Comment séduire les consommateurs de 2025 ?

Le 09/05/2018 à 10:11 par La Rédaction

 

Alors que les chiffres de la consommation aquatique par les ménages français viennent de sortir, révélant une baisse en volumes, FranceAgriMer a invité des opérateurs de la filière à un exercice de prospective, basé sur une étude des comportements alimentaires de demain. Commanditée par le ministère de l’Agriculture, celle-ci vise à nourrir et piloter les plans de filière et à guider les stratégies d’innovation des opérateurs.

 

Au total, 640 000 tonnes de produits aquatiques ont été achetées en 2017 par les ménages français pour une consommation à domicile. Une baisse légère, finalement compensée en valeur, puisque les dépenses en produits aquatiques augmentent. Rien d’inquiétant pour Jérôme Lafon, délégué de la filière pêche et aquaculture de FranceAgriMer, pour qui « la baisse est en partie liée au fait que les consommateurs vont privilégier les filets à l’entier. À regarder les bilans d’approvisionnement, la consommation française, y compris en tenant compte des circuits de la restauration, semble stable ». Cependant, Laurence Deschemin et Joanna Klopfenstein, analystes chez Kantar Worldpanel, prônent auprès des professionnels la vigilance.

Sur les cinq dernières années, en effet, la chute de la consommation à domicile en volumes dépasse les 5 %. Pour les produits de la mer surgelés, la chute est de 17 %, contre 1 % pour les conserves et 5,5 % pour les produits aquatiques frais. Le seul segment à la hausse sur cet horizon reste celui du traiteur de la mer, « mais pour la première fois cette année, il stagne », affirment-elles.

Faut-il y voir l’influence des mouvements végans ou flexitaristes ? Une désaffection pour les produits de la mer ? « Je n’y crois pas », insiste Jérôme Lafon. Pour certaines espèces, comme le saumon, « la hausse des prix moyens peut expliquer la baisse de la consommation », confirme Laurence Deschemin et Joanna Klopfenstein, mais elles révèlent aussi une diminution des points de contact entre les consommateurs et les produits de la mer.

Il est alors intéressant de se pencher sur la façon dont les Français font leurs courses. S’ils vont moins souvent dans les hypermarchés et fréquentent plus les marchés, les magasins spécialisés dans le bio, les boutiques de producteurs, les enseignes à marques de distributeurs (dont le hard discount). S’ils commandent plus sur internet, force est de constater qu’ils ne seront pas exposés aux mêmes offres. Idem si les Français consomment moins à domicile et plus dans les circuits de la restauration rapide, s’ils préfèrent commander des repas prêts à consommer ou se faire livrer des box de repas à préparer.

En effet, dans ces circuits de distribution naissants, qui grignotent progressivement des parts de marché aux hypers et supermarchés, l’offre produits de la mer est plus restreinte, notamment en frais. Les risques de casse, la complexité et le coût de la logistique du frais dans les produits de la mer l’expliquent. Nul hasard, d’ailleurs, si l’apparition des gammes sous skin coïncide avec la progression du hard discount dans la distribution de poisson frais, à commencer par les saumon, cabillaud et lieu noir.

Tous les acteurs du secteur de la distribution alimentaire sont en pleine effervescence : Carrefour, Auchan, Monoprix, mais aussi Biocoop, pourtant portée par une croissance de 15 % de son chiffre d’affaires. Face au ralentissement de sa croissance, l’enseigne a créé un laboratoire à idées, dont le rôle est d’imaginer les moyens de mettre son concept à la portée d’un nombre toujours plus grand de consommateurs. E-commerce, corners, toutes les pistes seront étudiées, les partenaires potentiels choisis avec soin.

Les mouvements dans la façon dont les Français font leurs courses, les évolutions démographiques, les contraintes économiques des ménages, les valeurs qui leur semblent importantes, les changements technologiques comme de réglementation peuvent influer sur la consommation en général, sur celle des produits aquatiques en particulier.

C’est pour y réfléchir que FranceAgriMer organise, pour chacune des filières, des matinées de travaux prospectifs, basés sur une étude réalisée par Blézat Consulting, le Crédoc et Deloitte Développement Durable, qui identifie 42 tendances pouvant jouer sur les comportements alimentaires de 2025. Concrètement, plusieurs petits groupes de quatre personnes, issues de différents maillons de la filière, devaient réfléchir à l’impact qu’aurait sur leur filière l’émergence de tel ou tel profil de consommateurs en 2025. Des profils bien sûr caricaturaux, mais crédibles.

Pour les quatre profils explorés, les impacts imaginés pouvaient être positifs ou négatifs, selon que l’on soit transformateur, producteur ou importateur. Ainsi, le profil baptisé « crafterisation » semblait à Marie Levadoux, du Comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture (Cipa), « ouvert aux produits d’aquaculture des étangs français », mais elle relevait aussi que « ce type de consommateurs pouvait être difficile à toucher, puisqu’il ne fréquentait plus les grandes surfaces ». Mais pourquoi ne pas l’y faire revenir avec des ateliers cuisine ou des « food show », proposent d’autres acteurs.

Considéré par Hubert Carré, du Comité national des pêches, comme dangereux « parce qu’il peut relayer des informations fausses sur les réseaux sociaux », le profil « digital » est vu par d’autres comme « quelqu’un qui peut avoir une influence positive pour le lancement d’une innovation ». Difficile d’imaginer l’impact réel de tendances qui se croisent et s’influencent en négatif ou en positif. Par des actions collectives, pour soutenir le développement des projets d’aquaponie, pour construire un « arsenal anti-fake news », l’impact des changements de comportements de consommation peut varier. C’est d’ailleurs « l’ambition de l’étude prospective sur les comportements alimentaires de demain que d’aider les filières à mieux orienter leurs travaux de recherche et d’innovation, à piloter les plans de filière », affirme Jérôme Lafon. Au-delà, chaque acteur peut aussi y trouver une source d’inspiration pour ses lancements de produits dans les circuits de la consommation à domicile comme en restauration, collective ou commerciale.

