Depuis 2008, Loïc Maine dirige avec sa femme la société Ouest coquillages qui commercialise, en dehors des circuits de la grande distribution, les moules et les huîtres qu’il élève dans l’ouest-Cotentin depuis 20 ans avec son père, lui-même fils d’un pêcheur de praires reconverti à la conchyliculture dans les années 1960. Jeune élu au CNC, Loïc Maine veut croire en l’avenir de la profession.
Être ostréiculteur et mytiliculteur n’est pas si fréquent. Pourquoi ce choix ?
C’est celui de mon grand-père. Cela dit, l’élevage de bouchots forme le cœur de notre activité. Notre production d’huîtres se limite aujourd’hui à un complément d’offre que nous pouvons vendre sans problème auprès des restaurateurs et poissonniers de la région. Nous avons pris cette orientation quand les normes sur les calibres d’huîtres ont changé, devenant trop précises pour supporter les aléas de la nature. Ces normes modifient l’esprit du produit. D’une année sur l’autre, sans rien modifier à notre méthode de production, mais tout simplement pour des questions de météo, de température d’eau, etc… Les produits peuvent ne plus répondre à des exigences de cahiers des charges. Inévitablement cela génère du gâchis. Pour l’éviter nous avons préféré réduire notre production d’huîtres au profit des moules. La diminution s’est accentuée avec la crise des mortalités. Nos tonnages sont passés de 80 tonnes d’huîtres à 30. Non seulement nous avions des difficultés d’accès au naissain, mais avec la hausse des cours la taille du marché de l’huître s’est réduite. En six ans, le prix de départ d’un kilo pour une d’une bourriche de 15 kg a grimpé de 1,50 € pour s’établir à 5,40 €.
Cette année, certains bassins mytilicoles ont subi des mortalités extrêmement dures. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
Que la moule, réputée être un coquillage coriace, puisse disparaître du jour au lendemain comme cela a été le cas en Charente et dans le pertuis Breton fait froid dans le dos. Cela paralyse les entreprises, dont les trésoreries sont déjà mises à mal. Pas facile d’investir. En Normandie, nous avons aussi connu des épisodes difficiles. Après une année 2007 fantastique, 2008 a été catastrophique. Le milieu s’est appauvri. Pour tenter d’améliorer la qualité des moules, les professionnels normands, non sans mal, se sont engagés en 2011 dans un plan d’ensemencement à 70 %. Nous commençons à en percevoir les premiers effets. Lorsqu’on travaille en milieu ouvert, il faut jouer collectif. Ce n’est pas simple. D’autant que les frontières dans l’eau sont plus perméables qu’entre les différentes structures professionnelles. Par exemple quel intérêt pour les mytiliculteurs de la côte ouest de Normandie de réduire davantage leur ensemencement si leurs voisins bretons augmentent leur production ! Nous partageons la même eau. Je ne suis pas opposé par principe aux moules de filières, mais je suis opposé au projet de filières à Saint-Coulomb qui se nourrissent dans les mêmes eaux que les nôtres. Or pour l’instant, même si notre production reste à 530 tonnes de moules contre 650 tonnes avant 2008, la qualité est de nouveau au rendez-vous. Nos clients, brasseries traditionnelles, mareyeurs ou poissonniers nous font leurs retours très rapidement. Dans le bon sens, comme dans le mauvais. C’est l’avantage des relations directes.
Vous évoquez la question de la qualité, pourriez-vous vous engager dans des démarches de labellisation ?
A priori non. Sauf à ce qu’une marque ou une distinction puisse s’apposer au gré des années sur des moules en fonction de la qualité des produits. En continuant de vendre chaque année, sous un même label qualité ou une même marque, un produit de qualité variable par nature, on risque de décevoir des consommateurs. Il faudrait pouvoir se déclarer en rupture si ce n’est pas le cas ou attendre que le produit soit prêt… Mais bien souvent sur les marchés de gros, si vous ne proposez pas votre produit en début de saison, vous n’êtes plus référencé. C’est dommage. Cela explique aussi mon refus de travailler dans des circuits trop structurés, préférant maintenir une activité qui fait vivre 8 personnes plutôt que de grossir et risquer de tout perdre. Je pourrais être favorable au bio s’il y a un engagement sur tout : l’usage des plastiques, les huiles, etc… Par contre, je milite au sein du Comité national de la conchyliculture pour que les moules de Normandie soient reconnues comme telles. Que leur origine géographique soit une identité à revendiquer.
C’est au sein de la EARL Maine et fils que Loïc Maine a débuté. Il dirige désormais Ouest coquillages avec sa femme qui gère aussi la poissonnerie de demi-gros Les boucholeurs, à Trouville. S’il a des projets, le conchyliculteur rêverait de les réaliser sans l’aide de subventions. |
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