Depuis deux ans, deux exosquelettes sont venus soulager les salariés les plus exposés aux charges physiques chez Terre et Mer Production (marques Marie- Amélie et Le Marmiton). Avec une baisse drastique des accidents du travail.
Un sourire éclaire le visage de Nicolas Jiori. « Nous n’avons plus enregistré d‘accident de travail depuis le printemps 2022 », souligne le directeur du site de Terre et Mer à Frontignan. Un soulagement pour ce fabricant de soupes et produits de la mer sous marques Marie-Amélie et Le Marmiton. À l’image de ses soupes labellisées – soupe de poisson à la sétoise Label Rouge, soupe bio, soupe de poisson Pêche Durable, Pavillon France –, le dirigeant de l’ETI a cherché un accompagnement qualitatif pour ses équipes. En 2016, le groupe alimentaire Olives & Co, qui avait racheté l’usine quelques années auparavant, lance l’extension du site. Les conserves (soupes, moules farcies, bouillabaisse…) se développent et le site double son activité. Agrandissement, rénovation, automatisation : l’investissement de 1,2 million d’euros permet de « repenser la ligne de production et son chargement », rappelle Nicolas Jiori.
Il reste pourtant une difficulté. Malgré le transpalette, la balance à poids variable et le gerbeur automatique, les formes irrégulières des blocs de poisson surgelé rendent impossible l’automatisation du chargement. Or, avec ses 3 à 4 tonnes manipulées chaque jour, le poste d’opérateur représente à lui seul trois quarts des arrêts de travail du site. « C’est un des postes sur lesquels il y avait le plus de pathologies et d’accidents », notamment à cause du poids et du froid, se souvient le manager.
L’entreprise a fini par rencontrer la société Japet, spécialisée dans la robotique médicale, et le site s’est doté de deux ceintures lombaires motorisées. Gestes répétitifs, port de charges lourdes, « l’exosquelette aide énormément, même s’il ne règle pas tout, précise Nicolas Jiori. Ce n’est pas un EPI (équipement de protection individuel, NDLR) et selon les contraintes physiques, le salarié peut décider de le porter ou de l’enlever. »
Pour accompagner ce nouvel outil, la société a repensé son organisation, avec une montée en compétences et en polyvalence. D’autant qu’avec des salariés qui ont en moyenne 20 ans d’ancienneté maison, garder les compétences est un enjeu fort. « Le groupe Olives & Co mène beaucoup d’actions RSE, souligne Julie Piot, la directrice marketing et R&D du groupe. L’exosquelette entre dans la démarche de sécurité et de bien-être dans l’emploi. Le but n’est pas la productivité. Réduire la pénibilité et travailler sans accident, c’est important pour donner envie de travailler dans nos métiers. »
Un exosquelette pour être moins fatigué
Nicolas Roucayrol est l’un des deux opérateurs polyvalents de Terre et Mer Production dotés d’un exosquelette adapté à leur morphologie. À 39 ans, il porte cette ceinture lombaire avec quatre servomoteurs sous sa veste de travail. « Elle me permet d’être moins fatigué, témoigne-t-il après 18 mois d’utilisation régulière. J’ai aussi moins de crainte de me faire mal. »
La prise en main individualisée a duré quatre à cinq mois pour ce salarié volontaire, ancien professionnel du monde médico-social et preneur de « tout ce qui peut soulager » le quotidien. « Au début c’est une contrainte, admet-il. Il faut s’adapter. Il y a quatre positions que je gère en fonction des postures et de la fatigue. Il faut s’en servir uniquement quand c’est utile, quand la masse musculaire est sollicitée et qu’on veut éviter les faux mouvements. »
« Passifs » lorsqu’ils sont composés de bandes élastiques ou de ressorts et « actifs » quand ils sont motorisés, les exosquelettes soulagent le dos, le cou ou les membres supérieurs. Il n’y a pour l’instant pas de norme officielle. Or, en dépit de leurs différences, tous « offrent la même proposition de maintien » pointe Nicolas Jiori, qui a privilégié une technologie et un suivi de proximité.
Contre-indication médicale, parties du corps à soutenir, contraintes environnementales : le port d’un exosquelette ne doit pas faire oublier la prévention des risques dans l’entreprise. « Comme tout équipement, l’intégration de ce nouvel outil nécessite une démarche structurée » rappelle l’Institut maritime de prévention (IMP).
Hélène SCHEFFER