Parmi les 28 États membres de l’UE (Royaume-Uni compris), la Belgique est un petit produc teur dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture. En 2018, elle comptait 246 entreprises. Pour autant, la filière ne cesse d’innover et de se moderniser avec notamment de nouveaux bateaux, des projets d’aquaculture et une diversification dans l’import.
En 2021, les Belges ont acheté 9,2 kilogrammes par habitant de poissons, mollusques et crustacés (frais, congelés et transformés – y compris les salades et les conserves de poisson) pour une valeur de 125 euros. Plus de la moitié de cette quantité serait fraîche. Selon le Centre flamand pour le marketing de l’agriculture et de la pêche (VLAM), le consommateur de Flandre est le plus gros mangeur de poisson de Belgique. Il achète 0,6 kilogramme de produits de la mer de plus que le consommateur de Wallonie, mais cette différence tend à se réduire. Un Wallon ne consomme quasiment que du poisson en conserve alors que le consommateur flamand préfère le poisson frais. Les espèces importées sont les plus consommées : le saumon et le cabillaud. La sole occupe la troisième place sur le podium.
La sole en baisse
Chaque année, quelque 3 000 tonnes de sole sont débarquées en Belgique. Cette espèce représente environ 19 % de l’arrivage total sur les criées flamandes. En raison de sa valeur commerciale supérieure, la sole est une source importante de revenus pour les pêcheurs. Cette « mine d’or » représente quasiment la moitié du chiffre d’affaires de la pêche belge (32,8 millions d’euros en 2021). Pourtant, son quota pour la flottille belge est en constante diminution. Fin décembre 2022, la Commission européenne a proposé de réduire davantage la pêche à la sole et à la plie en 2023.

Cette baisse de Tac (totaux admissibles de captures) depuis des années a pour conséquence une réduction du nombre de bateaux. De 1990 à 2021, la flottille belge est passée de 200 à 59 navires, dont 31 sont des bateaux de plus de 221 kilowatts. Nos voisins peuvent tout de même se féliciter car, depuis juin 2021, ils ont accueilli huit nouveaux bateaux. Pour les rentabiliser, l’organisation de producteurs belge, Rederscentrale, développe le chalut à perche tout en diminuant jusqu’à 50 % la consommation de gasoil. Elle se sert d’économètres et forme les équipages quant à l’utilisation du moteur. Selon l’OP, la Belgique enregistre aujourd’hui 400 pêcheurs reconnus.
La privatisation des criées
La vente de la pêche (16 628 tonnes débarquées en 2021) se fait majoritairement (13 500 tonnes en 2021) sur les trois criées belges : à Ostende (34,6 % d’apport), à Zeebruges (64,1 %) et Nieuport (1,3 %). 80 % du poisson vendu en criées sont débarqués à l’extérieur du pays puis transportés par camion réfrigéré vers la Belgique. 40 % des apports sont destinés à l’export sur les marchés tels que les Pays-Bas, la France, l’Espagne, l’Allemagne ou l’Italie.
Les criées d’Ostende et de Zeebruges sont privatisées. Celle de Nieuport reste publique et devient surtout une attraction touristique. La privatisation de la criée de Zeebruges a eu lieu en 1987 par la société Vlaamse Visveiling. La fusion avec Ostende s’est déroulée 23 ans plus tard. « Depuis, la société a mis en place un nouveau système de vente et a démoli la vieille criée à Ostende pour en construire une neuve, en préservant le bâtiment classé », précise Jan Buisseret, responsable export chez Vlaamse Visveiling. Aujourd’hui, cette société de gestion réunit 170 acheteurs : grossistes, supermarchés, marchés et magasins spécialisés. « Selon les sorties des pêcheurs en mer et les apports, la vente se fait soit à Ostende soit à Zeebruges. Le poisson est vendu en temps réel sur Internet par un réseau qui connecte les trois cadrans de vente », explique Jan Buisseret. Le produit est débarqué la veille, tard le soir, pour être trié la nuit manuellement ou à l’aide des machines, selon sa taille. Le responsable export poursuit : « On différencie neuf tailles de sole, qui vont de 800 à 120 grammes minimum. Il y a également cinq tailles de plie. Au total, on a une quarantaine d’espèces mais ces deux-là représentent 50 % de la débarque. »

Dans la zone de tri, on aperçoit encore le produit qui a longtemps fait la fierté belge : la crevette grise de la mer du Nord. « Depuis le début de la saison, on en a trié 500 tonnes (d’août à novembre, NDLR). C’est particulièrement important car cette espèce est en déclin », nous apprend Jan Buisseret. Cette pêche reste exclusive pour 17 navires de la flotte belge. Toutes les crevettes sont immédiatement cuites à bord du navire, dans l’eau de mer. Leur approvisionnement étant trop faible pour la demande belge, les pêcheries allemandes, néerlandaises ou encore danoises complètent l’offre. Aujourd’hui, quasiment l’ensemble de la production est décortiqué au Maroc. En atteste Johan Pieters, à la tête de la société familiale Van Biesen & Pieters qui commercialise la crevette grise depuis 1950. « Le grand-père de ma femme vendait des crevettes à vélo. Après l’interdiction de les éplucher à la maison, en 1988, on a investi dans des machines mais ce n’était pas rentable. On a sous-traité à des sociétés en Pologne puis, à partir de 1997, au Maroc », retrace-t-il. Là-bas, 500 femmes épluchent, 6 jours sur 7, entre 20 et 30 tonnes de crevettes par semaine. Elles reviennent emballées pour être vendues aux transformateurs (pour faire des croquettes ou des plats préparés), aux grossistes ou au détail. En 2022, la société, l’une des dernières sur le marché des fournisseurs de crevettes, a commercialisé 1 000 tonnes de crevettes pour un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros.
Quant à la transformation, selon les données d’Eurostat-SBS, 1 256 personnes étaient employées dans le secteur en 2019. Ce dernier a enregistré une plus-value de 107,8 millions d’euros, correspondant à 1 % de la plus-value de la fabrication totale des produits alimentaires. En 2020, les principaux produits vendus étaient des « filets de poisson frais ou réfrigérés et chair de poissons (y compris des nageoires de requin), même hachés », ainsi que des « crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques, préparés ou conservés ».
Un incubateur pour l'aquaculture à Ostende
Les start-up et les PME du secteur de l’aquaculture et des domaines analogues disposeront bientôt d’un tout nouvel espace sur le site de la criée d’Ostende. La construction du bâtiment de 5 000 mètres carrés qui accueillera le projet MariFish devrait commencer au début de l’année 2023. Il s’agit d’une collaboration, notamment entre le Centre européen de l’alimentation, l’université de Gand et le parc scientifique d’Ostende. Le projet vise à transformer une partie du site de la criée en un espace d’incubation pour les sociétés actives dans l’aquaculture et l’économie bleue. En outre, le site sera un environnement de tests avec un accès à des volumes suffisants d’eau de mer de bonne qualité. Les sociétés pourront l’utiliser, entre autres, pour la culture d’algues ou la transformation de la production maricole. MariFish complétera les activités de pêche existantes. Le nouveau complexe devrait être prêt à la fin de l’année 2023.
Darianna MYSZKA