Raies et requins sont souvent vus comme des espèces en danger, parfois à tort. Pour aider les acheteurs de la grande distribution à y voir plus clair, l’Organisation des pêcheurs normands a édité un guide. Celui-ci comprend aussi des recettes.
Les sélaciens souffrent d’une image à la fois mauvaise et fausse. À grands coups de reportages sur le trafic d’ailerons de requins et de discours écologistes parfois radicaux et imprécis, les raies et requins sont vus comme des espèces en danger. « Ces attaques ont parfois remis en cause la commercialisation de ces espèces », explique Arnauld Manner, directeur de Normandie Fraîcheur Mer (NFM). Manuel Evrard, secrétaire général de l’OPN, détaille l’historique : « Le mareyeur Lequertier nous a fait part en 2018 d’invendus d’émissoles (aussi appelée saumonette). Leclerc avait arrêté sa commercialisation après avoir fait appel à un cabinet d’étude qui a recommandé cette option, et sous la pression de l’opinion publique. » Mais les raies et requins de Normandie sont-ils en danger ou surexploités ? La réponse n’est pas évidente, ces stocks n’étant pas évalués avec des données complètes. Cependant, ils sont suivis par l’OPN et NFM avec des indices d’abondance. Résultat : des stocks qui se portent de mieux en mieux, notamment l’émissole ou la raie bouclée, et trois stocks a minima en tension : raie mêlée, grande roussette, et requin Hâ. « Il n’y a aucune raison objective de s’interdire de pêcher et de commercialiser les espèces qui se portent bien et qui ont leur marché », résume Arnauld Manner.
Cet état de fait a permis, en collaboration étroite avec l’ONG Ethic Ocean, de rédiger un guide à destination de la grande distribution. Il présente l’état des lieux de ces espèces en Normandie et dans le monde, les actions de l’OPN, dix fiches de synthèse, des recettes et également des outils de consommation à destination des consommateurs. Ce guide a été présenté aux acheteurs de la GMS les 23 et 24 février, avec des retours : « Les analyses ont montré des taux de PCB-DL sous les seuils entre avril et juin, d’où la période de réouverture. On continue les prélèvements et on espère pouvoir ouvrir toute l’année en 2023. » Face à un stock en bon état et inexploité depuis 12 ans et à l’absence de quotas, les opportunités commerciales sont nombreuses. Historiquement, la sardine de baie de Seine était vendue aux conserpositifs selon Manuel Evrard : « Tout le monde a reconnu la crédibilité du guide, maintenant il faut convaincre les consommateurs. » Des discussions sont en cours avec Carrefour pour éditer une synthèse du guide. Les raies et requins vont-ils surfer sur cette vague ?
Vincent SCHUMENG