En plein remue-ménage sur la viande de cheval, l’annonce par la Commission européenne du retour des protéines animales transformées (PAT) dans l’alimentation aquacole à partir du 1er juin 2013, a mis le feu aux poudres. Ou plutôt aux farines de porcs et de volailles que Bruxelles autorise maintenant en alimentation aquacole après en avoir interdit l’usage depuis 2001. Les critiques très vives à la réintroduction de ces PAT montrent à quel point l’effet vache folle imprègne encore l’opinion publique et celle des politiques. En France au moins, comme en témoigne l’opposition très claire du président Hollande : « la France a voté contre et la France n’introduira pas ces protéines animales pour ce qui la concerne[nbsp]».
Les aquaculteurs français qui avaient déjà exclu les PAT dès 1995, ont souligné par la voix du CIPA (1) que la décision présidentielle « est le reflet d’une attente sociétale compréhensible ». Ces mêmes producteurs signataires de la charte qualité aquaculture de nos régions rappellent à cette occasion que leurs poissons consomment uniquement un aliment composé de farines et huiles de poisson, de végétaux, vitamines et minéraux.
Environ 85 % de la production piscicole de l’Hexagone applique cette charte. Les 15 % restant, essentiellement des petites piscicultures produisant pour le repeuplement et non pour la consommation humaine, utilisent un aliment incorporant des farines de sang de porc ou de volaille, rare PAT restant officiellement autorisée depuis 2001.
… pas seulement d’image
Le terme protéines animales transformées prévu par règlement (UE) N° 56/2013 du 16 janvier 2013, couvrent plusieurs catégories de coproduits d’abattoirs de porcs et volailles, stockés après transformation sous forme de farine de viande, d’os, de sang, de plumes… Au-delà du débat sur le fait qu’un poisson carnivore puisse consommer, ou pas, du porc ou de la volaille, la réintroduction des PAT posent de nombreuses questions.
Sur le terrain juridique, la France pourrait-elle s’opposer à un règlement européen ? Difficile, sauf à s’engager dans un long contentieux arguant des aspects sanitaires. Que Bruxelles pourrait contester en mettant en avant les expertises scientifiques justifiant la réintroduction.
Par ailleurs, même s’il s’avérait possible d’interdire la fabrication d’aliment aquacole avec des PAT sur le sol français, l’importation de ce même aliment serait possible. Tout comme il est resté possible, depuis 2001, d’importer du poisson d’élevage asiatique nourri avec des PAT exportés par l’Union européenne !
La question sanitaire est délicate car elle implique que les filières garantissent l’étanchéité des sources de PAT. Optant fin 2011 contre la réintroduction, l’Anses (2) s’était interrogée sur cette capacité à garantir la traçabilité. Même si un système de sonde permet de détecter dans un aliment poisson une farine de ruminant, toujours interdite, les distorsions de contrôle restent importantes entre pays.
À l’instar des OGM, une concurrence naît entre le poisson nourri avec et celui sans PAT. L’exclusion volontaire des PAT comme moyen de différenciation, nécessite un étiquetage explicite. Face au risque de confusion, la démarche permet de lever le doute et de rassurer les consommateurs. Pas seulement les Musulmans et les Juifs qui ne mangent pas de porcs, tous les consommateurs exigent la transparence.
B. VAUDOUR
(1) Comité interprofessionnel des produits d'aquaculture
(2) Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation