Conviction, expertise et service portent l’innovation

Le 07/06/2018 à 11:46 par La Rédaction

 

Chaque année, arpenter les allées du Seafood Expo Global permet d’observer les évolutions du marché, de confirmer les tendances de consommation et de dénicher des nouveautés. Si les innovations de rupture sont rares, la réflexion, le travail de R & D obligeant les entreprises à revoir leur sourcing et leur organisation font partie des coulisses de l’innovation.

 

Marie Bévillon,
directrice générale
de PSMA La Sablaise

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Défendre l’artisanat, soutenir des micro-initiatives sur le marché et faire en sorte qu’elles soient rentables exige d’innover. Il faut être agile pour faire perdurer ces modèles économiques.

« Introduire du nouveau dans une chose établie », telle est la définition de l’innovation fournie par le Petit Robert. En supprimant l’usage du rocou, colorant végétal qui donne à l’églefin cette teinte orangée attendue par le consommateur, JC David innove dans l’univers du haddock. « Il faut y aller doucement, répond pourtant Hervé Diers, son Pdg. Nous utilisons les mêmes process et savoir-faire traditionnels que pour le haddock classique. Nous n’avons pas particulièrement voulu rajeunir l’image du produit en lui donnant un aspect plus naturel, même si c’est le cas. Le lancement de ce haddock fumé blanc est le fruit de notre démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises). En supprimant le rocou, nous réduisons notre empreinte carbone. Après tout, pourquoi faire des milliers de kilomètres pour ramener un colorant végétal qui n’apporte aucune saveur particulière ? »

Plus que l’originalité de cet églefin fumé au naturel, que le Moulin du Couvent offre depuis près de 40 ans, c’est l’engagement de l’entreprise, autant que le goût du produit, qui a convaincu le jury d’acheteurs internationaux des Seafood Excellence Global Awards de remettre à JC David le grand prix de la restauration.

Le public suivra-t-il ? Hervé Diers veut le croire. « L’engagement d’une entreprise pour l’environnement, la qualité de vie au travail, etc. participe à la qualité d’un produit et répond à certaines attentes consommateurs. »

Une conviction que partagent Quentin Camus et Marie Bévillon, respectivement associé et présidente de PSMA La Sablaise. « Pour nous, l’innovation, c’est de permettre aux consommateurs de trouver du sens dans leurs achats », confient-ils. Sur le salon, les deux dirigeants présentaient leur thon germon débarqué aux Sables-d’Olonne, fumé sur l’île d’Yeu à la ficelle que proposait localement la conserverie Hennequin, tout juste reprise par La Sablaise. « Sous la marque La Sablaise, ce produit artisanal et le savoir-faire qu’il requiert rayonneront un peu plus loin », indique Marie Bévillon. L’entrepreneuse est militante et souhaite participer à la sauvegarde de l’artisanat, valoriser des initiatives locales comme celle d’AB Pêcheries de Loire, reconnue par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) pour ses techniques de pêche et d’abattage douces pour l’environnement et les poissons… « Pour faire perdurer ces modèles économiques, il faut innover. Cela requiert de l’agilité », défend Marie Bévillon. Pour « assurer un niveau de rentabilité, même faible », elle travaille le marketing, adapte les marques et les produits aux circuits de distribution : La Sablaise pour les grandes surfaces, Maison Bévillon pour les épiceries fines et les restaurants, Conserverie de l’île Yeu pour les jardineries et les circuits courts. L’innovation peut être marketing, mais « seulement si derrière, il y a du sens ».

Permettre aux consommateurs de pratiquer des achats qui font sens à leurs yeux, telle est aussi l’origine de la marque Followfish qui, depuis 2007, permet à ses clients de tout savoir des poissons et crustacés surgelés que l’entreprise allemande Followfood vend. Onze ans après son lancement, son cofondateur, Jürgen Butsch, revendique une vingtaine de partenariats avec des pêcheries certifiées MSC ou des élevages bio. Soit une cinquantaine de références qui le hisse au cinquième rang en Allemagne pour les marques surgelées et lui offre 47 % de part de marché dans les circuits bio allemands. Un succès sur lequel il s’appuie pour accentuer sa démarche, fier de présenter la « première boîte de thon en Europe à arborer à la fois les labels MSC et Fairtrade. Elle est fabriquée aux Maldives, où nous avons aussi investi dans le suivi satellitaire ISS des pêcheries partenaires ».

Convaincu que « l’innovation dans l’agroalimentaire doit répondre au défi de nourrir 10 milliards d’habitants sur la planète », Mathieu Isoard, directeur exécutif de GlobeXplore (ex-Globe Export), veut défricher de nouvelles filières. Et pourquoi pas « celles des origines de la création, en travaillant les insectes, le zooplancton et les algues. La croissance à deux beaux chiffres pour les algues alimentaires, qui existe depuis deux ou trois ans, montre qu’il est possible d’en démocratiser la consommation », s’enthousiasme-t-il. Le responsable est conscient que la route sera longue, d’autant qu’il souhaite maîtriser l’approvisionnement de ses matières premières, comme l’entreprise le fait déjà pour la spiruline… mais la ténacité et les convictions de Christine Le Tennier, fondatrice de GlobeXplore sur les algues ont montré que le succès pouvait être au rendez-vous. Le soutien du groupe Hénaff et les aides à l’innovation, « qui ne sont pas un problème en France », peuvent aussi faciliter les choses.

