L’ONG Bloom dénonce « l’imposture » du label MSC… avec une vision très personnelle de la pêche « industrielle » dominant les produits certifiés. Bloom est passée maître dans l’art de la dénonciation… et de faire parler d’elle : pêche profonde, pêche électrique, pêche minotière, subventions publiques… Avec une action redoutée par l’efficacité médiatique de ses discours chocs et simplifiés. Ce mardi 5 mai, elle a accusé le MSC « d’imposture ».
Une étude - dont Bloom est l’auteure principale - « démontre que les pêcheries certifiées par le label MSC sont principalement destructrices et industrielles, à l'inverse de la communication déployée par le MSC », assène l’ONG. Elle déplore que « les méthodes de pêche les plus destructrices au monde, comme les chaluts de fond et les dragues, représentent 83 % des captures certifiées MSC entre 2009 et 2017 ». L’association classe ainsi dans « destructrices et industrielles » la pêche pratiquée par tous les navires de plus de 12 mètres aux arts traînants : le coquillier de 14 mètres ? Destructeur et industriel ! Le langoustinier de 16 mètres ? Destructeur et industriel ! Un avis sans doute très loin d’être partagé par ceux qui connaissent un minimum la filière des produits de la mer...
Le MSC répond ainsi à Bloom, mettant en cause la pertinence des indicateurs et les méthodes de l’ONG. « La durabilité environnementale de la pêche ne se mesure ni à la taille d’un bateau, ni à son engin de pêche, pointe le MSC. Tous les engins de pêche peuvent avoir des impacts négatifs sur la biodiversité marine s’ils sont mal gérés. L’important est de s’assurer que quel que soit l’engin et la taille du bateau, il soit géré et utilisé de façon à respecter les stocks, les habitats et toutes les espèces marines environnantes. »
Bien sûr, la présentation des chiffres en volumes vient renforcer le poids de cette soi-disant « grande pêche industrielle à fort impact » dans les produits certifiés. Et si seules « 16 % des pêcheries certifiées MSC sont issues de pêcheries artisanales, reconnaît Margaux Favret, responsable pêcheries au MSC France, cela s’explique par les contraintes rencontrées par les pêcheries artisanales pour atteindre la certification : manque de ressources humaines, financières, de données scientifiques, de gestion des pêcheries. C’est pourquoi nous accompagnons ces pêcheries, pour lever ses freins. »
Un argument de Bloom semble faire mouche : la « grande » pêche selon la définition de Bloom pèse 83 % des volumes certifiés, mais seulement 32 % des photos sur les supports de communication du MSC passés en revue (399 photos). Dans le détail, 49 % des photos montrent de petits navires, qui ne pèse que 7 % des captures certifiées MSC, et 20 % des pêcheries. Le MSC aurait-il cédé à la tentation de surreprésenter la petite pêche côtière pour promouvoir son image ? « Nous n’avons pas recompté, mais que la moitié des photos sur nos supports montrent la pêche artisanale, c’est tout à fait possible, on ne communique pas que sur les pêcheries certifiées, mais sur l’ensemble de nos actions, répond Margaux Favret. Et la pêche artisanale emploie beaucoup de monde, cela mérite de mettre en avant ce travail. D’autant qu’augmenter la part de ces pêcheries dans celles labellisées est un axe stratégique du MSC pour 2030. Enfin, si la moitié des photos représentent de « grands » navires, ça montre bien qu’on n’essaie pas de les cacher. On a toujours été très clairs, toutes tailles de navires ou engins peuvent entrer en évaluation. »
Un communiqué répond à l’autre dans cette bataille de la communication, où c’est à qui défend le mieux la durabilité des océans. Un objectif partagé, alors dommage d’en arriver à de telles divisions, en plein coeur d'une crise qui atteint tous les segments de flotte.
Solène LE ROUX