Auvergne-Rhône-Alpes : une autre culture du poisson

Le 21/01/2025 à 16:00 par La rédaction

Quand on pense « produits aquatiques », la région Auvergne-Rhône-Alpes n’est pas la première qui vient à l’esprit : Clermont-Ferrand est, avec Strasbourg, la ville où l’on en consomme le moins en France. La région mérite cependant qu’on s’y attarde car elle a une autre culture du poisson… et parce que les produits peuvent y être bien valorisés.

 

Connaissez-vous la ville française dont le logo comporte un saumon stylisé ? Vous auriez répondu Boulogne-sur-Mer ? Perdu ! C’est Brioude, la sous-préfecture de la Haute-Loire, au sud de Clermont-Ferrand. Et, partout, l’Allier placarde fièrement « Rivière à saumons ». Si ce poisson, qui remonte cet affluent de la Loire pour frayer, s’affiche autant, c’est qu’il a fait la réputation de la ville auvergnate. « Les Écossais, les Norvégiens et les pêcheurs des riches familles françaises venaient ici pratiquer la pêche sportive », explique Christophe Brugerolle, de la maison du Saumon et de la Rivière, l’aquarium consacré à cette espèce et aux poissons d’eau douce de la région. Dans les années 1900, les guides de pêche locaux et les hôtels-restaurants de luxe n’étaient pas les seuls à vivre de ce poisson-roi ; les pêcheurs professionnels, qui le prenaient au filet, le faisaient parvenir aux plus grandes tables de France : le saumon de Brioude était réputé pour sa chair. « Pour arriver ici, un saumon devait avoir entre deux et trois ans de mer. Il mesurait au moins 70 à 80 centimètres. Sa vigueur pour remonter le courant lui valait une chair ferme, musclée, peu grasse », complète Christophe Brugerolle. Une passion de la région pour ce poisson qui a même valu à la gare de Roanne d’en prendre la couleur. Mais la production avait sa saison. Dans les années 1870, les ouvriers qui construisaient la ligne de chemin de fer cévenole ont fait figurer dans leur contrat de travail une clause pour ne pas être nourris de saumon plus de trois fois par semaine ! La chair de ce saumon-là, épuisé d’avoir frayé, était molle et conservée dans le sel… dans les conditions d’hygiène de l’époque !

Il est toutefois révolu ce temps de l’abondance. Les difficiles conditions de reproduction de ce poisson, les pollutions et surtout les nombreux obstacles (barrages notamment) sur l’Allier et la Loire ont mis à mal les populations. De lourds travaux ont été engagés par l’État pour restaurer le bon état écologique de l’Allier et aider les poissons à franchir les barrages, comme « l’ascenseur » de Monistrol, qui a coûté 18,9 millions d’euros en 2019. Un Conservatoire national du saumon sauvage a été créé à Chanteuges, pour repeupler l’Allier et ses affluents. On compte les passages de cette précieuse souche sauvage. Mais au début de la saison de frai 2024, ils n’étaient qu’une soixantaine à s’être présentés…

Autre poisson en danger que l’on peut découvrir à la maison du Saumon et de la Rivière de Brioude : l’ombre. Prisé des pêcheurs locaux et de ceux qui connaissent la chair, ce poisson combatif qui se confond avec son environnement et qui doit son nom latin (Thymallus thymallus) à son goût de thym est lui aussi menacé.

D’autres espèces familières des grandes tables (féra, omble chevalier, sandre, perche et, bien sûr, truite) sont élevées et/ou ne sont pas menacées. Elles font le bonheur des restaurants étoilés (lire dans PDM no 228, p. 53). D’autres, courantes, comme les ablettes, sont prisées des amateurs des restaurants de friture (lire dans PDM no 228 p. 54). C’est en effet l’une des caractéristiques de la région Auvergne-Rhône-Alpes : sa densité en restaurants. Certes, Lyon est réputée mais la région entière est étonnamment maillée par des établissements de toutes tailles, qui laissent augurer des débouchés pour les produits de la mer. Dans les restaurants de friture, les moules ou le lieu noir en poisson du jour ont rejoint les grenouilles ; dans les palaces des stations de ski ou des villes d’eaux, on s’essaie à des apprêts haut de gamme, pour lesquels les chefs ont besoin, en amont, de préparations sur mesure. Des villes d’eaux qui renaissent, à l’instar de Vichy, récemment classée au patrimoine mondial de l’Unesco, qui compte palaces et hôtels 5 étoiles et où la Maison Bocuse a annoncé, le 25 octobre, son arrivée à la rotonde du lac d’Allier.

Et si le poulet aux écrevisses ou la truite au bleu ne sont plus courants sur les tables quotidiennes, cette région où l’on aime faire bonne chère, pendant longtemps mal desservie par le réseau routier et donc délaissée par la filière, a une appétence qualitative pour les produits aquatiques, auréolés d’une image de prestige. À méditer pour développer de nouveaux marchés ?

 

Marielle MARIE

 

Retrouvez l'intégralité du focus Auvergne-Rhône-Alpes dans le magazine Produits de la mer n°228

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