Le Canada diversifie son offre et ses marchés. Au-delà de son partenaire naturel – les États-Unis – le pays cible de plus en plus l’Europe et la France. PDM a été invité à suivre un voyage d’acheteurs français au Nouveau-Brunswick. Homard américain, bien sûr, mais aussi crabe des neiges, huîtres de Virginie… C’est parti pour le voyage !
Le Canada, ses grands espaces… et ses produits de la mer ! Fort de deux façades maritimes, sur l’Atlantique et le Pacifique, le pays a vu sa production flirter avec le milliard de tonnes en 2021 (924 522 tonnes si l’on additionne la pêche commerciale et l’aquaculture). Le Canada est à la fois un important exportateur et importateur de produits de la mer, même s’il s’agit d’espèces différentes. La production de homard américain et de crabe des neiges excède ainsi, de loin, la consommation, tout comme celle du saumon atlantique canadien. Côté crevettes, le pays exporte des crevettes nordiques (Pandalus borealis) mais importe des crevettes tropicales du genre Penaeus. À noter aussi : le poids du hareng. Outre la dimension volume, le pays joue la carte de la durabilité. Le Canada se classe deuxième pays au monde en pourcentage de débarquements certifiés MSC (Marine Stewardship Council). Plus de 60 % de la production canadienne sont ainsi certifiés MSC, là où la moyenne mondiale se situe autour de 15 %. Le MPO (ministère des Pêches et des Océans) estime que 98 % des pêcheries canadiennes sont exploitées à des niveaux durables.
Avec de tels tonnages et une population de moins de 40 millions d’habitants, l’export revêt une importance cruciale pour le Canada. La France ne pèse pour le moment que 1,2 % des exportations canadiennes.
Mais cette proportion augmente, d’autant que des opportunités commerciales se dessinent. « Les derniers droits de douane disparaîtront au 1er janvier 2024, grâce à l’accord AECG (Accord économique et commercial global, CETA en anglais, NDLR) entre l’Union européenne et le Canada », souligne Yannick Dheilly. Sont notamment concernés les crevettes décortiquées cuites (emballées), les filets de cabillaud congelés, les moules préparées ou en conserve (genres Mytilus et Perna), les thons préparés ou en conserve, les crabes préparés ou en conserve et les filets de truite transformés.
La recherche de nouveaux marchés s’explique aussi par la baisse des importations du partenaire naturel que constitue les États-Unis. « La crise sanitaire a fortement perturbé l’offre et la demande », explique Maxime Breau, conseiller principal commerce international au ministère de l’Agriculture, de l’Aquaculture et des Pêches de la province du Nouveau-Brunswick. Privés de voyage, avec un pouvoir d’achat boosté par des aides d’État, les États-Uniens avaient ainsi beaucoup augmenté leurs achats de homards canadiens. Aujourd’hui, leur demande est revenue à la normale. Dans ce contexte, l’Asie mais aussi l’Union européenne offrent des perspectives de débouchés intéressantes. « L’UE est le deuxième plus grand importateur de produits de la mer au monde, avec 25,8 milliards d’euros d’importations en 2021 », rappelle Yannick Dheilly.
L’espèce incontournable du Canada est bien sûr le homard. Attention, on parle ici du homard américain (Homarus americanus, souvent commercialisé en France sous l’appellation… homard canadien !) et non de notre homard européen (Homarus vulgaris ou gammarus, également surnommé homard bleu). La ressource est abondante. Les débarquements de homards au Canada atlantique ont atteint 105 638 tonnes en 2022, quasiment un record absolu. Environ 3 000 permis ont été délivrés. Pas moins de 7 500 pêcheurs se consacrent à l’espèce. La pêche est essentiellement côtière, à l’exception d’une zone offshore en Nouvelle-Écosse. « Presque toutes les pêcheries de homard sont certifiées durables par le MSC », note Yannick Dheilly. Les permis donnent accès à une ZPH (zone de pêche au homard) précise. Ils sont cessibles et se négocient commercialement. Pour autant, l’offre canadienne ne se limite pas au homard.
