains opérateurs. En revanche, l’automne a été bénéfique, avec des tonnages significatifs de seiche aux Sables-d’Olonne. Le port a battu son record de débarques sur l’espèce, avec près de 50 tonnes sous criée début novembre. Si le manque de sole se ressent clairement dans les tonnages à Noirmoutier ou aux Sables-d’Olonne, les mareyeurs se sont rabattus sur d’autres espèces, comme le rouget au printemps. Saint-Gilles-Croix-de-Vie a sauvé l’année avec un bon démarrage de la campagne de sardine. Les Sables et La Turballe ont dopé leurs tonnages avec une grosse saison de thon germon. Spécialisé dans les espèces vivantes, le port du Croisic a un peu fléchi à cause de la mauvaise saison de crustacés. Les espèces comme la langoustine ou la crevette rose sont en recul.
Globalement, l’année a été mouvementée pour le mareyage. La filière a été bousculée par des prix parfois très élevés et des coûts revus à la hausse. Les augmentations des emballages, du transport et des coûts de l’énergie fragilisent une filière qui ne peut pas se rattraper systématiquement sur les volumes débarqués, globalement en baisse. Pour s’approvisionner en poisson, les acheteurs sont contraints d’enchérir. Le prix à payer pour avitailler le marché. Et cette situation risque de se tendre avec le plan de casse de navires annoncé, même si les Pays de la Loire devraient plutôt limiter le nombre de sorties de flotte.
Jean-Marie LE PROVOST