Le crabe royal est la Cadillac du marché de crabes. Le plus grand crustacé au monde peut peser jusqu’à 15 kilogrammes pour presque 2 mètres d’envergure. Transférée de l’océan Pacifique vers la mer de Barents par le régime soviétique, l’espèce est souvent surnommée l’« armée rouge de Staline » par les Norvégiens.
Malgré le caractère invasif du Paralithodes camtschaticus, la Norvège a instauré des quotas sur cette espèce en 2019. Début novembre, l’Institut de recherche marine de Bergen a recommandé de passer le quota de crabe royal en mer de Barents à 2 375 tonnes, soit 530 tonnes de plus qu’en 2022 (+ 28,7 %). Cette augmentation concerne uniquement l’est de la province du Finnmark. En Alaska, l’année dernière, la pêcherie était fermée pour la première fois depuis 25 ans et le sera encore cette année, comme l’a annoncé le département de la pêche et de la chasse d’Alaska le 10 octobre. Par ailleurs, bien que les stocks russes se portent bien (en 2018, une des pêcheries a reçu la certification MSC), la guerre en Ukraine et le ban sur les produits russes ont limité l’accès à cette espèce.
Chaque année, Freshpack, spécialiste en la matière en France, en importe entre 250 et 300 tonnes. « On travaille exclusivement avec les producteurs russes qui proposent le king crab congelé à bord et certifié MSC, précise Franck Paque, directeur général de la société. Quand on a appris la condamnation des produits russes, nous en avons gardé un peu en stock pour la fin d’année et le premier semestre de l’année prochaine. Mais, au bout d’un moment, la réserve s’épuisera », ajoute-t-il. L’importateur étudie donc le marché. « On a habitué nos clients à la qualité premium et on ne veut pas les décevoir. On reçoit les producteurs, on regarde ce qu’on peut faire. On n’a pas de vision claire mais on reste confiants », déclare Franck Paque.
Les professionnels font face à un autre problème : le prix. Avant même la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, le marché américain était extrêmement demandeur de crabe royal. « Cette demande fait monter les prix et nous sommes obligés de suivre », souligne le DG de Freshpack. En septembre, le kilo de king crab surgelé coûtait plus de 100 euros, contre 20 euros il y a 10 ans. Cela confirme son statut de produit de luxe, dont les principaux acheteurs restent les grands chefs.
Le produit des grands portefeuilles
Quant au produit vivant, « c’est de plus en plus compliqué », estime Igor Jovanovic, directeur d’Igor-Ni. La société, basée à Boulogne-sur-Mer, importe depuis 2005 entre 15 et 20 tonnes de crabe royal vivant par an. « En 2021, on en a importé moins de 10 tonnes car, avec les quotas norvégiens, il est devenu très difficile de trouver des apports. On n’est jamais sûrs d’avoir de la marchandise et elle est devenue très chère », poursuit-il. Le prix (environ 100 euros/kg) est un frein pour certains consommateurs. Les Asiatiques, friands de cette espèce, en consomment surtout des spécimens de petite taille. « Ensuite, on se retrouve avec des pièces de 3 à 6 kilos pour lesquelles il n’y a pas de clients », regrette Igor Jovanovic.
Laurent Castel, gérant de la poissonnerie de luxe Chez Laurent, située à Mougins (Provence-Alpes-Côte d’Azur) confirme : « Le prix d’achat équivaut aujourd’hui au prix de vente de l’année dernière. On ne peut pas augmenter nos marges. Le produit est donc destiné aux grands portefeuilles (les yachts, par exemple) mais dans la boutique on n’en a que très peu », précise-t-il.
Darianna MYSZKA