C’est une première, mais une mauvaise nouvelle pour l’aquaculture européenne qui se défend d’élever du poisson transgénique. L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) a autorisé le 19 novembre, l’élevage d’un saumon génériquement modifié, le jugeant « sans danger pour la consommation humaine ». Ceci après une « exhaustive et rigoureuse » étude scientifique. L’AquAdvantage est un saumon de l’Atlantique auquel est ajouté un gène de saumon chinook du Pacifique. Le résultat ? Une croissance accélérée en 18 mois contre 30 pour un saumon classique avec, assure le créateur AquaBounty Technologies, 25 % de moins d’alimentation. Le communiqué de la FDA conclut que l’élevage de ce nouveau saumon est sans danger pour l’environnement… « des États-Unis ». Et pour cause. En amont, les œufs sont élaborés au Canada, dans une écloserie installée sur l’Île du Prince-Édouard et ils ne devraient pas survivre dans une eau froide au cas où ils sortiraient du périmètre de production. Le grossissement se déroule au Panama, où, au contraire, la chaleur des eaux enlèverait toute chance de survie à d’éventuels poissons échappés.
Mais surtout, la société du Massachusetts évoque des poissons stériles et recourt à des installations à terre, en circuit fermé, conçues par Veolia. Autant de paramètres qui lui offrent l’opportunité de communiquer sur le « saumon le plus durable du monde ». À l’annonce faites par la FDA, Ronald L. Stotish, directeur d’AquaBounty, a commenté : « Le saumon AquAdvantage apporte une nourriture saine et nutritive aux consommateurs d’une manière écologiquement responsable, sans endommager l’océan et d’autres habitats marins. L’utilisation de systèmes d’aquaculture terrestres permet d’élever cette riche source de protéines et d’autres nutriments à proximité des grands marchés de consommation d'une manière plus durable. »
Des restaurateurs (première cible d’AquaBounty sur le marché américain) et des chaînes de grande distribution (Aldi, Whole Food et Trader Joe’s) ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne commercialiseront pas cette nouvelle espèce transgénique. Mais le consommateur aura du mal à s’y retrouver puisque l’autorisation ne s’accompagne d’aucune obligation d’étiquetage spécifique. Même si la FDA fourni des documents d’orientation à destination des professionnels intéressés. Cette porte ouverte, le « frankenfish », nom donné à ce saumon par les écologistes, pourrait bientôt être suivi par des poulets et des cochons transgéniques.
Dominique GUILLOT