Au mois de juin, la rédaction de PDM a été invitée à suivre un voyage d’acheteurs français au Nouveau-Brunswick. Il s’agissait de la 2e édition, cinq ans après une mission du même type. Une douzaine de participants ont répondu présent. « L’objectif est à la fois le sourcing en produits de la mer, la découverte de la diversité de l’offre et la pérennisation des relations d’affaires entre la France et le Nouveau-Brunswick », expliquent Steve Denton, gérant de M-Diffusion, et Florence Brillouin, présidente de la société Constellame, qui co-organisaient le voyage côté français. Le Nouveau-Brunswick ne compte que 825 000 habitants, soit seulement 2 % des 40 millions de Canadiens, mais c’est la deuxième province la plus exportatrice de produits de la mer du Canada. Atout non négligeable pour les Français : c’est aussi la seule province canadienne officiellement bilingue. « L’Acadie du Nouveau-Brunswick est un parfait exemple de la francophonie économique », assure Frank Marchetti, chargé de mission à l’ambassade de France au Canada. Pour promouvoir ses produits de la mer, le Nouveau-Brunswick a développé sa propre marque : « Nouveau- Brunswick Délicieusement Canadien ». Il existe par ailleurs une marque collective des 4 provinces atlantiques : Seafood from Canada.
Au Nouveau-Brunswick, le nord, dans le golfe du Saint-Laurent, est dédié au homard congelé et transformé, au crabe des neiges, à la crevette nordique et aux huîtres. Au sud, dans la baie de Fundy, sont plutôt produits du homard vivant, du saumon d’aquaculture, des pétoncles et un peu de concombre de mer. « Le homard de la baie de Fundy a une meilleure capacité à voyager vivant, tandis que celui du golfe est un peu plus petit et présente un meilleur rendement à la transformation », explique Maxime Breau. Au Nouveau-Brunswick, les exportations de homard approchent à elles seules le milliard de dollars canadiens (936 millions, soit 655 millions d’euros). La province est particulièrement forte sur le homard congelé, dont elle assure à elle seule 50 % des volumes… mondiaux ! « En 2021, l’Europe est devenue le 2e plus gros marché pour le homard congelé, derrière les États-Unis, mais devant l’Asie », précise Maxime Breau. Le homard vivant, lui, vise surtout les États-Unis et la Chine, dans une moindre mesure la Corée. La France fait toutefois partie des pays de destination.
Pour pérenniser la ressource, et mieux la connaître, l’Union des pêcheurs des Maritimes (1 300 pêcheurs côtiers au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse) a elle-même financé un centre de recherche : Homarus. Celui-ci abrite aussi une écloserie. Le réensemencement se fait pour le moment en milieu naturel mais il existe aussi un projet d’élevage de homards ! De quoi, plus que jamais, assurer la pérennité du trésor canadien.
Le Nouveau-Brunswick, champion de l'export
La province du Nouveau-Brunswick a exporté pour 1,29 milliard d’euros de produits de la mer en 2022. Cela en fait la 2e province la plus exportatrice du Canada. Les États- Unis sont, de loin, son premier marché de destination (77 %), suivis de l’Asie (15 %), de l’Union européenne (4 %) et de l’Amérique latine (4 %). Si la part européenne peut sembler faible, elle est en forte croissance (+ 83 % entre 2021 et 2022). Les produits exportés correspondent à 51 % de homard (53 % homard congelé en coquille, 31 % chair congelée, 16 % homard vivant), 19 % de crabe des neiges, 17 % de saumon atlantique et 5 % de hareng. Le reste correspond à des huîtres (volume à l’export doublé en deux ans) et à des crevettes nordiques. Le Nouveau-Brunswick, province qui produit le plus de saumon au Canada, a lancé un plan de stratégie de croissance sur la pisciculture. Ce plan (2022-2030) prévoit une hausse de 20 % des volumes et une diversification des espèces.
Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL