L’ajout d’eau dans un filet est une fraude s’il est caché et volontaire. Le rapport humidité/protéines permet de le détecter pour les poissons référencés, passés de huit à dix avec l’étude Fraud’Filets 2.
L’ajout d’eau, permis sous conditions
L’ajout d’eau non déclaré dans un produit, avec ou sans additif, est une pratique trompeuse pour le consommateur et génère une distorsion de concurrence entre professionnels. « Mais il n’y a fraude que si l’ajout d’eau est non déclaré et volontaire », précise Alexandre Bonneau, secrétaire général du Syndicat national du commerce extérieur des produits congelés et surgelés (SNCE). Cet ajout est autorisé s’il est mentionné selon les dispositions du règlement Inco. Il peut aussi être involontaire, lié à un manque de maîtrise du processus de production des filets et découpes de poissons.
Un outil simple de détection
Le rapport humidité/protéines (H/P) est un outil simple, pratique et peu cher pour détecter l’eau ajoutée. Il a été établi en 2013 pour huit espèces de poissons de grande consommation, lors de l’étude Fraud’Filets menée par le SNCE, la plateforme d’innovation Nouvelles Vagues et le SCL de Marseille (laboratoire de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, DGCCRF). Ces critères sont désormais utilisés en routine par les acteurs du marché – et par la DGCCRF lors de contrôles –, en particulier les importateurs, pour déceler les ajouts non volontaires et les fraudes. Mais ces indicateurs ne sont pas des critères réglementaires. En cas de dépassement, des investigations supplémentaires sont menées pour conclure à l’ajout d’eau.
Deux nouvelles références
Le SNCE a établi le rapport H/P de deux nouvelles espèces via l’étude Fraud’Filets 2 : le rouget barbet de Thaïlande, aussi dit du Vietnam ou cinnabare (Parupeneus heptacanthus), et le loup de mer (Anarhichas lupus et Anarhichas minor). Ces deux espèces de loups sont souvent pêchées et commercialisées en mélange, d’où un critère commun. Les résultats tiennent compte de la variabilité intraspécifique et du process de filetage
Étiquetage réglementaire
Le règlement Inco n° 1169/2011 précise les obligations d’étiquetage de l’ajout d’eau. L’eau est indiquée dans la liste des ingrédients des produits de la pêche et des mollusques bivalves non transformés, systématiquement ; et pour les produits transformés, au-delà du seuil de 5 % (annexe VIIA-1). Ce pourcentage d’eau est requis car « essentiel pour caractériser une denrée alimentaire et la distinguer des produits avec lesquels elle pourrait être confondue » (article 22). Dans la dénomination commerciale, il faut indiquer la présence d’eau si elle représente plus de 5 % du poids du produit fini. La mention « préparation de » n’est alors pas nécessaire (annexe VI-A-6). Ne pas respecter ces dispositions est, a minima, une non-conformité d’étiquetage. Pour caractériser le caractère frauduleux de l’ajout d’eau, il faut démontrer qu’il est intentionnel et motivé par un gain économique.
Des non-conformités ponctuelles
Le SNCE réalise une veille sur les produits du marché via des prélèvements aléatoires sur les différents canaux de distribution. Cet « observatoire » n’est pas conçu pour comparer l’ampleur des ajouts d’eau d’une année à l’autre. « L’échantillonnage n’est pas de taille suffisante, explique Alexandre Bonneau. Mais il ne révèle pas de dégradation ni d’amélioration significatives, plutôt des non-conformités ponctuelles. » Et le SNCE n’entend pas faire la police : « On ne se substitue pas à la DGCCRF, notre volonté est de donner des outils d’autocontrôle aux opérateurs, qui se responsabilisent. »
D’autres enjeux émergents
Il faut du temps pour établir des références H/P. « C’est complexe de collecter les échantillons, il faut des poissons surgelés entiers alors qu’ils sont rarement importés sous cette forme, avec plus de dix lots variés en termes d’origine et de taille. » Le SNCE n’a pas encore décidé des prochaines études. Il pourrait plutôt approfondir des sujets émergents comme les carbonates, additifs non autorisés dans les produits de la pêche non transformés, dont l’usage est suspecté car ils permettent la prise d’eau et parfois un gain de texture. « C’est connu. Mais désormais il existe une méthode d’analyse. » Or là aussi, il faut des références pour détecter un ajout, car le carbonate peut être présent naturellement. « Il faut constituer une base de données par espèce ou groupe d’espèces. » Autre gros axe de travail, l’emballage et le recyclage, « avec des évolutions réglementaires impactantes pour nos adhérents ».
Solène LE ROUX