L’absence depuis plusieurs années des poissons bleus fragilise les organisations de producteurs de Méditerranée. La SA.THO.AN, coopérative maritime et organisation de producteurs de Sète, n’y fait pas exception et a dû se restructurer. Pour son directeur général, toutefois, l’espoir vient du thon rouge. L’espèce emblématique dont les stocks se restaurent doit maintenant réussir son retour sur les étals des grandes surfaces.
En début d’année, la première mise en marché des poissons bleus que vous réalisiez a basculé en criée. En quoi était-ce nécessaire ?
Les poissons bleus, anchois et sardines, font défaut en Méditerranée depuis plusieurs années, ce qui déstabilise la filière. En 2010, les OP de la région pouvaient commercialiser jusqu’à 10 000 tonnes d’anchois et sardines. Aujourd’hui ce chiffre est tombé à 500 tonnes, dont 100 débarquées par les adhérents de SA.THO.AN. Des volumes trop petits pour maintenir les emplois liés à cette activité de première commercialisation d’autant que la tentative de fusion des organisations de producteurs méditerranéennes de 2013 a échoué. Deux ont fait faillite et nous avons dû nous restructurer drastiquement pour continuer d’assurer les missions d’une OP. Nous souhaitons notamment valoriser les espèces en nous appuyant si possible sur des signes de qualité, comme nous l’avons déjà fait avec MHP et Marius Bernard sur des soupes de poisson Label rouge. Reste à trouver des partenaires motivés pour des poissons bleus ou blancs.
L’aide au stockage et la régulation des marchés font aussi partie de nos attributions. En 2014, cela s’est bien passé. Cela dit, en 2015, il faudra trouver des débouchés pour les anchois hors taille qui seront débarqués. Pas simple.La disparition des poissons bleus a-t-elle un impact sur les marchés des poissons blancs de Méditerranée ?
En réalité, sardines et anchois sont encore très présents. Mais ils sont trop petits ou pas assez gras pour intéresser les acheteurs. Les anchois en ce moment ont un calibre de 90 à 110 unités au kilo. Réglementairement parlant, nous avons le droit de les vendre, mais les débouchés ne sont pas là. Les premiers résultats des recherches financées par France Filière Pêche, à hauteur de près de 1 M€ dans le cadre du projet EcoPelgol, montre que la nature du problème est trophique et multifactorielle. En attendant, à défaut de capturer du bleu commercialisable, les pêcheurs se sont orientés vers le poisson blanc. Cela aurait pu déstabiliser les cours si les volumes débarqués de merlu, poulpe, dorade, bar, calmar, sole ou baudroie – les principales espèces des 80 débarquées en Méditerranée –avaient augmenté. Mais cela n’a pas été le cas : la flotte de chalutiers est passée de 34 en 2006 à 14 aujourd’hui, avec les plans de sortie de flotte. Quant aux captures des petits métiers, elles ont souvent tendance à trouver preneurs en direct.
L’arrivée massive de dos de cabillaud à bas prix n’a pas déstabilisé les cours des poissons blancs ?
L’Italie, l’Espagne offrent de gros débouchés aux poissons blancs de Méditerranée. Nous n’avons donc pas eu le même impact que dans le nord de la France ou la Bretagne. Sans compter que localement, les gens privilégient les espèces de Méditerranée.
À commencer par le thon rouge ?
Oui, mais à partir de 2015 nous pouvons espérer que tous les Français puissent de nouveau déguster du thon rouge de ligne. Les efforts de promotion que nous menons depuis deux ans auprès des poissonniers, des restaurateurs, sur Internet, comme auprès des grandes surfaces, portent leurs fruits. Les avis optimistes des scientifiques sur la ressource n’y sont pas pour rien. Si nous pouvons espérer voir les quotas pour l’Atlantique et la Méditerranée augmenter l’an prochain, nous savons aussi que des enseignes accepteront désormais de les commercialiser. Certains accords ont été signés. C’est le cas avec Carrefour, Casino, etc… Chez d’autres, comme Auchan, nous avons un accord de principe pour 2015.
Même si les volumes distribués en GMS restent petits, cela nous permet de stabiliser les cours en cas de pics de production. Enfin, cela contribue à changer l’image du thon et à rassurer les restaurateurs qui hésitent. Certains ont mis du temps avant de s’interdire le thon rouge. Il n’est pas facile de revenir en arrière tant l’espèce est emblématique pour les ONG.
Cela dit, les pistes pour valoriser le thon rouge ne manquent pas. Nous pourrions imaginer entrer dans une démarche de certification MSC, travailler sur l’image d’un thon rouge de ligne et de Méditerranée. Mais c’est trop tôt. Il faut d’abord recréer les marchés.
SA.THO.AN détient 60 % (2 471 tonnes) des quotas français de thon rouge pour 2014. Dans ces tonnages, un peu plus de 300 tonnes sont réservées aux petits métiers, qui les capturent à la ligne. Le reste est pris par les senneurs et vendus vivants au Japon après un passage en embouches. Sur le marché international et national, le prix au kilo reçu par les pêcheurs flirte avec les 11 €. | ||