De l'art d'éveiller l’appétit de la Chine

Le 05/09/2019 à 11:43 par La Rédaction

 

Camille Verchery,
directeur général
et fondateur de VVR International,

« La restauration est souvent un passage
obligé pour la construction d'une marque,

avant d'attaquer la distribution. ».

 

Chloé berndt,
directrice de projet
pour VVR International

« Les Chinois sont intéressés
par de nombreux produits,
mais le marché n’est pas toujours prêt. »

 

La Chine, son marché, sa croissance et sa classe moyenne font rêver les candidats à l’exportation. Mais le géant est également un acteur majeur des produits de la mer et un client difficile à appréhender. Rencontre avec de fins connaisseurs de l’empire du Milieu et des opérateurs qui s’y sont frottés.

Sommaire

1- La première chose que vous demandent vos clients n’est-elle pas de leur présenter le marché émergent qu’est la Chine ?

2- Quel est alors votre rôle auprès des candidats motivés ?

3- À quoi ressemble le paysage de la distribution chinoise ?

4- Il existe aussi du potentiel dans la restauration ?

5- Quelles questions faut-il se poser pour se frayer un chemin jusqu’au consommateur ?

6- Sur quoi peuvent ensuite compter les entreprises qui se lancent ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1- La première chose que vous demandent vos clients n’est-elle pas de leur présenter le marché émergent qu’est la Chine ?
Camille Verchery : En général, ils connaissent la Chine en version macroéconomique, car beaucoup de données existent. La plupart du temps, ils ont déjà eu une action exploratoire du pays, avec des organismes comme Team France Export, des déplacements sur des salons, des rencontres B to B… Le 1,4 milliard de Chinois, les dix villes de plus d’1 million d’habitants, la croissance de 6,6 %, les 53 milliards d’euros d’importation de produits alimentaires (dont 7,5 % de produits aquatiques) avec les États-Unis et l’Europe en principaux contributeurs… Ils connaissent déjà. Ils ont alors plutôt besoin de compétences opérationnelles pour les aider à gérer leur projet.

2- Quel est alors votre rôle auprès des candidats motivés ?
C.V. : Pour ma part, je m’occupe plutôt des grands comptes, qui se trouvent souvent confrontés à la nécessité de monter des joint-ventures. Mais dans l’alimentaire, les besoins sont de deux ordres, selon que l’entreprise s’adresse aux professionnels ou aux consommateurs. En B to B, il s’agit plutôt d’opérateurs disposant de produits qui demandent à être transformés, voire d’équipementiers souhaitant vendre leur matériel. Mais nous travaillons plutôt en B to C, avec des TPE-PME qui ont leurs propres produits et sont en demande d’aide globale, en termes de stratégie, de distribution, de gestion… Nous les aidons à se développer de façon sécurisée et pérenne. En Chine, le plus difficile n’est pas forcément de trouver un partenaire. Il s’agit surtout de s’assurer que l’on va gagner de l’argent en protégeant sa propriété intellectuelle et industrielle, sa marque et la qualité de service. Notre expertise face à ces questionnements est d’observer le marché et de regarder comment font les autres entreprises implantées, ce qui fonctionne ou non.

Chloé Berndt : Notre métier consiste à analyser la concurrence mais aussi à définir le « moment du marché ». C’est le moment où la Chine a décidé que cette typologie de produit, cette qualité, ce service et ce prix sont adaptés. Les Chinois sont intéressés par de nombreux produits, mais le marché n’est pas toujours prêt : mauvaise adéquation du prix, réglementation restrictive, habitudes de consommation… Il faut guetter les moments de bascule où l’appétence des Chinois, du gouvernement ou une évolution de la réglementation rendent le marché acheteur. Ensuite, cela peut aller vite.