Céline ASTRUC

2025, zoom sur quatre profils
de consommation possibles

 

1. Consommation santé
 

/tl_files/_media/redaction/7-Tables-rondes/2018/201805/fotolia_consosante.jpg

 
 

Le profil type : ce consommateur est en quête de sens. Dans sa recherche d’une alimentation plus saine, il est prêt à remettre en cause ses modes de consommation actuels, adopte les régimes à tendance flexitarienne voire végétarienne. Il suit l’actualité, se renseigne sur les labels, les innovations en matière de compléments alimentaires. Sensible aux sujets environnementaux, il s’intéresse à la situation des producteurs, même d’ailleurs. Engagé et solidaire, il est prêt à payer plus cher pour des produits labellisés, enrichis, allégés. Il cherche à réduire ses emballages.

Tendances suivies : naturalité, bien-être, réduction des protéines animales, durabilité.

Impacts potentiels sur la filière d’ici 2025 ?

Positifs : pour les produits de la mer certifiés bio, ASC, MSC, surtout ceux présents dans les circuits bio ou les magasins de producteurs ; pour les produits à base d’algues ; pour les produits arborant un Nutri-Score A ou B. Peut s’ouvrir aux productions pasteurisées à froid.

Négatifs : sur la consommation de produits de la mer en cas de crise médiatique (qualité de l’eau, métaux lourds, bien-être animal…).

 
2. « Crafterisation »
   

Le profil type : nostalgique, ce consommateur veut revenir à des valeurs simples dans sa consommation. Le monde est trop grand pour lui, alors il cherche à renouer avec le patrimoine et la tradition, notamment culinaire. Pour lui, la cuisine est un loisir, pour lequel il s’équipe en conséquence, il consulte les tutoriels, regarde les émissions culinaires. Adepte des produits du terroir, il souhaite découvrir l’histoire des produits. Il privilégie le made in France, apporte son soutien à la production locale et renoue avec le monde rural. Il fuit les grandes enseignes, leur préférant l’artisanat.

Tendances suivies : nostalgie, fait soi-même (pour mieux partager et maîtriser son assiette), proximité.

Impacts potentiels sur la filière d’ici 2025 ?

Positifs : pour les produits de la pêche côtière ou d’aquaculture français, certifiés AOP, IGP… ; pour les produits bruts prêts à être assemblés ; opportunité de développement de kits de préparation dans des circuits alternatifs…

Négatifs : pour le tissu de transformateurs, dépendants de l’import. Fuyant les GMS, il peut être difficile à toucher, surtout s’il est loin des côtes, où les poissonneries sont plus rares.

 
   /tl_files/_media/redaction/7-Tables-rondes/2018/201805/fotolia_crafterisation.jpg  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3. « Digitalisation »
 

 

Le profil type : connecté en permanence sur ses propres outils numériques, le consommateur digital repère les bonnes affaires, collecte toujours plus d’informations, notamment auprès des communautés qu’il affectionne. Ce sont ses sources d’information, dont il ne cherchera pas forcément à remettre en cause la véracité des propos. Il prend ses repas en photo et les poste sur les réseaux sociaux. Il peut influencer d’autres membres de sa ou ses communautés. Branché sur les réseaux sociaux, il est sensible aux bruits médiatiques. Vis-à-vis des produits, le service, le packaging et la communication sont presque plus importants pour lui que le produit en lui-même.

Tendances suivies : digital, stratège, communautés, transparence.
Impacts potentiels sur la filière d’ici 2025 ?

Positifs : pour les produits prêts à consommer, les déjeuners sur le pouce à petit prix, les circuits de livraison à domicile de repas, le drive, l’e-commerce…

Négatifs : pour les produits de la mer frais et bruts, les poissonniers traditionnels. Il peut aussi y avoir une influence négative sur l’image de la filière, au gré des crises médiatiques.

 
   /tl_files/_media/redaction/7-Tables-rondes/2018/201805/Fotolia_digitalisation.jpg  
4. Consommation « expérientielle »
 

/tl_files/_media/redaction/7-Tables-rondes/2018/201805/Fotolia_experientielle.jpg

 
 

Le profil type : ce consommateur cherche l’expérience plutôt que le produit en lui-même. L’alimentation, pour lui, est une activité comme une autre. De ses voyages, il garde des souvenirs de produits exotiques, qu’il aimerait retrouver. Tout prêts. Il ne s’embarrasse pas à les préparer, faute de temps comme d’envie. Fan de la street food et des food trucks, il se nourrit de plats préparés ou se contente d’assembler des ingrédients. Il consomme ce qu’il veut, y compris pendant les repas en famille. Peu importe l’origine, il faut que ce soit ludique, simple et rapide. Sensible aux questions des impacts sociaux et environnementaux de la mondialisation qu’il apprécie, il se déculpabilise en luttant contre le gaspillage alimentaire.

Tendances suivies : prêt à manger, individualisation, nouvelles occasions de consommation, mondialisation, moins de gaspillage.

Impacts potentiels sur la filière d’ici 2025 ?

Positifs : pour l’aval de la filière, les marques et les acteurs qui innovent, pour les importateurs, les circuits de la restauration hors foyers ou livraison à domicile.

Négatifs : spour les produits de la mer ou d’aquaculture origine France.

 
  • Facebook
  • Twitter
  • LinkedIn
  • More Networks
Copy link
Powered by Social Snap