La conserverie Delpierre mer & tradition cherche repreneur

Le 06/12/2016 à 12:06 par La Rédaction

 

[ Un gros investissement mal digéré ]

L’histoire de DMT remonte à 1933 lorsque se crée à Boulogne la conserverie Fourmentin-Ramet. Soixante ans plus tard, Jean-Pierre Delpierre, fondateur de la Continentale de conserves en 1959, rachète cette PME dont il va diversifier l’activité. Le nom Delpierre mer & tradition apparaît en 1999.
En 2006, les dirigeants souhaitent s’agrandir et quadrupler la taille de leur outil de production. L’entreprise quitte alors le quartier portuaire pour construire, au parc d’activités de Landacres (Hesdin-l’Abbé), une usine de 14 000 m² au cœur d’une parcelle de 36 000 m². Un investissement de 16 millions d’euros cofinancé par l’Europe qui a été mal digéré. La mise en route des huit lignes automatisées s’avère beaucoup plus difficile que prévu. Compte tenu du poids de l’entreprise dans l’économie locale, la région Nord-Pas-de-Calais et la Communauté d’agglomération du Boulonnais décident, en octobre 2008, de se joindre à l’actionnaire familial pour favoriser un nouveau souffle. Les collectivités rachetent les locaux pour 3,85 millions d’euros afin de les louer à l’entreprise. Un effort qui a permis de maintenir l’emploi durant huit ans.

 

Delpierre mer & tradition (DMT), qui emploie encore 143 salariés, est aujourd’hui dans l’incapacité de faire face à une dette de 12 millions d’euros. Un administrateur judiciaire, Me Eric Rouvroy, a été nommé, tandis que Me Pascal Ruffin, désigné mandataire judiciaire, a lancé un appel d’offres à d’éventuels repreneurs. Le principal créancier, la SA SEAH International (Wimille, Pas-de-Calais) ne devrait pas renouveler sa première offre de reprise qui avait été refusée par le tribunal. Depuis 2012, c’est cette société, créée et dirigée par la famille Derome (Sopropêche), qui négocie et stocke les principaux approvisionnements en thon et maquereau du conserveur, qui n’avait plus les reins assez solides pour le faire en direct. De fait, pour éviter les droits de douane, les négociants et les transformateurs acquièrent leur thon, par exemple, pour toute une année.

En revanche, la reprise de DMT pourrait intéresser des repreneurs. À commencer par Sea Value, numéro 2 mondial de la conserve de thon. Le groupe thaïlandais déjà implanté à Lignol dans le Morbihan a déposé une offre jugée « dérisoire ». Concurrent national de DMT, Maison Gendreau, installé à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, serait lui aussi sur les rangs. Ce dernier avait racheté en 2006 Vif argent, le leader français des salades de thon et des hors-d’œuvre en conserve. Un segment de marché sur lequel Delpierre mer & tradition s’est positionné en développant une grosse production de filets de maquereau et de saumon, de salades pique-nique à base de thon, surimi ou hareng…, de tartinables rillettes et de plats cuisinés, chauds ou froids.

Autre attrait présenté par la conserverie : un outil de production important et moderne certifié Iso 14 001. En 2013, l’entreprise avait investi près de 2 M€ dans une ligne de conditionnement permettant de présenter ses salades dans des bols Ampet. Malheureusement, si, bon an mal an, DMT met 10 000 à 12 000 tonnes de poissons dans 50 millions de boîtes, cela ne suffit pas à exploiter de façon optimale sa capacité de production. Trop de marchés en grande distribution, principal débouché, ont été perdus sous la direction de Thierry Delpierre. Notamment en marques de distributeurs de France ou d’ailleurs, qui comptent pour 90 % de son chiffre d’affaires, dont 20 % à l’export. L’entreprise a subi le revers de marché des MDD dans tout l’alimentaire, face à un consommateur inquiet qui préfère se tourner vers des marques, surtout quand le prix de ces dernières diminue à la faveur de la guerre des prix.

Pourtant, Delpierre mer & tradition avait senti l’attente des consommateurs pour des produits régionaux, fabriqués en France. Pour les défendre, il a misé sur sa marque Petit Pierre, créée en 1933 pour des conserves traditionnelles dont certaines typiquement boulonnaises, comme les fameux pilchards de harengs tomate et huile ou les maquereaux lisettes marinés au vin blanc et aromates. En 2015, le conserveur avait retravaillé son logo pour le moderniser, tout en soulignant son attachement à sa région et au premier port de pêche de France avec le développement d’une gamme de recettes du terroir des Hauts-de-France. Au menu : filets de maquereaux ou thon à la crème de maroilles, filets de maquereaux au perlé de groseille de Loison-sur-Créquoise… Chaque packaging, caractérisé par sa couleur rouge et illustré par une photo ancienne issue des archives municipales de Boulogne, marie tradition et modernité, en présentant les recettes sur une ardoise… comme au bistrot. Des efforts qui n’ont pas permis d’amortir des investissements lourds, mais qui pourront toutefois séduire un acheteur et maintenir l’emploi.

Benoît LOBEZ

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