Abrités d’un parasol, des étudiants espagnols dégustent de belles assiettes d’huîtres creuses, à 11 euros la douzaine de n° 3. La vue imprenable sur les voiliers à l’ancre et la marée montante à quelques mètres en contrebas les a convaincus de poser leurs sacs à dos chez celle que l’on surnomme « Anne de Belon ». Partis le matin de Pont Aven, ils ont longé sa rivière jusqu’à la pointe de Penquerneo, avant de poursuivre sur ce sentier des douaniers, le GR 34, en surplomb de l’estuaire du Belon. Qu’importe la fine pluie de ce 17 août, cette halte du midi les ravit. Selon la devise de leur hôtesse Anne Guelt, ostréicultrice de 33 ans, l’atmosphère « pas de prise de tête et à la bonne franquette » règne dans ce havre marin.
Elle n’avait que 21 ans et son bac pro cultures marines à Étel, lorsqu’elle a repris en 2005 l’exploitation de son oncle, à sa retraite : trois hectares d’affinage répartis dans la mythique rivière du Belon et deux dans le Morbihan, à Cornac, d’où sont originaires ses aïeux, des Thaëron.
Dès l’âge de trois ans, elle préférait être gardée par sa grand-mère, au chantier du 8, port du Belon, plutôt qu’avec une nounou, au bourg de Riec. Pour Anne, hors de question d’envisager un autre métier que celui d’ostréicultrice. Elle représente la 4e génération familiale à l’œuvre.
Touchée de plein fouet par les mortalités estivales, dès 2008, la jeune mère de famille a débuté une activité dégustation pour mieux valoriser une partie de sa modeste production de creuses, une quinzaine de tonnes, et de plates, entre 5 et 9 tonnes de ces fameuses Belon.
Au bord de la rivière, le cadre, époustouflant de calme et beauté, se prête à merveille à la découverte et la promotion de l’ostréiculture. Anne s’y engage avec passion, ne cessant de compléter la collection d’huîtres et de coquillages du monde de son grand-père. La dernière pièce : un impressionnant spécimen de Saccostrea cuculata, l’huître tropicale de Mayotte, ramené par des amis.
Travaillant avec seulement un salarié à l’année et des étudiantes saisonnières l’été et les fêtes, elle a dû se séparer de ses parcs à Cornac, trop chronophages. Elle a étoffé depuis peu son offre de dégustation, avec des coquillages et crustacés locaux, tout en améliorant les conditions d’accueil.
À 33 ans, la jeune femme au tempérament affirmé n’aspire qu’à continuer sur cette voie équilibrée, entre production de qualité en vente directe et dégustation, sans s’agrandir.
Texte et photo : Lionel FLAGEUL
