Lors des Assises de la pêche et des produits de la mer les 18 et 19 novembre, les annonces de la ministre de
la Mer Annick Girardin ont fait des remous parmi les professionnels.
Coup de tonnerre lors de l’ouverture des 11es Assises de la pêche et des produits de la mer*, qui ont réuni 420 participants à Saint-Pol-de- Léon (Finistère) les 18 et 19 novembre. La ministre Annick Girardin a rappelé que le Brexit a fait l’objet d’un « accompagnement considérable pour les pêcheurs », et souligne des progrès dans les âpres négociations avec les îles anglo-normandes et le Royaume-Uni pour l’obtention des licences.
Malgré sa combativité affichée, elle ne cache pas sa déception : « Il faut se préparer à des pertes. » L’annonce du financement d’un plan de sortie de flotte à hauteur de 40 à 60 millions d’euros n’a pas manqué de faire bondir professionnels et élus locaux. Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, donne de la voix : « Je ne peux me résoudre à des plans de sortie de flotte. La réserve Brexit doit être prioritairement dédiée aux innovations et investissements nécessaires à l’avenir de la pêche bretonne. Ce fonds d’ajustement au Brexit ne doit pas servir à détruire nos bateaux. »
Olivier Le Nezet, président du CRPMEM de Bretagne, affiche sa colère après une réunion à huis clos avec les élus, la ministre et son cabinet : « On ne peut pas annoncer un plan de sortie de flotte sans en préciser le périmètre, et sans prendre de mesures de rétorsions envers Jersey. On ne peut pas s’essuyer les pieds sur la France comme le font Jersey et le Royaume-Uni ». Le plan de sortie de flotte s'inscrit dans le cadre du Brexit et du plan de gestion en Méditerranée. Sur place, le moral est au plus bas, les professionnels ne se sentant défendus ni par le gouvernement, ni par la Commission. Annick Girardin l’affirme avec force, « on ne laissera personne sur la route, on se battra pied à pied pour défendre les intérêts des pêcheurs. Tous les outils doivent être mobilisés, y compris les sorties de flotte, ce n'est pas nouveau ».
Nombre d’acteurs ont rappelé la situation lors des Assises : il s’agit pour les Britanniques de respecter un accord. Pour l’heure, la ministre a évoqué comme mesures de rétorsions des contrôles renforcés, sans plus de précision. Le directeur de la DPMA Eric Banel est en soutien de la filière dans cette période difficile, notamment sur la question des mesures techniques imposées par les Britanniques : « Ces mesures n’ont pas été notifiées et concertées, contrairement à ce que prévoit l’accord. Elles sont donc nulles et non avenues, et j’encourage les pêcheurs à ne pas les respecter. » Les Assises ont également été l’occasion de tirer les leçons de la double crise Covid et Brexit, notamment durant la table ronde réunissant la DPMA, France Filière Pêche, SCAPP Poissonnier Corail, l’OP Les Pêcheurs de Bretagne, et la criée de Port-en-Bessin. La filière a besoin de visibilité et de travailler en synergie pour mieux s’adapter.
D’autant plus que Pierre Karleskind, député européen et président de la commission pêche, est formel : « Nous ne sommes plus en situation de crise, mais en situation chronique. Il s’agit de gérer structurellement toute la filière. » La DPMA et la ministre ont rappelé que l’État a été aux côtés des pêcheurs, et que le « quoiqu’il en coûte » a concerné cette filière. Pour répondre à ses demandes et donner un cap stratégique à la pêche, Annick Girardin a annoncé la création d’un « plan d’action en faveur de la pêche durable », lancé le 15 décembre, et appuyé par la future direction générale de la mer.
Vincent SCHUMENG
*Organisées par Ouest-France et Le Marin
Les implications pour la transformation
Foëzon, directeur de l’OP Les Pêcheurs de Bretagne, craint que le Brexit et les mesures annoncées par la ministre n’aident pas à sortir « du trio cabillaud, saumon, crevettes », les trois espèces les plus consommées. Lors de la crise Covid, les consommateurs se sont tournés vers davantage de produits français. Mais qu’en sera-t- il s’il est plus difficile encore d’importer du poisson britannique et de pêcher dans leurs eaux ? « On n’en est pas là, rassure Eric Banel. Mais il faudra accompagner la filière avec des mesures spécifiques comme des compensations de chiffre d’affaires. » Les industriels ont importé en 2020 près de 100 000 t de produits de la mer britanniques. Le pari de l’accès au marché européen en échange des licences de pêche ne semble pas porter ses fruits. Résultats à prévoir : moins de captures de la pêche française faute de licences, et les difficultés d’une filière aval en manque d’apport.