3- À quoi ressemble le paysage de la distribution chinoise ?
C.V. : La distribution de proximité représente 40 % des achats, les hypermarchés 20 %, les grossistes 7 % et l’e-commerce 7 %. Dans ce dernier segment, il faut évoquer WeChat, le réseau social le plus utilisé en Chine. Les groupes de particuliers ou d’entreprises qui s’y forment ont de plus en plus d’influence sur la consommation. En émergent des « key opinion leaders », prescripteurs très importants qu’il faut savoir séduire.
Côté marques, les distributeurs premium, en offline (NDLR : hors e-commerce), sont Olé, City Super, City Shop et G Super. Dans le milieu de gamme, on trouve Carrefour, Fresh Market, Metro, Walmart ou Sam’s Market. En dessous, il y a Wumart, Century Mart, Tesco, Auchan… En ligne, les plus importants sont Fields et Epermarket puis Sam’s, JD.com, SF Best et enfin des enseignes de marché de masse moins connues. Et tous ces segments ont des fournisseurs divers selon les produits. Rien que sur la crevette, nous avions identifié plus de 350 sociétés qui en importaient dans le pays… C’est colossal !

4- Il existe aussi du potentiel dans la restauration ?
C.V. : L’Horeca est effectivement essentiel dans le secteur des produits de la mer. C’est souvent un passage obligé pour la construction d’une marque, un bon moyen de faire connaître ses produits de qualité avec de l’animation, le recours à de grands noms de la restauration… Ce qui permet ensuite d’attaquer la distribution. Par exemple, si on est capable de servir des restaurants japonais de sushis, très appréciés en Chine, avec la garantie réglementaire et la sécurité sanitaire stricte des produits crus, tout en conservant de beaux produits avec des saveurs, c’est un vrai plus.

C.B. : Les consommateurs chinois premium, tels que les cols blancs de Shanghai, sans forcément fréquenter la restauration étoilée, sont très sensibles aux produits avec de véritables saveurs. Les produits de la mer sont aussi très présents à des moments de fête, les Chinois s’échangeant des cadeaux, des coffrets… Certains grands importateurs qui connaissent très bien les produits et les producteurs, en France notamment, savent tirer parti de ces moments-là. Le consommateur, lui, sera sensible à l’histoire qu’on va lui raconter, au restaurant, dans la distribution via de l’animation… Les Chinois achètent énormément sur recommandation.

5- Quelles questions faut-il se poser pour se frayer un chemin jusqu’au consommateur ?
C.V. : Il en existe plusieurs pour les atteindre. L’important est déjà de respecter les réglementations. Elles évoluent, certes, et une partie du marché est alimentée par des produits qui ne les suivent pas. Mais ne pas le faire représente un réel danger, un véritable risque de se retrouver blacklisté.

C.B. : Certains opérateurs, dans le porc par exemple, attendent parfois longtemps leur agrément sanitaire. Ce sont les autorités chinoises qui valident les abattoirs en leur octroyant une référence précise, un numéro qui autorise la vente dans le pays. La sélection est effectuée sur papier, puis suivent deux phases d’audit. Mais les réglementations peuvent évoluer en fonction des aléas sanitaires ou de la politique, ce qui créé de l’incertitude. Dans chaque secteur, il faut donc s’adresser aux bonnes sociétés, aux experts qui suivent spécifiquement un domaine et sont capables de préciser comment cela fonctionne, si les opportunités existent réellement. Et surtout, ne pas entrer dans la spirale de la corruption. La Chine est aujourd’hui assez structurée pour dépasser cela et suivre scrupuleusement une réglementation.

C.V. : Pour créer des canaux de distribution et des réseaux, il ne faut pas hésiter à regarder ce que fait la concurrence, voire se comparer à des produits d’autres filières, comme un jambon haut de gamme par exemple. Le positionnement sera similaire : épiceries fines, Horeca, animations de chefs, plaisirs et saveurs…

C.B. : Nous sommes en relation avec des organismes comme Business France, FranceAgriMer… avec qui nous échangeons des informations sur certains dossiers. Ils sont souvent preneurs d’informations sur la réalité du marché pour accompagner la validation d’aspects réglementaires. Cet échange permet de pousser une catégorie de produits. Après, nous sommes plus présents sur la partie opérationnelle : implantation, recherche du bon partenaire, négociation, recrutement d’une équipe… Nous sommes complémentaires.

6- Sur quoi peuvent ensuite compter les entreprises qui se lancent ?
C.V. : Nous estimons qu’en Chine, il faut dépasser les 200 000 à 300 000 euros de chiffre d’affaires. Sinon, ce n’est pas suffisant pour s’installer dans le temps. Tous nos clients restés en deçà de ce niveau d’activité ont disparu.

C.B. : On en revient à cette histoire de « moment du marché ». Les distributeurs vont vendre 300 000 ou 400 000 euros pendant deux ou trois ans, puis se lasser. Le chiffre d’affaires n’est pas suffisant pour animer une équipe, garantir la communication et la diffusion de la marque. Disposer d’un véritable animateur sur place a un coût. C’est une approche différente de celle des purs distributeurs.

C.V. : C’est d’ailleurs pour cela qu’existent aujourd’hui des réflexions sur de l’exportation collaborative, afin de mutualiser les moyens entre deux ou trois sociétés, par filière, avec des produits complémentaires : pas concurrents, mais avec le même type de clients et de canaux de distribution. C’est parfait lorsqu’ils se connaissent, sont issus des mêmes groupes, fédérations ou coopératives. Nous essayons de dynamiser cette approche. Le marché est en croissance. L’augmentation du pouvoir d’achat, l’évolution des habitudes alimentaires et le besoin de sécurité alimentaire sont des réalités. Comme partout, il existe une mondialisation de l’alimentation et la France a une carte à jouer car elle apporte des plus en termes de qualité et de sécurité. Huîtres, conserves, voire poisson surgelé haut de gamme que l’on va pouvoir traiter ensuite comme du frais : voilà quelques produits auxquels je crois. Avec un savoir-faire, il y a un vrai potentiel.

Propos recueillis par Dominique Guillot
Photos Thierry NECTOUX

 

 

 

   Huîtres : un marché porté par le haut de gamme

 
 

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Stéphan Alleaume,
cogérant des Parcs Saint Kerber

« Nous produisons près de 800 tonnes d’huîtres que nous commercialisons à 90 % à l’export, vers 70 pays. Nous exportons depuis une cinquantaine d’années, parfois dans des pays où nous sommes les seuls. La Chine se développe particulièrement depuis quatre ou cinq ans. La demande porte sur de l’huître haut de gamme et concerne une petite partie de la population. Mais compte tenu de la taille globale du pays…
Nous avons analysé les indicateurs et jugé que le pays était mûr. L’expérience nous aide. Nous sommes allés voir, avons prospecté et cherché des distributeurs qui disposent de la licence pour importer. Nous sommes sur le secteur de la restauration, avec de la plate et de la creuse spéciale. Ce n’est pas un marché facile. Il est très exigeant sur la partie documentaire, avec des analyses spécifiques à fournir, différentes que pour d’autres marchés. Cela a un coût. Par avion, nos produits mettent quatre à cinq jours à rallier notre client final. Et ils peuvent parfois être bloqués par des évolutions réglementaires subites.
Il y a plus de gens à proposer des huîtres, c’est évident. Tout le monde est présent : Américains, Canadiens, Néo-Zélandais, Australiens… Mais le marché s’agrandit et tout ce qui est français à une aura particulière, comme la mode, le vin… »
 
     

 

 

  « Maîtriser notre distribution »

 
 

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Stéphane Jackiw,
directeur de la distribution
chez Unima

« Nous produisons près de 800 tonnes d’huîtres que nous commercialisons à 90 % à l’export, vers 70 pays. Nous exportons depuis une cinquantaine d’années, parfois dans des pays où nous sommes les seuls. La Chine se développe particulièrement depuis quatre ou cinq ans. La demande porte sur de l’huître haut de gamme et concerne une petite partie de la population. Mais compte tenu de la taille globale du pays…
Nous avons analysé les indicateurs et jugé que le pays était mûr. L’expérience nous aide. Nous sommes allés voir, avons prospecté et cherché des distributeurs qui disposent de la licence pour importer. Nous sommes sur le secteur de la restauration, avec de la plate et de la creuse spéciale. Ce n’est pas un marché facile. Il est très exigeant sur la partie documentaire, avec des analyses spécifiques à fournir, différentes que pour d’autres marchés. Cela a un coût. Par avion, nos produits mettent quatre à cinq jours à rallier notre client final. Et ils peuvent parfois être bloqués par des évolutions réglementaires subites.
Il y a plus de gens à proposer des huîtres, c’est évident. Tout le monde est présent : Américains, Canadiens, Néo-Zélandais, Australiens… Mais le marché s’agrandit et tout ce qui est français à une aura particulière, comme la mode, le vin… »

 
     

 

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