Corse : une filière de dimension artisanale

Le 26/07/2024 à 10:00 par La rédaction

En Corse, la filière des produits de la mer jouit d’un environnement exceptionnel. De dimension artisanale, elle s’adresse majoritairement au marché local, très contrasté et marqué avant tout par la saisonnalité.

 

La Corse est plus connue pour sa charcuterie et son fromage que pour ses produits de la mer, si l’on excepte la langouste rouge. Mais la filière insulaire ne se résume pas à la pêche. La Corse a même été le berceau de l’aquaculture en France dans les années 1970. C’est également depuis l’île de Beauté que s’est développé le groupe Gloria Maris, premier producteur national. Et les origines de la conchyliculture dans l’étang de Diana remontent aux Romains, qui importaient des huîtres plates. L’ensemble de la filière jouit d’une qualité environnementale exceptionnelle en s’associant aux scientifiques locaux. La qualité est privilégiée sur la quantité, c’est pourquoi la production est essentiellement artisanale et se tourne majoritairement vers le marché local.

« Mon chiffre d’affaires de décembre représente deux jours d’août », résume Thibaud Mann, président de la société de mareyage Corse Marée. Le marché en Corse est en effet très contrasté, marqué par une forte fréquentation touristique l’été. En l’absence de criées sur l’île, beaucoup de pêcheurs font de la vente directe. Corse Marée distribue par ailleurs les poissons d’élevage de la ferme Acquadea (filiale de Gloria Maris) et s’est associé avec la société L’Étang de Diana, productrice d’huîtres et de moules « Nustrale », afin de promouvoir cette marque déposée. L’Étang de Diana est le producteur le plus important parmi les trois implantés sur l’étang éponyme. L’été, la production de moules part majoritairement vers la restauration alors que les huîtres creuses alimentent le marché local l’hiver. L’entreprise, avec l’assistance de la plateforme scientifique Stella Mare de l’université de Corse, s’est également lancée dans l’élevage d’huîtres plates. « Mais la clientèle est culturellement habituée à la creuse. Il faut miser sur le long terme », plaide le gérant, Bernard Pantalacci. Le réchauffement climatique l’inquiète car les eaux de l’étang, comme celles en mer, avoisinent les 30 °C, température néfaste à la culture des moules, incitant le mytiliculteur à baisser sa production de 40 %. « À cela s’ajoute le crabe bleu qui commence à s’implanter dans l’étang. On craint son développement, nuisible pour les huîtres. » Ce crustacé devient un véritable fléau sur l’île, provoquant l’arrêt de la pêche au mulet en étang et de la production artisanale de la poutargue dans la région bastiaise.

L’aquaculture ne connaît en revanche pas ce genre de vicissitudes. Mais de huit fermes et trois écloseries au début des années 1990, l’île est passée à deux fermes et une écloserie. D’un côté, à Ajaccio, Acquadea, et de l’autre, à Calvi, la ferme artisanale de Spanu. Le créateur de cette dernière, Paul Antonini, déplore la situation, bien que des sites aient été prévus dans le plan de développement et de développement durable de la Corse (Padduc). « Rien n’est fait par l’État pour encourager un jeune à créer son entreprise, ni pour le financement, ni sur le plan administratif. » La filière, réunie par un syndicat, reste cependant dynamique et fait valoir la qualité de sa production. Elle a obtenu le Label Rouge pour le maigre (Acquadea), le loup (Spanu) et la daurade (Acquadea et Spanu), ce qui implique de n’utiliser aucun antibiotique. Le syndicat travaille actuellement à l’obtention de l’IGP. De son côté, Gloria Maris effectue un gros travail de recherche sur l’alimentation afin de la rendre plus durable. « On veut améliorer la formule en introduisant des algues et des végétaux », annonce Philippe Riera, président de Gloria Maris. Celui-ci insiste sur la qualité des conditions d’élevage, avec des eaux très froides l’hiver et chaudes l’été, alternance qui permet de respecter le cycle de vie du poisson. Conscient de bénéficier de conditions environnementales exceptionnelles, le groupe travaille actuellement en collaboration avec les scientifiques de Stella Mare sur un projet d’aquaculture multitrophique intégrée. Grâce au syndicat et à la collectivité territoriale de Corse, Acquadea et Spanu sont également suivies sur la qualité des eaux depuis plusieurs années par les scientifiques de la Stareso, autre base scientifique insulaire. « Conscients d’avoir tous les atouts en Corse, nous voulons protéger ce que cet environnement nous donne », déclare Philippe Riera. Ces paroles ressemblent à un leitmotiv quand on fait le tour de l’ensemble de la filière des produits de la mer.

 

Alain LEPIGEON

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