L’ONG Aquaculture Stewardship Council (ASC), qui attribue son label aux poissons issus de l’aquaculture durable, a ouvert son bureau en France en 2019. Quelle est son évolution depuis ? Sa notoriété progresse-t-elle ? Quels projets l’ONG envisage-t-elle pour 2023 ? Interview avec Camille Civel, ingénieure agronome et directrice de l’ASC en France.
PDM – Quelle est, aujourd’hui, l’importance du label ASC en France ?
C. C. – Les premiers produits certifiés sont arrivés sur le marché français en 2015. Depuis, le label monte en puissance. La France est devenue le deuxième
plus grand marché au monde en volume, juste après l’Allemagne. En 2019, nous comptions 600 produits labellisés vendus en France. Aujourd’hui, ils sont plus de 2 000. En 2021, ça correspondait à 49 000 tonnes. 80 % des produits certifiés vendus en France sont des crevettes et du saumon. Cela reflète la consommation nationale.
PDM – Combien d’entreprises sont certifiées ?
C. C. – En France, il y a 230 entreprises certifiées « Chaîne de garantie d’origine ». Ce sont les acteurs de la filière certifiés sur toutes les étapes de la production pour s’assurer qu’il n’y ait pas de substitution ou de mélanges entre les produits certifiés et non certifiés. Cela permet aux distributeurs de compter sur une chaîne non interrompue. Par ailleurs, trois producteurs d’huîtres et un producteur de crevettes de Nouvelle-Calédonie sont également certifiés ASC.
PDM – Quelles espèces sont concernées ?
C. C. – Les 12 référentiels existants couvrent 12 groupes d’espèces. L’un des derniers cahiers des charges englobe le bar, la daurade et le maigre. L’année dernière, on a mis en place la certification pour le poisson plat. Avec le MSC (Marine Stewardship council, NDLR), nous avons publié un référentiel commun pour les algues. Une consultation publique concernant la perche a commencé le 1er mars. Par ailleurs, on a fait un module pour les nouveaux types d’élevage type RAS (Recirculating Aquaculture System, NDLR).
PDM – Quelle est la notoriété de l’ASC en France ?
C. C. – Elle augmente. Selon une étude, réalisée en 2022, 48 % des personnes reconnaissent le label. Notre indice de confiance est de 68 %. Quant à la compréhension, elle est bonne. Le label est associé à la durabilité.
PDM – En quoi la certification est-elle importante pour la grande distribution ?
C. C. – On les aide à communiquer sur leur engagement, à protéger leur réputation et l’intégrité de leur approvisionnement. Nous sommes leurs yeux et leurs oreilles sur des filières lointaines. Ils peuvent apporter la transparence à leurs clients sur les sujets primordiaux comme l’alimentation, la durabilité des matières premières, la qualité de l’eau… En 2022, on a interrogé nos partenaires sur les différents marchés et 90 % considèrent que le label apporte une valeur ajoutée ou une forte valeur ajoutée..
PDM – Les produits certifiés sont plus coûteux. Comment ce marché évolue-t-il pendant l’inflation ?
C. C. – En effet, la première tentation dans un contexte économique compliqué est de retirer les postes de coût et on en est un. Mais on défend notre valeur ajoutée et on a des signaux encourageants. On a sécurisé le même nombre de partenaires mais on s’attend à une croissance moins forte en 2022. On aborde l’année 2023 avec beaucoup de prudence car on est immédiatement corrélés aux ventes de produits de la mer et on est dans un contexte compliqué pour cette catégorie.
PDM – Quels sont vos projets pour 2023 ?
C. C. – La mise en place d’un référentiel sur les aliments, disponible pour audit depuis janvier. Il s’applique aux fabricants d’aliments avec des critères
environnementaux assez ambitieux qui vont au-delà de ce qu’on propose déjà. D’ici fin 2025, les fermes ASC devront se sourcer en aliment certifié. On est également en train d’harmoniser nos 12 cahiers des charges en un seul pour réévaluer les critères. On veut aller plus loin au niveau du bien-être animal concernant l’abattage et les indicateurs de comportement avec la formation de personnel sur ces questions.
PDM – Et vos principaux enjeux ?
C. C. – On souhaite rendre l’aquaculture conventionnelle plus durable d’un point de vue environnemental et plus responsable d’un point de vue social. L’enjeu principal est de suivre les progrès scientifiques et techniques, de relever le niveau d’exigence pour continuer à refléter les meilleures pratiques aquacoles mais aussi de faire de la pédagogie et de sensibiliser les consommateurs sur la nécessité de la certification.
Darianna MYSZKA