Ralentissement de la production totale mais augmentation des exportations vers l’UE – en particulier la France – qualité, durabilité… Le responsable de la filière aquacole équatorienne a accordé un entretien à PDM.
PDM – Quel est le poids de l’aquaculture en Équateur ?
J. A. C. – Très important ! L’aquaculture équatorienne repose essentiellement sur la crevette Penaeus vannamei. En 40 ans, l’Équateur est devenu premier exportateur mondial de l’espèce. Nous avons aussi un peu d’élevage de tilapia, pour le marché local. L’aquaculture équatorienne fournit à elle seule près de 300 000 emplois ! La chambre d’aquaculture d’Équateur compte 400 membres, présents sur l’ensemble de la filière : génétique, écloserie, grossissement, services et transformation. Nous représentons ainsi 150 fermes, soit 65 % de la production du pays et 95 % des exportations.
PDM – Justement, les exportations jouent un rôle essentiel.
J. A. C. – L’Équateur est un petit pays. Si les produits pétroliers sont la principale ressource à l’export, 1 dollar sur 5 exporté correspond à une crevette vannamei ! Hors dérivés miniers (plomb et cuivre) et pétrole, c’est même 2 dollars sur 5. L’an dernier, 1,2 million de tonnes de crevettes sont sorties d’Équateur, à destination de 70 pays.
PDM – Quelle est la tendance en 2024 ?
J. A. C. – Après une croissance de 15 % par an en moyenne sur les 15 dernières années, la production de crevette équatorienne ralentit cette année. Sur les neuf premiers mois de l’année, on se situe à + 1 %. Nous nous adaptons à la demande. Or le marché chinois, qui est historiquement notre premier débouché, ne se remet pas de la pandémie de Covid-19, avec des impacts sur la consommation. La demande est également assez molle aux États-Unis. En revanche, le marché européen – qui représente 20 % de nos ventes – se porte très bien. Les volumes sont identiques à ce qu’ils étaient avant la pandémie.
PDM – Quelle place la France y tient-elle ?
J. A. C. – Nos ventes ont véritablement explosé cette année en France : + 20 % de croissance en volume entre janvier et septembre 2024 ! C’est supérieur à la croissance moyenne de nos ventes en Europe, déjà soutenue : + 16 %. La France est ainsi devenue notre premier débouché en Europe, en doublant l’Espagne. Les Français, contrairement aux Allemands par exemple, ont la culture de la crevette. Je considère que le marché français peut grandir encore.
PDM – Qu’est-ce qui explique ce boom ?
J. A. C. – Le fait que les prix de la crevette d’Équateur soient restés accessibles nous a permis de prendre des parts de marché à d’autres acteurs. Depuis le 1er janvier 2017, il n’y a plus de taxes vers l’UE (grâce à un accord commercial global entre l’UE et la communauté andine, qui comprend la Bolivie, la Colombie, l’Équateur et le Pérou, NDLR). Surtout, la France et l’Espagne en particulier reconnaissent la qualité de nos crevettes. Contrairement au marché américain, le marché européen demande des crevettes avec tête. Cela implique un process irréprochable de la récolte à la transformation.
PDM – Qu’en est-il de la durabilité ?
J. A. C. – C’est une dimension très importante de notre aquaculture. Nous ne visons pas seulement des volumes. L’Équateur veut être un modèle de durabilité. Nos entreprises travaillent ensemble pour être exemplaires en matière de protection des écosystèmes, de traçabilité, de bien-être animal, d’utilisation de nouveaux ingrédients, de sécurité des aliments ou encore sur la question des antibiotiques. Nos volumes nous confèrent beaucoup de responsabilités.
Propos recueillis par Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL