Les étudiants en halieutique de l’Institut Agro de Rennes se sont penchés sur la consommation des jeunes en produits de la mer. Entre méconnaissance des produits, sensibilité à l’environnement et envie de praticité, la filière fait face à un défi de taille.
Le collectif Poissons, Coquillages et Crustacés indique que les 18-34 ans sont 44 % à consommer du poisson moins d’une fois par semaine, alors que l’Anses* recommande d’en manger deux fois par semaine. Mais 89 % reconnaissent les bienfaits des produits de la mer pour la santé. Les jeunes sont moins attentifs à la fraîcheur des produits que leurs aînés, mais attachent davantage d’importance à leur praticité.
C’est dans ce contexte que les étudiants en halieutique, dans le cadre de leur formation en marketing, se sont penchés sur la question. Après une étude bibliographique, des entretiens et une enquête en ligne, ils montrent que les jeunes sont particulièrement attentifs au prix, à la durabilité, aux aspects de santé et nutritionnels, mais surtout au côté pratique. Les produits plébiscités sont ainsi le traiteur, les conserves et les produits frais en barquette, dans une moindre mesure. Si le surgelé est boudé par les jeunes, ce n’est pas par méfiance ou manque d’intérêt… mais plus prosaïquement à cause de l’absence de congélateur
pour le stocker dans leur logement, en particulier pour les étudiants. Leurs principaux freins à l’achat sont le prix, accentué par l’inflation, les DLC courtes sur le
frais, le manque de praticité et la méconnaissance de recettes à cuisiner. Concernant leurs attentes, une plus forte sensibilité écologique les pousse à s’intéresser à la production et aux techniques de pêche, à l’origine et à la transparence des filières, mais aussi à l’aspect healthy des poissons.
Le regard des étudiants
Pour Clarisse Brocquevieille, une des étudiantes à avoir mené ce projet, sa formation en marketing lui « donne des idées de nouveaux produits, comme des produits plus bruts et naturels ». Au niveau de leur propre consommation, les étudiants ont parfois des difficultés à choisir : « Maintenant que j’étudie et connais un peu mieux les produits, je vois qu’il y a énormément de critères à prendre en compte, ce n’est pas évident, développe Charles Leroux, un autre étudiant. Je fais attention à privilégier le sauvage et je me tourne surtout sur le frais et la conserve. Je suis très sensible aux emballages, ça conditionne énormément mes achats. J’essaye aussi de privilégier les espèces françaises. » Selon lui, un des premiers moteurs à l’achat est de trouver de l’inspiration sur les réseaux sociaux. « Je suis des influenceurs sportifs et food qui présentent des recettes de poisson, ça me donne des idées. » Pour Clarisse Brocquevieille, « ce qui pêche, c’est le savoir-cuisiner. Mais j’essaye de diversifier, de manger autre chose que du saumon et du cabillaud. Je tente aussi de sensibiliser ma famille ». Les étudiants se montrent plus dubitatifs quant aux labels, comme l’explique Charles Leroux : « Pour moi, c’est de la sur-simplification, il y a tellement de critères à prendre en compte. Un éco-score serait selon moi plus complet. »
Finalement, si les étudiants tirent une leçon de leur formation et du début de leur parcours professionnel, c’est « qu’il est essentiel de toujours se poser des questions sur ce qu’on mange et sur nos impacts ».
Vincent SCHUMENG
*Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
Le regard de Marion Fischer, déléguée générale de France Filière Pêche (FFP) jusqu’au 1er mars 2023
PDM – Comment amener les jeunes vers les produits de la mer ?
Il faut jouer sur deux plans : développer des produits prêts à l’emploi et communiquer sur leurs vertus via les bons canaux. FFP a mis en place des partenariats avec des influenceurs et des médias comme Brut et Konbini pour promouvoir les produits de la pêche française auprès des jeunes.
PDM – Quelles sont les demandes des jeunes selon vous ?
Incontestablement le plus préparé possible. On retrouve le frais libre-service, mais aussi les tendances autour du sushi et des poke. Le saumon est omniprésent sur ces produits, il faudrait travailler sur une recette tendance avec des espèces françaises.
PDM – Les produits de la mer ont-ils des arguments pour séduire les jeunes ?
Oui, avec la mode du manger healthy, mais aussi en jouant sur la dimension durable et écologique des produits et comme alternative à la viande pour décarboner son alimentation.
PDM – Quels sont les enjeux de la filière face à cette population ?
Développer le frais LS en barquette demande des investissements de la part du mareyage, qui connaît des difficultés et qui manque de marges pour cela. L’enjeu, c’est de rendre le poisson « cool » au travers de recettes tendances et prêtes à l’emploi.