Âprement discutée, la loi Asile et immigration (1) a finalement été promulguée le 10 septembre dernier. Si certains jugent son volet intégration relativement modeste, elle prévoit de renforcer l’accompagnement des réfugiés dans l’orientation professionnelle, dans un objectif d’intégration à la fois sociale et professionnelle. Ces mesures s’inscrivent dans le contrat d’intégration républicaine, déjà mis en place par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Dans la foulée, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Jean-Marie Marx, haut-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi, ont lancé le 1er octobre un nouvel appel à projets pour l’intégration professionnelle des réfugiés. Ceux-ci sont en effet confrontés à de très grandes difficultés d’accès au marché du travail et d’évaluation et reconnaissance de leurs connaissances. C’est pourquoi les quelque 290 000 bénéficiaires d’une protection internationale et les demandeurs d’asile font partie des publics visés par le Plan d’investissement dans les compétences. Ces projets, qui pourront être déposés pendant douze mois, devront être porteurs d’un véritable ancrage territorial.
Alors que l’Allemagne a dédié d’importants moyens à la formation professionnelle des réfugiés, il s’agit de la première mesure de cette ampleur en France. Plusieurs initiatives ont pourtant abouti à des résultats très positifs. C’est le cas du programme Hope (Hébergement, orientation, parcours vers l’emploi), issu d’un partenariat public privé initié en mai 2017 avec l’objectif d’accompagner 1 000 réfugiés dans toute la France. Porté par l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, il s’articule autour de « l’apprentissage du français et la découverte d’un métier via une POEC (2), l’apprentissage d’un métier axé sur les besoins non pourvus des entreprises (contrat de professionnalisation ou CDPI (3)), l’hébergement et la restauration pendant toute la durée du parcours et l’accompagnement global (administratif, social, médical, citoyen…) », détaille le Fonds d’assurance formation du travail temporaire, partenaire du dispositif. Le parcours permet aux réfugiés de mieux réussir dans les secteurs d’activité en tension, là où des entreprises ne parviennent pas à embaucher.
Dans le même temps, d’autres initiatives se sont développées, comme à Kervignac où le spécialiste du poisson enrobé Cité Marine a embauché en quelques mois plusieurs réfugiés, après un parcours de formation intégré. « Dans le cadre de la construction de notre cinquième site de production, dont l’ouverture a eu lieu en octobre 2017, nous avions besoin de recruter massivement », explique Céline Leroux, directrice des ressources humaines de l’entreprise. Des réunions régulières ont au lieu dès fin 2016 avec les acteurs de l’emploi (Pôle emploi, Mission locale, Direccte (4)…), le conseil régional et le préfet. Parmi les solutions proposées figurait la formation en alternance de réfugiés, soit 420 heures dispensées par l’Institut breton d’éducation permanente (Ibep), dont la moitié de français, et 140 heures de stage en entreprise. Une action financée par Pôle emploi et la région Bretagne. « Il s’agissait de leur enseigner les codes et le langage de l’agroalimentaire tout en les préparant à occuper des postes en équipe », explique François Bouyer, directeur de l’Ibep. « Nous n’avons absolument pas hésité. Cette formation linguistique portant sur la compréhension des process de l’entreprise nous a rassurés, reprend Céline Leroux. Nous avons fourni nos règles internes et nos protocoles d’hygiène et de qualité à l’Ibep, qui les a transformés en mots simples à utiliser. »
Les tuteurs de Cité Marine ont certes accompagné ces deux groupes successifs de stagiaires avec plus d’attention que d’autres nouveaux arrivants. Mais le succès est au rendez-vous. La plupart d’entre eux ont été embauchés comme opérateurs de production à l’issue de leur formation, dont six aujourd’hui en CDI et deux en CDD. « Nous sommes très satisfaits de cette démarche », conclut Cité Marine, qui accueille un troisième groupe de réfugiés début 2019. Et l’expérience fait école. L’Ibep démarre une nouvelle action en février, avec un autre transformateur de produits de la mer.
Anne-Caroline RENARD
Pour rappel Réfugié : statut obtenu conformément à la convention de Genève. La personne se voit octroyer par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides une carte de résident portant la mention « réfugié » valable pendant dix ans. Un statut différent de celui de migrant ou de demandeur d'asile. Source : Orientation Pays de la Loire d’après l’Unesco |
(1) Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018
pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif
et une intégration réussie
(2) Préparation opérationnelle à l’emploi collective
(3) Contrat de développement professionnel intérimaire
(4) Direction régionale des entreprises, de la concurrence,
de la consommation, du travail et de l’emploi