Les mouvements de protestation des pêcheurs se multiplient partout en France autour de l’opération « filière morte ». L’inquiétude des pêcheurs est partagée par les autres maillons de la filière.
Les pêcheurs ont annoncé le 30 mars la poursuite de l’opération « filière morte » jusqu’au mardi 4 avril. Cette décision fait suite à une réunion avec le secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, aux Sables-d’Olonne. Lequel s’est engagé à défendre les intérêts des pêcheurs français lors d’une réunion prévue à Bruxelles le mardi 4 avril.
Le mouvement des pêcheurs a pris de l’ampleur ces derniers jours et se généralise à de nombreux ports, de Boulogne-sur-Mer (premier port de pêche français) à Sète. Une première manifestation avait eu lieu à Rennes le 22 mars (lire notre article Violente manifestation de pêcheurs à Rennes). Hier, près de 500 pêcheurs se sont rassemblés à Brest. Au Havre, le port a été bloqué par une centaine de chalutiers. Des manifestations ont aussi été organisées à Concarneau, Erquy, Granville, Le Croisic, Saint-Jean-de-Luz, etc. À Boulogne-sur-Mer, les pêcheurs poursuivent leur mouvement de grève entamé dimanche. Hier soir, c’est devant la criée, qui sera fermée aujourd’hui pour une nouvelle journée filière morte, qu’ils se sont installés pour un barbecue familial devant un brasero.
Deux décisions ont récemment cristallisé la colère des pêcheurs : la mesure envisagée d’interdiction de tous les arts traînants (dont le chalutage) dans les aires marines protégées d’ici 2030 et la fermeture temporaire (dès l’hiver prochain) de certaines zones de pêche dans le golfe de Gascogne afin d’éviter les captures accidentelles de dauphins. Toutefois, les motifs de grogne sont beaucoup plus nombreux : conséquences du Brexit, augmentation du prix du gasoil, baisse de quotas, plan de sortie de flotte (plus exactement appelé PAI, pour plan d’accompagnement individuel) concernant 90 bateaux, dont 45 en Bretagne.
Dans une lettre ouverte, France Filière Pêche s’inquiète pour toute la filière. « La baisse contrainte des approvisionnements due à la casse des bateaux impacte également l’ensemble du secteur, mareyeurs, poissonniers et enseignes de la distribution. […]Alors que les artisans poissonniers et les enseignes de la distribution représentent 80 % des approvisionnements des foyers français en produits de la mer, un tel choc sur la disponibilité des produits a des répercussions immédiates, voire pérennes, sur la diversité des espèces proposées aux consommateurs français [[et sur]] la souveraineté alimentaire de la France. »
L’Union du mareyage français (UMF) s’est de son côté fendue d’un communiqué de soutien aux pêcheurs français (le communiqué est consultable sur LinkedIn). « L’UMF se joint au cri d’alarme lancé par le CNPMEM. Elle tient à affirmer son soutien aux pêcheurs français, et appelle le gouvernement à tout mettre en œuvre afin de redonner une vision d’avenir à la filière des produits de la pêche vertueuse et actrice de la souveraineté alimentaire. »
À Lorient, l’AAPPPL (Association des acheteurs des produits de la pêche du port de Lorient) assure dans un communiqué que « les menaces de fermetures spatio temporelles, l’interdiction d’accès à certaines zones de pêche, le PAI ne font que signer l’arrêt de mort d’une filière déjà fortement fragilisée par le Brexit, la Covid et la crise énergétique. Sans pêcheurs, c’est toute la chaîne de valeur qui s’affaiblit ».
Un symbolique dépôt de bilan des chefs d’entreprise de toute la filière, accompagné d’un cercueil, est prévu ce midi à Quimper.
Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL