67 % Le pourcentage de consommateurs qui veulent plus de produits traiteur locaux et, à 65 %, de produits fabriqués en France. La pandémie a accentué les attentes en matière de composition (« sans » additifs, conservateurs, colorants…). Source : étude IRI / ETF |
« En poissonnerie, le traiteur de la mer peut être proposé sous trois formes : simple achat/revente, fabrication maison nécessitant une cuisine et un chef dédiés, ou encore approche intermédiaire. C’est-à-dire une ou deux recettes type paella du jour, élaborées dans un petit atelier niché dans la zone de stockage », détaille Bruno Gauvain, ancien directeur du CFA de Rungis, et désormais directeur opérationnel de monsieur Blanc (grossiste à Rungis, racheté par Maison Gillardeau). Fumage, marinades, élaboration de rillettes, verrines, jusqu’aux plats cuisinés les plus sophistiqués : la liste des possibilités réalisables soi-même est quasi infinie. Les avantages sont nombreux : limiter les pertes, s’adapter précisément aux attentes de sa clientèle ou aux aléas météo, dégager de meilleures marges, garantir une ultrafraîcheur, booster l’image « pro » du point de vente, etc. Fabriquer sur place s’inscrit souvent dans une approche plus globale. Dans le Sud-Ouest, le réseau de poissonneries Chez Vincent explore depuis plusieurs années la transformation. Quitte à se doter dès 2014 d’une conserverie artisanale : La Fabrique Chez Vincent. Autre voie : aller du poisson brut à l’espace restauration. Le traiteur maison est alors un maillon intermédiaire logique. C’est le cas de la poissonnerie Aderhold à Onet-le-Château (Aveyron), dotée d’une salle de restaurant. L’équipe de Mathieu Laurens propose une large gamme traiteur intégralement préparée maison, allant des classiques paellas ou brandades, jusqu’à des recettes plus exotiques (sushis, croquetas, dim sum), en passant par les poissons fumés (saumon ou truite) ou les tartares. Au Bois-Plage-en-Ré (Charente-Maritime), Silvère Moreau a ouvert l’an dernier une boutique traiteur de 12 mètres carrés. De mer en fish, à proximité de sa poissonnerie Nelly et de son restaurant Les Q salés. « Cela correspond à trois façons différentes de vendre du poisson », explique Silvère Moreau. Intégralement faite maison, la gamme traiteur compte des lasagnes, des brochettes, des saucisses, du saumon fumé, des produits marinés… « Nous favorisons au maximum le local, par exemple avec des mouclades ou des rillettes de maigre. Nous explorons aussi une dimension « street food », avec des sandwichs au homard. » Prochaine étape : des recettes préemballées. Dans la capitale, nombreuses sont aussi les poissonneries à jouer à fond la carte traiteur. C’est le cas de La marée Beauvau, située dans l’un des plus vieux marchés de Paris, place d’Aligre (12e). La famille Durain réalise une large gamme d’entrées chaudes et froides (salades, taramas, rillettes, aspic…), des salades (calamars à la niçoise, pâtes aux crevettes, haddock aux épinards), des quiches, des cassolettes, des chaussons ou encore des sushis, makis et sashimis. Un petit espace restauration permet une dégustation sur place. La stratégie est identique chez Daguerre Marée (14e) : une très large gamme de traiteur 100 % maison (terrines, poissons feuilletés, plats cuisinés…) et un restaurant attenant. Lecourbe Marée, dans le 15e, dispose pour sa part d’une cuisine dans l’arrière-boutique et d’un salarié à plein temps pour le traiteur de la mer. Sardines grillées, paellas ou brandades, sont produites en boutique (mais pas le cru en sauce). Fabriquer son traiteur n’est pas pour autant réservé aux plus grandes poissonneries. Démonstration chez La Bouillaseb à Gaillac (Tarn), où le traiteur de la mer représente désormais un tiers du chiffre d’affaires de la poissonnerie. « Au début, on s’est mis à la transformation pour ne pas jeter. Maintenant, on achète de la matière première spécifiquement pour le traiteur », indique Nathalie Brandin, cogérante. Faire plaisir La gamme va des produits apéritifs (verrines, canapés, toasts…) aux plats cuisinés : quiche, tourte, blanquette de cabillaud, paella, choucroute… « On prépare des recettes traditionnelles que les gens pourraient réaliser chez eux – autour de 4 ou 5 euros la part –, jusqu’à des produits plus haut de gamme pour des occasions particulières. » Les gérants apprécient le moment d’échange et de dialogue qui s’établit autour du traiteur : les habitués du midi ou du week-end, ceux qui achètent une entrée sur un coup de cœur. « Pour l'événementiel, on fait du sur-mesure en fonction des attentes du client, de son budget, ses allergies, etc. Notre but n’est pas de marger, mais de faire plaisir et que le client soit satisfait. » Par manque de temps, les crevettes ou poulpes marinés sont achetés chez des fournisseurs locaux. Contrairement aux idées reçues, le traiteur séduit toutes les tranches d’âge, « de 20 à 90 ans », sourit Nathalie Brandin. Les poissonniers qui souhaiteraient se lancer doivent disposer d’une surface dédiée, au minimum une petite cuisine. Plusieurs documents peuvent les aider. « Le guide de bonnes pratiques des produits traiteur est très bien fait, et celui de la poissonnerie fournit des conseils pour le travail du poisson cru », souligne Silvère Moreau, par ailleurs président de l’Organisation des poissonniers-écaillers de France (Opef). Il préconise également de se faire accompagner par un laboratoire « pour vérifier la faisabilité des recettes et pratiquer des tests de vieillissement ». La DGCCRF, qui contrôle les protocoles ou le respect des températures, peut aussi fournir des pistes d’amélioration. Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL |
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