Nouveau président de Normandie Fraîcheur Mer, Jérôme Vicquelin compte bien travailler dans la continuité de son prédécesseur, Dimitri Rogoff. Parmi les chantiers à venir, le patron pêcheur et armateur compte valoriser les poissons dits « bon marché ».
PDM – Quel est votre parcours ?
Jérôme Vicquelin – J’ai derrière moi 34 ans de navigation et je suis le patron du chalutier L’Alliance, basé à Port-en-Bessin (50). Je pêche du poisson toute l’année, une trentaine d’espèces normandes pour une pêche durable et responsable qui me tient à cœur. De plus, je travaille avec NFM depuis une dizaine d’années.
PDM – Quelles seront les orientations de NFM dans les prochains mois ?
J. V. – Je ne suis pas là pour tout changer par rapport à mon prédécesseur, Dimitri, mais pour aller dans sa continuité avec toute l’équipe derrière (NFM compte actuellement 9 employés, NDLR). On a tendance à limiter NFM à la coquille Saint-Jacques car le produit est aujourd’hui abouti. Il y a quelques années, elle se vendait à 2,20 euros/kg en criée alors que dorénavant, c’est plutôt 3,60 euros en prix moyen, voire plus, quasiment tous les ans. C’est grâce à sa promotion qu’elle se porte si bien, cela fait 20 ans que tout le monde travaille là-dessus. Toutefois, la Manche regorge de poissons qui doivent être sublimés. Avec Elsa Ledru (chargée de communication chez NFM, NDLR), nous travaillons depuis 7 ou 8 ans sur les produits dits « bon marché », « pépite » ou « bon plan ». Cela porte ses fruits, le résultat est visible. Pour aller plus loin, pourquoi pas travailler dans ce sens sur des labels ? Il y a l’IGP Bulot de la Baie de Granville ou encore les Label Rouge sur la saint-jacques* mais le poisson normand, malgré sa grande richesse, n’a pas de label. Même si nous n’allons pas jusque-là, il faut au moins le mettre plus en valeur !
PDM – À quelles espèces pensez-vous ?
J. V. – Le tacaud, le congre, la daurade, la roussette… ces poissons représentent 45 % de notre pêche et, autrefois, on les vendait à moins d’1 euro le kilo. Certaines espèces ont des stocks qui se portent très bien, la raie bouclée, par exemple. Le vivier normand est l’un des plus importants d’Europe et nous visons un écolabel pour cette espèce, comme nous l’avons eu avec le homard et son label MSC. Aujourd’hui, le consommateur demande des ceviches de daurade ! Rien de tel que la simplicité pour cuisiner tous ces poissons !
PDM – D’où vient cette évolution ?
J. V. – Déjà, tous les poissons à côté ont vu leur prix augmenter, comme le saint-pierre et le bar. Il reste encore un déficit d’image à combler et il faut travailler tous ces produits en communication, valorisation et promotion. À mes yeux, la Normandie a tout pour plaire non seulement à l’échelle nationale mais aussi internationale. Actuellement, nous travaillons par exemple avec l’émission de télé Top Chef. En plus des partenariats médias et des salon professionnels ou grand public, l’accent est mis sur la restauration collective. Cela permet au grand public de découvrir tous ces poissons et ainsi de diversifier le contenu de leurs assiettes.
PDM – Quel rôle les distributeurs ont-ils à jouer dans tout cela ?
J. V. – Les poissonniers ont bien compris le fait de ne plus proposer le poisson en entier mais en filet et sans arêtes. Les mareyeurs normands sont aujourd’hui capables de fournir des filets avec le moins d’arêtes possible et c’est un bon point car certains poissons entiers ne se vendent pas, comme le tacot ou le grondin.
PDM – Qu’est-ce qui vous a marqué l’année dernière, en termes de pêche ?
J. V. – Ici, 2022 aura été une superbe saison pour la pêche aux céphalopodes tels que la sèche et l’encornet. Le climat y est sans doute pour quelque chose et ils ne sont pas soumis à quota. Quand on se concentre sur eux, on laisse de côté les autres espèces et cela a des côtés bénéfiques. Il faut toujours prendre soin de pérenniser la pêche et penser au futur. L’exemple de la coquille est le bon : les quotas ont parfois été durs à accepter mais les résultats sont là. Avant, nos parents mettaient 24 heures pour arriver à leur quota, maintenant on l’atteint parfois en 80 minutes. Toutefois, cela nécessite des restrictions, des temps de pêche, des zones de jachère… Indirectement, c’est quelque chose que nous faisons aussi avec le poisson ou le céphalopode.
PDM – Quels vont être les autres chantiers de 2023 pour NFM ?
J. V. – Jusqu’à maintenant, les trois chantiers principaux ont été la coquille, le bulot et les poissons « bon plan ». Plusieurs projets sont en gestation actuellement sur ce dernier point, dont une IGP qui avance bien pour le hareng. Un autre chantier a aussi démarré sur la coquille avec pour but d’obtenir une IGP également. Enfin, nous sommes en cours de refonte du site Internet.
Guy PICHARD
* Label Rouge Coquille Saint-Jacques fraîche et entière (2002) et Label Rouge Noix de coquille Saint-Jacques Pecten maximus fraîche (2009)