Lors des Rencontres nationales de la conchyliculture et des cultures marines, la délégation espagnole, pays invité d’honneur, a retracé le repositionnement de son pays face à la concurrence chilienne et souligné les défis environnementaux.
Les moules espagnoles étaient historiquement tournées vers la transformation, du fait des habitudes de consommation locales et à la suite des demandes de l’agroalimentaire à l’export. Les ménages espagnols achètent à 42,92 % des moules fraîches (0,73 kg/an/habitant), à 53,69 % des moules en conserve (0,25 kg/an/habitant) et à 7,54 % des moules congelées (0,04 kg/an/habitant). La mytiliculture ibérique a dû revoir sa stratégie face à la concurrence chilienne. « En 2007, l’instauration du droit de douane zéro pour les importations chiliennes en Europe a forcé l’Espagne à se repositionner », précise Angeles Longa Portabales, responsable R&D de l’instance représentative de la conchyliculture en Espagne. Depuis 2007, la production chilienne a fortement augmenté, passant d’un peu plus de 150 000 tonnes à 425 000 tonnes en 2022. Pour l’Espagne, l’effet est très visuel : les courbes des moules fraîches et des moules transformées se sont croisées à cette date. Si 60 % de la production mytilicole espagnole étaient destinés à la transformation en 2000, cette part n’est plus que de 27 % aujourd’hui. « Pour faire face à cette concurrence, nous avons cherché à promouvoir nos moules locales et avons réalisé que les moules de Galice trouvaient leurs consommateurs », précise-t-elle. Le dossier était en négociation depuis de nombreuses années mais c’est en 2007 que l’Europe a accord l’AOP aux moules de Galice, portant le repositionnement. « Nous avons aussi revu la production elle-même, les clients européens demandant des moules plus petites pour la consommation fraîche. » Les exportations de moules fraîches ont augmenté avec pour principales destinations l’Italie et la France. Les exportations de moules congelées ont en revanche fortement baissé. Aujourd’hui, le secteur produit environ 14 500 tonnes de conserves et 8 000 tonnes de produits transformés. Pour le tonnage de moules pêchées, l’Espagne était à 182 791 tonnes en 2023 pour 120 millions d’euros. « Mais ce n’était pas une bonne année de production en raison des conditions météorologiques anormales », explique Angeles Longa Portabales. Les eaux de Galice étaient anormalement chaudes depuis le début de l’année 2023. « La situation s’est rétablie au printemps 2024. » Et il y avait peu de nourriture pour les moules. « Ces dernières années, nous avons observé une succession de phénomènes anormaux : faiblesse du byssus, augmentation de la prédation des anémones, irrégularité du captage, etc. » Les zones de production sont également marquées par les marées rouges causées par les efflorescences de microalgues (en 2003, 2005 et 2013, les marées rouges ont fortement fait chuter la production). « Ces dernières années, nous n’avons pas connu de longues périodes de fermetures liées à Dinophysis et les scientifiques peinent à prédire l’évolution des efflorescences sous l’impulsion du changement climatique. Nous avons connu une expérience d’union face à ces phénomènes avec un accord sectoriel qui permettait de vendre en priorité la production des zones qui avaient été fragilisées par des fermetures. Mais cette union n’a pas résisté à la concurrence commerciale. »
Un salon politique
L’édition 2024 des Rencontres nationales de la conchyliculture et des cultures marines était très politique. Le ministre de la Mer était présent en ouverture de l’évènement, qui s’est tenu à Vannes les 9 et 10 octobre. Lors de sa première adresse aux conchyliculteurs, Fabrice Loher a indiqué qu’il ne serait pas le ministre des chèques en blanc. « Le pays est dans une situation budgétaire très difficile. Nous ne pouvons pas promettre des moyens dont nous ne disposons pas. » L’État est toutefois fortement sollicité par la profession pour aider l’équipement en moyens de purification.
Haude-Marie THOMAS
