À l’issue de la 28e session de négociation à la Commission du thon de l’océan Indien (CTOI), Xavier Leduc revient pour PDM sur les principaux enjeux : réduction des DCP (dispositifs de concentration de poisson), partage du quota et préservation de la ressource.
PDM – Quel bilan dressez-vous de cette négociation ?
X. L. – L’albacore est dans un état dégradé dans l’océan Indien et il est demandé aux senneurs, qui réalisent environ 35 % (6 % pour les navires français) des captures sur la zone, de faire l’intégralité des efforts. À l’issue de cette session à la CTOI, il nous est demandé de réduire nos DCP, nos balises et de tenir un registre DCP. Ces décisions mettent en péril l’équilibre économique des armements qui sont dans une situation compliquée, en réduisant leurs performances de pêche. E n revanche, aucun effort n’est demandé aux palangriers ou aux canneurs.
PDM – À votre avis, pourquoi la senne est-elle ciblée ainsi ?
X. L. – Nous avons constaté un dysfonctionnement au sein de la CTOI. Le lobby de l’industrie britannique de la conserve de thon de ligne manipule la commission et les États côtiers (Bangladesh, Maldives… NDLR) pour attaquer la pêche à la senne, avec la complicité d’ONG comme Bloom. Son objectif est de faire fermer les conserveries des Seychelles, de Maurice et de Madagascar pour pouvoir vendre ses propres conserves de thon pêché à la ligne.
PDM – D’après vous, quelles mesures équitables faudrait-il prendre pour assurer la durabilité du stock ?
X. L. – La proposition de l’Union européenne à la CTOI était que tout le monde contribue à la fermeture d’un mois de la pêcherie, mais cela n’a pas abouti. Qu’en est-il des filets maillants dérivants (interdits en UE, NDLR) ? Quelle mesure de gestion sur le stock ?
PDM – Et la pêche illégale ?
X. L. – C’est une problématique majeure. Des pays comme l’Indonésie n’enregistrent pas les captures de leurs navires, c’est quand même le minimum. La CTOI n’a pas les moyens de faire respecter cela.
PDM – Comment s’annonce la négociation autour de la répartition du quota ?
X. L. – Difficile. Lors de la dernière CTOI, ce point-là n’a pas été évoqué faute de consensus. Au moment de se partager le quota, tout le monde montre les dents. Il sera très compliqué de se mettre d’accord sur des critères de répartition.
PDM – Face aux attaques des ONG, comment pouvez-vous valoriser la pêche à la senne ?
X. L. – C’est l’une des pêcheries les plus encadrées au monde. Nous avons un taux d’observation scientifique à bord de l’ordre de 100 %. Je note que les palangriers, au sein de la CTOI, ont refusé de passer de 5 à 10 % de taux d’observation. Par ailleurs, nous respectons les quotas, nous déclarons l’ensemble de nos captures. Rapporté à nos tonnages, nous sommes ceux qui pêchons le moins de juvéniles. Nos démarches de labellisation permettent de mettre en avant les bonnes pratiques de nos bateaux et aux conserveries de valoriser le produit.
PDM – Quelle conséquence la réduction du nombre de DCP engendrera-t-elle en aval ?
X. L. – Il y aura mécaniquement moins de débarquements pour les conserveries et certaines devront probablement s’adapter, mais le prix ne devrait pas bouger. Il est totalement insensible au prix du ga zole ou à l’utilisation ou non de DCP, je ne crois pas à une correction du prix. Il est décidé sur la place de Bangkok sur le marché mondial, en fonction de l’offre et de la demande.
Propos recueillis par Vincent SCHUMENG