Le Triskell, à Pont-l’Abbé (Finistère sud), a accueilli le 18 octobre la 6e édition des universités Breizhmer. Restauration collective, politique européenne, gouvernance des ports et attractivité étaient au menu.
Les universités Breizhmer sont un évènement annuel privilégié de dialogue entre les professionnels de la filière bretonne pêche, aquaculture et mareyage, les élus du territoire et l’administration maritime. Après la diffusion d’un message vidéo du ministre délégué à la Mer et à la Pêche Fabrice Loher, dans lequel l’élu lorientais a rappelé son « attachement profond à la filière bretonne », les 250 participants ont pu suivre interventions et tables rondes successives.
Stéphane Le Doaré, maire de Pont-l’Abbé, a rappelé combien l’hémorragie du PAI (plan d’accompagnement individuel) et la première fermeture du golfe de Gascogne ont traumatisé la filière locale. Mais il y a plus que jamais la volonté des élus d’accompagner au mieux la profession malmenée pour avoir, par exemple, les (ou la ?) criées les plus modernes d’Europe. Maël de Calan, président du département du Finistère, et Loïg Chesnais-Girard, président du conseil régional de Bretagne, ont des différends. Le second a ainsi admis que « l’heure n’était pas venue » pour une gestion régionale des ports et le département de la pointe bretonne conserve un « pouvoir de décision fort » sur les ports cornouaillais. Mais les deux présidents se rejoignent pour dénoncer les attaques d’ONG et pour parler mutualisation et harmonisation des pratiques, comme cela sera développé plus tard (cf. la nouvelle gouvernance des ports de Bretagne, dont la mise en place du logiciel commun Breizh Apport).
La première table ronde, « Restauration collective : comment faire rentrer la mer dans toutes les assiettes ? » a apporté une note d’optimisme en relatant l’expérimentation menée dans dix lycées publics de Cornouaille. À l’initiative de la Région, avec l’aide de l’Association bretonne des acheteurs des produits de la pêche (Abapp) et du comité départemental des pêches du Finistère, Patrick Dupont, du lycée de Douarnenez, a fait partie de ces chefs et acheteurs mis en lien avec des pêcheurs et mareyeurs locaux par le biais de visites et d’ateliers pratiques au Guilvinec et à Saint-Guénolé. On prêchait certes un convaincu, tant ce chef proposait déjà une cuisine à base de poissons frais locaux, mais ces rencontres ont permis une augmentation de la consommation de plus de 15 %. L’objectif étant de dupliquer ces mises en relation à la Bretagne. Le directeur de Top Atlantique, Jean-Michel Noël, a pu annoncer que les premières livraisons de poissons labellisés Breizhmer (merlu) venaient de débuter.
Le consensus général de la journée a été un peu bousculé dans la séquence la plus sensible, la table ronde « Gros temps dans la filière : les professionnels interrogent leurs nouveaux députés européens ». Pierre Karleskind, ancien président de la commission pêche du Parlement européen, outre un petit coup de griffe à Europêche, trop pro-Espagne selon lui, a sévèrement pointé la proposition « à côté de la plaque » de la députée des Patriotes pour l’Europe, France Jamet, de s’opposer à l’acte délégué lié à la nouvelle fermeture du golfe de Gascogne, début 2025. Olivier Le Nézet, coprésident de Breizhmer, a enfoncé le clou : il ne faut surtout pas s’opposer à cet acte, qui précise que tous les pays européens seront concernés. Il faut par contre l’amender, avec des dérogations, tout en poursuivant l’opposition à cette fermeture, notamment grâce au mémoire en défense de 300 pages déposé au Conseil d’État. Le président du CNPMEM qu’il est s’oppose aussi fermement à la stigmatisation des pêches hauturières et industrielles qu’opère, de fait, France Jamet dans sa croisade pour la seule pêche artisanale française. Isabelle Le Callennec, l’autre députée européenne présente, du PPE (Parti populaire européen), désignée rapporteuse permanente Brexit, saura rassurer l’assemblée sur ses intentions alors que le chantier capital de la réforme de la PCP (politique commune des pêches) va s’engager.
Après l’évocation des nouveaux projets du Crab (Centre de recherche appliquée de Breizhmer) sur l’huître plate, les souches locales de phytoplancton et le projet « Tellines pour demain » du CDPMEM, les témoignages enthousiastes d’étudiants en BTS du lycée maritime du Guilvinec et d’élèves halieutes de l’Institut Agro suggèrent que la filière attire toujours, malgré le contexte chargé. Et les femmes y auront une place croissante, osent espérer Jennifer Leroux et Laurence Querrien, initiatrices de la commission mixité de Breizhmer.
Sur les affiches : « Des pros, pas des acteurs ! »
La campagne de communication grand public et multisupports du label Breizhmer a été lancée en septembre. Un clip vidéo et des affiches permettent de découvrir in situ cinq professionnels de la filière, déjà labellisés Breizhmer : patron pêcheur du Guilvinec, directeur de la criée de Lorient, mareyeuse de La Criée Rennaise, ostréicultrice de Baden et mytiliculteur d’Hillion.
Lionel FLAGEUL