Entré dans le mareyage depuis 1991, Philippe Vignaud, créateur et fondateur du groupe Vives-Eaux, a su grandir et s’implanter sur les différentes façades du littoral français, en dehors de la Méditerranée. Défenseur des produits côtiers, le dirigeant a investi dans l’écorage à Boulogne, comme dans la transformation en Vendée ou en Bretagne,
tout en conservant son indépendance financière.
Vous êtes présent sur plusieurs façades maritimes. En 2014, la situation du mareyage est-elle la même partout ?
Non ! Sans parler de la Méditerranée où le groupe n’est pas implanté, il est clair que la situation est catastrophique à Boulogne, quand elle s’améliore en Normandie ou se tient en Atlantique. Les explications sont nombreuses. D’une part le savoir-faire boulonnais en filetage de saumon ou de cabillaud subit la concurrence des prestataires polonais, d’autre part la flottille de bateaux côtiers s’est réduite au fil des années. Certains produits manquent à l’appel. Cette année, jusqu’en juillet, il y a eu moins de soles, moins d’encornets, etc. Même si les choses s’améliorent, je m’interroge sur le fait que les bateaux sur Boulogne continuent d’amener le même produit au même moment, en choisissant presque toujours les mercredis, vendredis et samedis comme jours de vente. Les bateaux qui débarqueraient le lundi obtiendraient, je pense, de meilleurs prix. Ce discours, notre filiale d’écorage C2MC-BE, tente de le faire passer auprès des pêcheurs, des bateaux dont elle se charge de valoriser au mieux les captures. Pour un groupe de mareyage, cette activité peut sembler un peu schizophrène dans la mesure où nous travaillons dans l’intérêt des pêcheurs. Mais je crois qu’il est essentiel pour la filière qu’il y ait des apports sur Boulogne.
Les volumes passant sous la criée de Boulogne ont chuté de 45 % en 10 ans. Une chute qui s’accélère d’année en année. En tant que mareyeur, pourriez-vous envisager de quitter Boulogne ?
Non. Il faut rester à Boulogne. Même si la situation s’avère difficile, le port reste un carrefour international important, avec un tissu d’entreprises qui travaillent bien, qui ont un savoir-faire qu’elles exportent. Pour les produits côtiers, Boulogne reste un lieu privilégié pour s’approvisionner en poissons entiers de très belle qualité, barbets, poissons plats, saint-jacques, etc. Or, être capable de pouvoir fournir des poissons de nos côtes selon des approvisionnements réguliers et volumineux fait la force du groupe Vives-Eaux. Chacune des dix entreprises du groupe y participe, où qu’elle soit basée sur le littoral.
Vives-Eaux a beaucoup grandi par des opérations de croissance externe. Est-ce une politique qui devrait se poursuivre ?
Nous avons réalisé de la croissance externe ciblée ! Les critères de sélection : un positionnement principal sur la marée fraîche, de l’entier et du côtier, une implantation géographique qui nous permettait de tisser un maillage sur le littoral et surtout l’humain. En réalité, c’est même le premier critère. Pour que la croissance externe fonctionne il faut partager des valeurs avec les dirigeants, s’appuyer sur les savoir-faire et les compétences des équipes, partager des projets et faire circuler de l’information. Allons nous continuer ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura des opportunités. En situation de crise, c’est toujours le cas. Mais si d’un côté mes équipes me poussent à construire des projets, à aller plus loin, de l’autre, nous disposons déjà d’une belle présence sur le littoral. Elle a un coût. Même si elle est garante de la qualité des produits achetés. C’est en étant sur place que l’on peut connaître les bateaux, sentir les choses, anticiper. C’est crucial.
Vous parlez de crise. Comment envisagez-vous 2015 ?
J’espère que le début d’année ne ressemblera pas à 2014. Les tempêtes de janvier et février ont engendré des pertes sèches. Ensuite sur la partie filetage, l’activité a été plombée par l’arrivée massive de dos de cabillaud pas cher. Heureusement, le filetage ne représente que 30 % du chiffre d’affaires de Vives-Eaux, principalement positionné sur les produits de nos côtes, devenus des produits d’appel en frais comme en surgelé, qui devient un axe fort de développement pour nous. L’appétit de produits de nos côtes est avéré en GMS, en RHD comme dans les IAA. Nous allons donc continuer à défendre les couleurs du côtier, sous toutes ses formes. Cela dit, les résultats de 2015 seront pénalisés par les coûts de la réforme de l’étiquetage, réforme qui risque de pénaliser les petits bateaux aux lots hétérogènes.
Avec 75 M € de chiffre d’affaires en 2013, le groupe Vives-Eaux emploie 220 personnes qui achètent, transforment et commercialisent près de 13 000 tonnes de produits de la mer par an, hors activité d’écorage. Tous partagent la même ambition : valoriser la pêche côtière. | ||