Propriété de la famille Berthy, maintenant dirigé par la troisième génération, l’hypermarché E.Leclerc de Vannes dispose d’un rayon marée très attractif, l’un des plus performants de Bretagne et des Pays de la Loire, en grande partie grâce aux achats quotidiens à la criée de Lorient, assurés par Didier Le Jule, son responsable.
Raymond Berthy avait eu un flair audacieux en construisant à la fin des années 1990 un nouvel hypermarché E.Leclerc à Parc Lann, à l’ouest de Vannes, au nord de la nationale 165. Il avait acquis des hectares de terrain dans cette vaste étendue de champs et friches industrielles, pariant que l’activité commerciale de la deuxième ville du Morbihan allait se développer dans cette direction.
Le commerçant avait implanté le premier centre E.Leclerc de Vannes dès 1968 et, déjà précurseur, il avait créé en 1973, avec un autre adhérent breton, le concept des foires aux vins Leclerc. Son fils Stéphane, l’actuel adhérent, est le coresponsable du groupe de travail vin de l’enseigne. D’abord esseulé à Parc Lann, avec juste un Cinéville à proximité, l’hypermarché va vivre une véritable « ruée vers l’ouest », phare de l’irrésistible attraction de cette immense zone commerciale, pourvue d’un village de restaurants et d’une pléthore d’enseignes en tous genres.
Didier Le Jule, arrivé en 2006 comme nouveau chef du rayon marée de l’hypermarché, a vécu cette période de forte croissance et il y a bien contribué. Certes, l’enseigne concurrente historique, au sud de la N165, dispose d’une surface supérieure à celle du Leclerc et d’une galerie commerciale plus étoffée, mais la comparaison de son rayon marée avec celui développé par Didier est sans appel. Du mardi au samedi, Didier se rend toutes les nuits à Lorient, où ses achats en direct à la criée assurent plus de la moitié de l’approvisionnement du rayon : c’est la clé du succès. 6 000 à 9 000 clients fréquentent ce Leclerc chaque jour, et jusqu’à 13 000 le 31 décembre dernier. La direction ne souhaite pas communiquer le chiffres d’affaires, ni donner quelques indicateurs, mais le taux de pénétration du rayon marée doit être impressionnant, au vu de l’affluence. On saura juste qu’il est classé deuxième sur les 49 magasins de la SCA Ouest, la centrale Grand-Ouest du mouvement.
Clémentine Berthy, fille de Stéphane, codirige le magasin depuis 2024 avec son mari Martial Bauchart. Deux grandes phases de travaux vont débuter en fin d’année, notamment un réaménagement des rayons des métiers de bouche. De grands plans d’architecte sont affichés dans le bureau de Didier, très impliqué dans la réflexion sur les améliorations à apporter. L’étal traditionnel de plus de 20 mètres de linéaire, fermé pour travaux en janvier et février 2025, va demeurer, sa configuration sera un peu modifiée mais l’espace dédié au LS va être augmenté. Le but est de redynamiser l’attractivité du magasin, où le rayon marée, s’il ne subit pas de déconsommation importante, loin de là, accuse malgré tout un certain tassement.
Les nuits de Keroman
48 minutes. À 2 heures du matin, c’est le temps de trajet de Didier Le Jule, au volant de son fourgon, entre son domicile à Rochefort-en-Terre et la criée de Keroman. Du mardi au samedi, depuis bientôt 18 ans, le colosse de 59 ans issu d’une famille d’ostréiculteurs de La Trinité-sur-Mer, ancien matelot sur des côtiers avant de faire les marchés, se rend toutes les nuits à Lorient. Le travail nocturne est rude pour l’organisme, mais pour l’instant Didier a toujours l’énergie d’assurer lui-même, seul, in situ, les achats à la criée des côtiers. Un coup de fil à 18 heures lui permet d’avoir une bonne idée des besoins du rayon.
Fin avril, la langoustine vivante était encore à 11 ou 12 euros alors qu’elle aurait dû baisser à 9 euros, qui seront atteints les semaines suivantes grâce aux apports plus conséquents et permettront des prix d’appel en rayon autour de 10 euros. La saison est un peu meilleure qu’en 2023, mais dès début juillet, l’offre tombe parfois à moins d’une tonne par jour (seulement 400 kilogrammes le 2 juillet) et le cours regrimpe entre 12 et 13 euros (taille 40).
Didier constate une forte augmentation du prix moyen en criée, et il a le recul suffisant. Il a débuté en GMS en 1998 en tant que chef de rayon à l’Intermarché de Vannes, avant d’être repéré par un chasseur de tête et de passer au Leclerc. S’il a le temps avant la vente, sinon après, il passe chez le mareyeur Jaffray pour récupérer sa commande de la veille de filets de poissons blancs, pour l’essentiel, et d’une partie de son saumon entier. Mais une proportion importante des filets à l’étal de Vannes est préparée par son équipe. Il faut être de retour à Parc Lann pour 6 heures, où l’équipe du matin a commencé à dresser l’étal depuis une heure. Didier donne ses directives pour les mises en avant, puis monte à son bureau faire ses prix, sa traçabilité et ses commandes à la Scapmarée, la centrale Leclerc (surtout pour les crevettes tropicales, le dos de cabillaud et d’autres filets de gadidés d’import, une partie du saumon ou les pinces de crabe). Il travaille aussi en direct avec quelques autres mareyeurs, comme Royal Marée.
Araignée de casier de la côte nord, des Viviers de Saint-Colomban, à 4,60 euros (cuisson possible) ou crevettes vannamei 60/80 à 6,99 euros ? Filet de lieu noir de Norvège en promo catalogue à 11,90 euros ou mulet de fileyeur à 12,90 ? L’offre doit être multiple, pour tous les goûts et tous les budgets. Vers midi, Didier rentre chez lui, pour une sieste réparatrice. Il sait pouvoir compter sur ses deux adjoints et une équipe stable.
Lionel FLAGEUL