Scientifiques et producteurs se sont réunis à Brest, le 8 septembre, pour faire le bilan des dernières recherches scientifiques (résistance aux maladies, impact du changement climatique, réensemencement). L’occasion également de mettre en avant une nouvelle dynamique pour le marché de l’huître plate, à la recherche de nouveaux consommateurs.
L’huître plate met en moyenne trois ans pour atteindre une taille commercialisable et les deux dernières années de captage furent particulièrement fructueuses. « Un fort captage n’engendre pas automatiquement un fort tonnage », prévient l’ostréiculteur cancalais Stephan Alleaume, mais celui-ci laisse la porte ouverte à l’optimisme et à la recherche de nouveaux marchés après plusieurs années compliquées. « Lors des années les plus dures, on pouvait ne remonter qu’un à deux individus par coupelle de captage, rappelle Hélène Cochet, biologiste et spécialiste des huîtres plates. Mais les derniers étés ont été plus cléments, l’eau s’est réchauffée et est favorable aux larves qui se développent plus vite et restent dans la baie. » Le captage se fait en baie de Quiberon et en rade de Brest. Pour soutenir la production d’huîtres plates, les professionnels se sont organisés pour entretenir les bancs sauvages : 1 % de la production est réensemencée depuis 2015 en baie de Quiberon. « Mais de 2015 à 2020, cela n’était pas associé à une protection contre les prédateurs, rappelle Ludovic Tanguy, ostréiculteur morbihannais. Désormais, nous avons des spécimens de toutes les tranches d’âge sur les bancs. » Les conclusions du projet scientifique Forever suscitent également l’enthousiasme en montrant qu’il est possible de restaurer l’espèce de manière significative en ajoutant des supports dédiés là où l’huître plate est encore présente. 33 structures en béton calcaire ont ainsi été immergées en baie de Quiberon.
Hélène Cochet salue l’importance des actions de préservation tout en insistant sur le fait que l’augmentation du nombre d’huîtres en élevage participe encore davantage à la reproduction de l’espèce. Mais la filière reste fragile. Cela est tout d’abord lié à la culture en milieu ouvert, soumise à des enjeux de prédation (daurades, araignées, bigorneaux perceurs, étoiles de mer, poulpes) et aux mouvements de sol (ensablement en baie du Mont-Saint-Michel pendant l’hiver,
par exemple). « Le taux de recapture est de 10 % les meilleures années », indique Stephan Alleaume. Puis le cercle de consommateurs reste réduit. « Les années de faible production ont fait monter les prix et les consommateurs (historiquement concentrés en Bretagne, NDLR) qui mangeaient des huîtres plates dans leur jeunesse n’ont pas transmis cette habitude. Nous avons donc eu une perte de connaissance du produit. » Une campagne de communication – « Le retour de la plate » – a cherché à susciter un nouvel élan. Philippe Orveillon, le président du comité des pêches d’Ille-et-Vilaine qui a développé l’activité de pêche en plongée dans l’estuaire de la Rance (pour les huîtres plates mais aussi les coquilles Saint-Jacques et les ormeaux), a ainsi témoigné de l’engouement de restaurateurs haut de gamme pour les huîtres plates sauvages. Au début des années 2000, lors de la création des licences de pêche en plongée, la biomasse avait été estimée à 400 tonnes et l’exploitation fixée à 10 %.
Le développement du marché pourrait aussi venir de la Méditerranée où les professionnels, via la démarche de structuration du contrat de filière, ont mis en évidence l’intérêt de la diversification, en priorité sur les huîtres plates. Ludovic Tanguy a aussi profité de la journée d’études pour lancer un appel aux jeunes producteurs, espérant voir la relève s’engager pour l’huître plate. Un défi qui doit être accompagné vu les à-coups de production et donc le besoin en fonds propres des producteurs d’huîtres plates, prévient toutefois Philippe Renan, directeur de filière maritime pour Crédit Maritime – BPGO.
Une longue histoire pour éclairer le présent
Les premières consommations d’huîtres plates ont été relevées 8 000 ans avant J.-C. « Cela ne signifie pas qu’il n’y en a pas eu avant, mais les sites de consommation potentiels sont sous le niveau d’eau actuel », prévient Catherine Dupont, archéomalacologue (soit l’étude archéologique des mollusques). La consommation s’est intensifiée avec l’arrivée des Romains, les historiens notant déjà une potentielle baisse de la ressource avec des cliones de plus en plus nombreux sur les coquilles, signe que les huîtres ont été prélevées de plus en plus loin sur l’estran.
Mais la baisse significative de la ressource viendra plus tard, comme l’a documenté Lucas Bosseboeuf pour le programme Historade en rade de Brest. L’huître plate était alors en tête des apports économiques de la pêche (avec la sardine). Mais les autorités maritimes notent un appauvrissement considérable de la ressource : 1 908 tonnes en 1853 et 90 tonnes en 1857. Des mesures drastiques vont être imposées, incitant au développement de l’ostréiculture dans les années 1860.
Haude-Marie THOMAS