Mais comme le souligne Emmanuelle Jehan, responsable marketing de Greenland Seafood, « la difficulté dans l’innovation est aussi de la vendre. Les usines ont besoin de volumes pour tourner ». Alors, pour répondre à la tendance de fond qu’elle perçoit en France, « de donner de la transparence sur les matières premières, d’apporter de la naturalité au produit », l’entreprise travaille ses enrobés, substitue de plus en plus les blocs de poissons blancs par des filets nature certifiés MSC. « Le sourcing, c’est la clé », poursuit Emmanuelle Jehan, rejointe en cela par Laurent Cornic, directeur général de Cornic et Novamer. « L’innovation, pour des acteurs comme nous, n’est aisée, nous ne sommes ni producteur, ni transformateur. Les recherches de nouvelles découpes, de nouvelles origines ont déjà été réalisées », indique-t-il. Mais en coordonnant les demandes de ses clients avec son expertise du sourcing sur quelques espèces phare – pour lesquelles il peut garantir la durabilité, la qualité… – alors, l’entreprise peut soutenir l’innovation chez ceux qui, a contrario du groupe Nueva Pescanova, ne disposent pas de filières intégrées.

Avec une flotte de 72 navires et 8 000 hectares d’élevage, merlus, céphalopodes et crevettes de Pescanova pourraient être garantis « surgelés deux heures après leur capture ». Un slogan potentiel ? « Pourquoi pas ?, répond Jean-Luc Poinçot, directeur général France du groupe. L’entreprise veut être référente sur la fraîcheur », dans le rayon frais comme dans le surgelé, auprès d’une clientèle « d’urbains actifs, curieux, jeunes, en quête de nouveaux plaisirs ». Et pour faire revenir sa cible dans les rayons surgelés, « nous avons conçu des prototypes de planchas roulettes », indique le dirigeant. Les équipes du groupe pédaleront, planchas au bout du vélo, pour faire découvrir les crevettes à la plancha, le poulpe, etc. Sans oublier d’évoquer, à ceux qui le demanderaient, les engagements RSE du groupe.

Innover pour aller à la rencontre des consommateurs, qui multiplient leurs lieux d’achats, peut se faire de nombreuses manières : en travaillant la logistique, le conditionnement, en augmentant les DLC, comme le propose Delpierre avec la pasteurisation à froid ou les offres sous skin… Pour Pierre Pichot, cogérant des Parcs Saint-Kerber, cela peut aussi être le cas en devenant « multicanal, en ouvrant une boutique, un bar à huîtres, qui sont des vitrines des savoir-faire. Dans le frais, la qualité est là, pour se différencier, innover, il faut jouer sur le service ».

Si ouvrir des magasins stimule d’autres acteurs comme le groupe Mytilimer ou la Sapmer, Bertrand de Mesnildot, directeur général de Satmar et de sa filiale les Jardins ostréicoles de Tatihou, considère qu’il s’agit là d’un métier réellement différent. Pour innover dans le domaine conchylicole, il estime qu’ « au-delà du travail de sélection génétique, de celui sur le sans-antibiotique, beaucoup de choses se jouent sur le packaging ». Et de proposer, comme un service, des emballages réutilisables.

Chez Groupe Barba, le service est de faciliter l’accès au produit en travaillant sur le prêt à consommer, avec les marinés ou les prêts à cuisiner. « Si les conditionnements sont micro-ondables, c’est encore un plus », ajoute Hervé Barba, son directeur général. Une piste empruntée aussi par Delta Mossel, qui dévoile le prototype de ses moules à « woker » pour le rayon marée LS, comprenant 700 grammes de moules, des nouilles chinoises, des légumes frais découpés et une sauce dédiée. Sous la marque Premier, l’entreprise Krijn Verwijs révèle, elle, son kit pour moules au barbecue, avec son huile de poivre rouge, ou à woker, avec de l’huile de citron. Objectif des deux entreprises : « Innover pour toucher une nouvelle génération de consommateurs, auprès de qui la transmission culinaire ne s’est pas faite », évoque Olivier Camelot, de Delta Mossel.

Séduire les plus jeunes est sans conteste un axe d’innovation sur lequel travaillent les acteurs du secteur, comme le révèle le recensement des nouveautés sorties entre avril 2017 et avril 2018 et la sélection des finalistes des Coups de cœur de l’innovation de PdM et du Centre culinaire.

Céline ASTRUC

Laurent Cornic,
directeur général de Cornic et Novamer

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L’innovation, pour des importateurs comme nous, n’est pas aisée.
À défaut, nous pouvons la soutenir en apportant à nos clients une expertise sur des espèces, identifier le bon sourcing pour leurs besoins.

Mathieu Isoard,
directeur exécutif
de Globexplore

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Chez nous, l’innovation repose d’abord sur une intuition. Nous ne cherchons pas à répondre
à une demande, mais à susciter de nouvelles envies pour des filières comme
les algues, les insectes, le zooplancton.

Jean-Luc Poinçot,
Dg France du groupe
Nueva Pescanova

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Le sourcing est la clé de l’innovation. Il faut avoir accès à la meilleure matière première, en travaillant avec des filières intégrées, en nous engageant dans des démarches RSE…
 

 

Olivier Camelot,
responsable chez Delta Mussel

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L’innovation ? C’est réussir à toucher une nouvelle génération de consommateurs. Pour la moule, il faut trouver de nouveaux moyens de la faire consommer, proposer
des packs faciles à cuisiner… 

Pierre Pichot,
des Parcs Saint-KerBer

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Le service, c’est la clé
de l’innovation. Aujourd’hui, la qualité
des produits est déjà là. Il faut se différencier sur autre chose. Dans le frais, cela peut être de devenir multicanal.
 

Hervé Barba,
directeur général
de Groupe Barba

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Au-delà du produit, l’innovation passe par le service. En simplifiant
la mise en œuvre par le consommateur avec des marinés, du prêt-
à-cuisiner, mais aussi en le rassurant sur le produit, sa pérennité. …

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