Le 3 décembre 2020, Singapour devenait le premier pays au monde à autoriser la commercialisation de nuggets de poulets cultivés en laboratoire. Et selon Ryan Whittaker, analyste chez GlobalData, « les consommateurs sont prêts à payer pour des produits qui aideront le monde à atténuer la crise climatique à venir. Qu'il s'agisse de cultiver de la viande à partir de cellules et de nutriments à base de plantes, ou de produits laitiers à partir de levure génétiquement modifiée, les alternatives à la viande et aux produits animaux conventionnels vont probablement devenir de plus en plus présentes pour résoudre les problèmes de sécurité alimentaire et de changement climatique. Singapour nous montre le chemin ».
Lancée dans les années 2000 par la Nasa, la recherche sur le développement de protéine issue de l’agriculture cellulaire avait déjà marqué son temps en 2013 avec la présentation du « Frankenburger » aux Pays-Bas. Élaboré par Peter Verstrate et Mark Post, il a trouvé acquéreur à… 250 000 euros ! Le principe ? Des cellules-souches sont prélevées par biopsie sur des muscles d’animaux puis cultivées dans des bioréacteurs avec des conditions idéales (température, pH, nutriments, etc.) pour leur développement. Pour nombre d’entreprises engagées dans l’aventure agro-scientifique, il s’agit de produire de la protéine animale avec une faible empreinte écologique. Elles estiment en effet que l’accroissement de la demande ne sera pas compatible avec les modes de production actuels, qui génèrent trop de gaz à effet de serre, monopolisent trop de terrains agricoles, favorisent les zoonoses et ne sont pas assez attentifs au bien-être animal.
En 2020, ce secteur des protéines alternatives a investi plus de 3 milliards de dollars en R&D selon Good Food Institute, que ce soit en substituts végétaux (une autre réponse très tendance) ou en biotechnologies cellulaires. Les start-up spécialisées en viande de culture ont pour leur part reçu 360 millions de dollars (soit six fois plus qu’en 2019). Parmi les plus engagées, on trouve Memphis Meats (États-Unis), Mosa Meat (Pays-Bas), Aleph Farms (Israël) ou encore Vital Meat (France).
Toutes sont suivies par d’importants investisseurs. On parle beaucoup de viande dans le domaine. Mais les produits de la mer ont aussi leur (petite) place dans cette évolution. Surpêche, pollution aux métaux lourds ou aux plastiques, élevage industriel, antibiotiques… les problématiques n’épargnent pas la filière. Et les alternatives, notamment végétales, se développent, boostées par la demande des flexitariens, végétariens et végans. Good Catch leur propose du thon à base de légumes ; Frosta un cake de poisson et du poisson frit à partir de haricot et de chou-fleur. Les bâtonnets Moving Mountains ont la saveur des poissons panés surgelés classiques avec des recettes à base de plantes. New Wave Foods, start-up californienne née en 2015, propose des crevettes 100 % végétales. Ocean Hugger Foods a développé Ahimi, une alternative au thon élaborée à base de tomate et de sauce soja. La société travaille à la création de deux autres substituts au poisson : du saumon à base de carotte et de l’anguille d’aubergine. L’entreprise britannique Quorn propose des bâtonnets de poisson pané conçus avec des protéines de champignon.
Quant à l’univers de la recherche cellulaire, les produits de la mer offrent des avantages, en étant notamment moins énergivores que la viande au cours du processus de production. Du coup, une poignée de sociétés (Finless foods, Shiok meats, Wild Type, etc.) misent sur eux. Mais malgré les arguments positifs en leur faveur, les images de L’Aile ou la Cuisse ne sont jamais loin dans l’esprit du consommateur… qui a encore du temps pour se faire une opinion ! Selon les interlocuteurs que PDM a sollicités, la révolution dans les assiettes n’est pas pour demain, même si elle est en route.
Dominique GUILLOT
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