COPRODUITS Tout est bon dans le poisson

Le 21/04/2022 à 9:38 par La rédaction

Passés de déchets sans valeur à ressource convoitée, les coproduits aquatiques se valorisent en ingrédients courtisés. Il est temps de passer à l'économie circulaire.

 

La France est un très bon élève en matière de gestion des coproduits marins. Ce qui n’est pas valorisé est rare et ce n’est pas le cas partout en Europe ni dans le monde », analyse Jean-Pascal Bergé, CEO de BioThoT et d’Upcyclink, entreprises spécialisées dans la valorisation de la biomasse marine. C’est également ce qui ressort de l’étude Évaluation des ressources en biomasse aquatique disponibles en France – coproduits et sous-produits, publiée par FranceAgriMer en octobre 2021. La majorité des coproduits est aujourd’hui valorisée vers l’alimentation animale (aquaculture, petfood) et humaine. D'autres voies de valorisations se font cependant jour.

Faire mieux avec moins, tel est l'enjeu de l'utilisation des coproduits en France. Car parler de coproduit, c'est aussi parler d'économie circulaire et réfléchir à l'exploitation globale des ressources. Halieutique ou non, la matière première est rare et précieuse. L'idée aujourd'hui c'est de rempla-cer des ressources non disponibles sur notre territoire par des ressources disponibles et si possible renouvelables. Les secteurs «  biomasse et biomatériaux  » ainsi que « déchets alimentaires » font ainsi partie des cinq secteurs prioritaires du nouveau plan d'action pour l'économie circulaire adopté en mars 2020 par la Commission européenne. L'objectif est également de réduire notre très forte dépendance aux produits de la mer importés.

Le production annuelle de coproduits représente environ

50 % des captures.

210 000 t annuelles de coproduits estimés par an.

 

[23 892 tonnes par an de coquilles d’huître à valoriser]

Après le saumon, les huîtres offrent le deuxième  plus grand gisement de coproduits estimé en volume. La coquille est pourtant très peu valorisée. Remblai des chemins, amendement calcaire pour les terres trop acides, alimentation animale pour les volailles, ces réutilisations n'offrent pas de très fortes valeurs ajoutées et n'incitent pas à agir. Quelques pistes de valorisation semblent toutefois émerger. La société Entre Mer & Terre réduit ainsi les coquilles en poudre (Ostreashell) pour offrir des substituts biosourcés à certaines substances comme le dioxyde de titane, un pigment blanc parfois décrié, ou des exfoliants synthétiques présents dans des produits cosmétiques (dentifrice, gommage, etc.).

Une biomasse importante

Les coproduits de poisson représentent en moyenne 50 % du poids du produit pêché. Il existe cependant de fortes variations. Ils représentent ainsi de 40 à 60  % des volumes de produits pour le thon, l'églefin, le hareng, le maquereau, la moule, la petite roussette et l'esturgeon, mais moins de 10 % des volumes de produits pour le lieu, la lingue, le merlan, la seiche, la baudroie, la sardine, le merlu commun et l'araignée de mer. Certains coproduits comme le cabillaud ou le saumon ont même des volumes supérieurs à ceux de la production française du fait de l'importance des importations pour ces espèces.

Avec l’accroissement du « prêt à consommer », le consommateur, qu’il soit professionnel ou particulier, achète de moins en moins de poissons entiers. Il préfère les filets, les plats en barquette ou tout préparés. Les coproduits qui finissaient dans la poubelle ou servaient à confectionner sauces et bouillons se sont déplacés chez les industriels. À Rungis, Bruno Gauvain, directeur opérationnel du grossiste Maison Blanc, a dû trouver un débouché pour ses coproduits. « Depuis une quinzaine d’années, la restauration demande de plus en plus des produits travaillés et découpés. L’atelier de découpe génère entre 3 et 4 tonnes de coproduits par semaine, mais nous sommes limités par nos volumes et nos espaces de travail. La collecte se fait environ trois fois par semaine ou tous les jours quand nous passons par un intermédiaire local. »

Une grande partie de la ressource provient de la première transformation. Le mareyage génère plus de 60  000  tonnes de coproduits de poissons blancs et 12 500 tonnes de poissons cartilagineux. La saurisserie, qui travaille essentiellement les salmonidés, contribue à plus de 13  600  tonnes. La conserverie, focalisée sur les poissons bleus génère quant à elle plus de 29 000 tonnes.

Deux gros acteurs, situés dans des zones stratégiques, se partagent près de 90 % de la matière première disponible sur le territoire. Basé à Concarneau, Biocéval, filiale de Saria, fabrique de la farine et des huiles de poisson destinées à l’alimentation animale ( petfood et aquaculture). À Boulogne-sur-Mer, le groupe Scogal est leader sur le marché des hydrolysats de poisson qui offre des valeurs ajoutées un peu plus importantes sur les marchés de l’alimentation animale, l’agroalimentaire et les marchés de la nutraceutique.

« Si cette organisation limite les déchets, les retombées économiques pour les générateurs de coproduits ne sont pas toujours évidentes », fait remarquer Pascal Bergé. Pourtant les progrès sont là. Il y a vingt ans, l’enlèvement des déchets représentait un coût pour l’entreprise. Aujourd’hui, ceux-ci offrent une source de revenu complémentaire. « Les prix se négocient en off et tournent en moyenne autour de 100 euros la tonne. Au final, ça ne représente même pas 1 % de notre chiffre d’affaires », confie Bruno Gauvain. Sur ces matières à bas coût, le transport influence très fortement le prix du produit valorisé. Ainsi le prix négocié tiendra compte de l’éloignement mais aussi des quantités à valoriser. « C’est une économie de marché liée à la demande et aux contraintes logistiques », constate Arnaud Terninck, directeur général associé de Copalis (groupe Scogal). Les prix sont également liés à la qualité du produit.

Vers des produits mieux valorisés

La plupart des coproduits sont récupérés sous forme de mélanges. Un premier tri est cependant effectué. On sépare généralement les poissons maigres des poissons gras qui nécessitent quelques précautions à prendre pour éviter le rancissement. D’autres séparations sont réglementaires. Les poissons d’aquaculture doivent ainsi être bien identifiés pour éviter de servir de nourriture à un autre poisson d’élevage. Un tri plus pointu effectué par le producteur permet aux fabricants de viser des valorisations à plus fortes valeurs ajoutées. « Têtes, arêtes, peaux arrivent dans des bacs séparés. Par cette sélection, on arrive à aller capter des molécules à forte valeur ajoutée, comme le collagène. Ce travail de tri supplémentaire est aussi rémunéré et la matière sera achetée un peu plus chère » , détaille Arnaud Terninck

Aurélie CHEYSSIAL

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