Saumon, sériole couronnée et charbonnier seront bientôt produits à bord d’innovants trimarans d’aquaculture offshore. Bien-être animal et préoccupations environnementales ont guidé le projet.
Un look surprenant et une fonction qui l’est tout autant ! Imaginé par la société chilienne Ocean Ark Tech (Oatech) et développé par le Britannique Ocean Sovereign, l’Ocean Ark est un trimaran motorisé destiné à l’aquaculture offshore, qui devrait prochainement naviguer sur les océans. Fin novembre, une société de classification navale (Rina) a en effet donné son approbation de principe à l’Ocean Ark. « Ce superyacht aquacole a été conçu pour opérer en haute mer, où les poissons bénéficient des meilleures conditions, explique Rodrigo Sanchez Raccaro, le fondateur d’Oatech. Cette technologie permet un élevage à faible densité, des poissons plus sains, de meilleure qualité, à des coûts inférieurs à ceux des systèmes d’aquaculture offshore terrestres et côtiers actuellement disponibles. » Sa mobilité lui permet d’être déployé loin des vagues de chaleur marine, des proliférations d’algues et des tempêtes, les trois talons d’Achille habituels de l’aquaculture.
Produire à bord d’un navire présente également des avantages commerciaux. L’Ocean Ark peut se positionner à proximité des principaux marchés de consommation asiatiques, américains et européens, réduisant ainsi les émissions liées au transport de sites de production éloignés. « Les espèces retenues pour l’Europe sont des espèces premium : le saumon, le charbonnier (black cod) et la sériole couronnée, précise Zeyd Fassi Fehri, directeur de Ocean Sovereign. Les juvéniles, smolts et alevins, seront amenés à bord après avoir été produits à terre dans des écloseries. » Les ambitions du projet vont très loin. Ocean Ark se veut une solution pour augmenter la production mondiale de protéines dans un contexte de croissance démographique. Le tout en préservant les environnements côtiers et les ressources en eau potable et d’irrigation, sans augmenter la pression sur les stocks de poissons sauvages.
Un point intéressant du projet est la mise en avant du bien-être animal. Un argument rarement utilisé sur les produits de la mer, contrairement par exemple à la volaille. « L’aquaculture telle qu’on la connaît aujourd’hui a besoin d’innover pour améliorer ses points faibles, tels que le bien-être animal, les rejets des fermes, la densité importante dans les élevages intensifs fixes, où les poissons vivent au-dessus de leurs propres excréments ce qui attire les parasites et engendre des pathologies nécessitant le recours à des antibiotiques ou d’autres produits pour traiter les problèmes », souligne Zeyd Fassi Fehri. À ses yeux, la production aquacole en hangar fermé, à l’aide de systèmes de recirculation d’eau (technologie dite RAS) présente également des inconvénients : « Une densité plus importante, un élevage sans que les poissons ne connaissent ni la lumière naturelle ni l’océan, une consommation d’eau douce et d’énergie très élevée. »
L’Ocean Ark entend créer un modèle d’aquaculture alternatif « responsable ». Les courants marins naturels musclent les poissons et dispersent naturellement les rejets organiques pour un impact réduit sur l’océan. La densité est faible (98,5 % d’eau, 1,5 % de poissons). Les cages présentent des propriétés antimicrobiennes naturelles. L’intelligence artificielle embarquée permet au superyacht aquacole de se positionner aux meilleurs emplacements.
Le financement est d’ores et déjà assuré pour plusieurs unités. Des protocoles d’accord pour la construction des Ocean Ark ont été signés avec plusieurs chantiers navals dans le monde, dont China Merchants Industry Holdings, Tersan et CIMC Raffles. « Par l’importance de son marché, ses deux façades maritimes et sa zone économique exclusive en Outremer, mais aussi ses compétences halieutiques, la France est clairement un marché intéressant pour l’aquaculture en général et pour l’Ocean Ark en particulier », explique Zeyd Fassi Fehri.
Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL