Coup sur coup, les représentants de l’industrie du saumon fumé et des conserves de poissons ont lancé des cris d’alarme auprès de la distribution comme du grand public pour les sensibiliser à des hausses de matière première de 60 % en un an sur le saumon, de 49 % sur les sardines, 30 % sur le thon, etc. Si dans l’univers du frais, la répercussion est presque immédiate, l’inertie est réelle pour les produits transformés. « Ce n’est que 9 mois après un premier courrier que nous avons réussi à obtenir 10 % de hausse », indique Philippe Darthenucq, directeur général de Delpierre. Or pour absorber le choc matière première, il en faudrait le triple. « Une inertie qui n’est pas responsable pour les filières. Au lieu de nous focaliser sur le développement et l’innovation, nous bataillons sans cesse pour faire prendre en compte les justes hausses », poursuit-il. Un problème soulevé par beaucoup d’autres. Même en ouvrant leurs livres de compte, en livrant les courbes inflationnistes des cours des différentes espèces, en révélant les efforts consentis par leurs équipes et salariés, les industriels se heurtent encore trop souvent au refus des acheteurs, enlisés dans la guerre des prix. À attendre que l’enseigne voisine fasse le premier pas, le cercle est vicieux.
Les alertes dans le secteur du poisson sont devenues si fréquentes que l’on pourrait croire à un énième cri au loup. Cette année pourtant, le point de rupture semble atteint. « Les défaillances, du moins dans le saumon, sont prévisibles à très court terme, si les hausses ne sont pas répercutées immédiatement », insiste Philippe Darthenucq, quand une TPE artisanale du secteur confie qu’ « à vendre à perte, on ne tiendra pas bien longtemps ». Il est clair qu’aucune entreprise responsable ne peut s’engager dans ce chemin durablement. Dès lors, la question de livrer les magasins dans certaines gammes se pose très concrètement. Alors que la popularité du saumon fumé sur les tables de fête ne se dément pas, est-ce un risque que prendront les distributeurs ? Les premiers touchés seront les premiers prix et les MDD standard : avec un kilo de saumon qui peut franchir les 9 € matière première, ce n’est plus jouable. Si le moment des fêtes peut favoriser l’écoute des enseignes et leur faire envisager une indexation des prix sur le cours des matières premières, le secteur de la fumaison et ses milliers d’emplois éviteront peut-être le pire. Mais les autres ? Conserveurs, acteurs du surgelé, cuiseurs sont aussi en souffrance. Or les effets boules de neige existent. Pas sûr que, s’ils cèdent sur le saumon, les distributeurs acceptent d’autres hausses, moins médiatiques.
C.A.