La Norvège toujours sur le devant de la scène

Le 02/02/2024 à 10:55 par La rédaction

L’innovation, les nouvelles technologies, l’esprit collaboratif et une bonne communication semblent être à l’origine du succès de la filière halieutique norvégienne.

L’année 2022 a été la meilleure jamais enregistrée pour les exportations norvégiennes de produits de la mer. En 2022, la Norvège a exporté 2,9 millions de tonnes de produits de la mer pour une valeur de 151,4 milliards de couronnes norvégiennes (soit plus de 14,2 milliards d’euros) dans 149 pays différents, un record. Ces chiffres mirobolants correspondent à 40 millions de repas par jour, tout au long de l’année. Presque 97 % de la production norvégienne sont exportés.

En 2023, les exportations ont à nouveau atteint le chiffre record de 82,3 milliards de couronnes norvégiennes (presque 7 milliards d’euros) au cours du premier semestre 2023. Pourtant, entre les six premiers mois de 2022 et de 2023, les volumes ont baissé de 3 %, soit une différence de 50 879 tonnes. Cette baisse est notamment due au déclin du stock de cabillaud de l’Arctique du Nord-Est. Les pêcheurs norvégiens sont confrontés au quota le plus bas depuis 2008 pour ce stock. Les chercheurs estiment qu’il ne faudra pas pêcher plus de 453 427 tonnes de cette espèce en 2024. C’est 20 % de moins que le quota pour 2023, déjà en baisse par rapport à 2022.

Les records de la valeur des exportations sont liés à la hausse des prix de toutes les espèces et notamment du saumon dont la France, les États-Unis et la Pologne sont les premiers acheteurs. Sans surprise, les principales espèces exportées en volume sont le saumon, le maquereau, le hareng, le cabillaud et le lieu noir.

 

L’aquaculture domine les apports

Au cours des cinq dernières années, les principales espèces élevées en termes de volume étaient le saumon et la truite arc-en-ciel. Les autres espèces d’élevage sont le cabillaud, le flétan (lire PDM no 222 p. 61) et l’omble chevalier. Durant la même période, les espèces les plus pêchées, en termes de volume, étaient le hareng atlanto- scandien (hareng norvégien à frai printanier), le cabillaud, le maquereau, le krill antarctique, le lieu noir, le merlan bleu et l’églefin. Selon les données du Norwegian Seafood Council (NSC), organisation de communication qui collabore avec l’industrie norvégienne des produits de la mer, en 2022, les Norvégiens ont pêché 1,3 million de tonnes de poissons blancs sauvages, d’espèces pélagiques et de crustacés. Ce chiffre était de 1,6 million de tonnes pour le poisson d’élevage, confirmant l’importance de l’aquaculture en Norvège. « Dans les années 2000, les apports provenaient moitié-moitié de l’aquaculture et de la pêche. Aujourd’hui, l’aquaculture représente à elle seule 74 % des apports », déclare Christian Chramer, P-DG du Norwegian Seafood Council.

En Norvège, on comptabilise environ 120 entreprises dans ce secteur, tandis que le nombre de bateaux de pêche était de 5 503 en 2022, et il est en baisse depuis les dix dernières années. L’ensemble de l’industrie de produits de la mer représente 100 000 emplois. Environ 40 % sont directement liés à la capture, la récolte, l’abattage et la transformation du poisson. Le reste concerne des secteurs liés à l’industrie, principalement des fournisseurs mais aussi dans des domaines tels que la recherche et le développement, le management et la finance. Les emplois directement liés à l’industrie sont également répartis entre la pêche et l’aquaculture. Environ 80 % de ces emplois sont liés à l’aquaculture.

 

Y a-t-il encore une place pour la croissance ?

Selon Christian Chramer, l’industrie voit un nouveau potentiel de croissance aux États-Unis et en Chine, l’Europe et notamment la France étant un territoire «  conquis ». « Nous sommes en France depuis de nombreuses années. Nos produits sont reconnus et ont une image positive », constate-t-il. En effet, en 2022, la France a importé 136 083 tonnes de produits de la mer norvégiens, dont 119 157 tonnes de saumon et 5 883 tonnes de hareng.

Pour remporter des nouveaux marchés face à la fluctuation des quotas de pêche, la Norvège investit davantage dans l’aquaculture, dont la production a connu une croissance de 2 % en 2022. Cependant, celle-ci pourrait être empêchée par les récents évènements. Le Parlement norvégien a adopté fin mai la taxation des groupes aquacoles, pour l’occupation des fjords par leurs fermes en mer, à hauteur de 25 % de leurs bénéfices. « Très déçu » par la décision du gouvernement, l’éleveur de saumon Mowi a décidé d’attaquer l’État norvégien en justice, tout en arrêtant la construction de nouvelles installations. « La croissance de la production est une question politique mais aussi technologique. Je pense notamment à l’élevage sur terre, dont les processus sont en cours, et à l’aquaculture en haute mer qui pourrait représenter une partie importante à l’avenir », estime Christian Chramer. Les nouvelles technologies et la modernisation sont justement au cœur de la stratégie du groupe Mowi (lire PDM no 222 p. 60).

Mais le NSC ne concentre pas tous ses efforts sur le saumon. « Sur de nombreux marchés, il existe une demande pour la truite. Cette petite sœur du saumon a un fort potentiel en Europe, en Asie et aux États-Unis », déclare le P-DG de NSC. Les Norvégiens investissent également dans d’autres espèces telles que le flétan (lire PDM no 222 p. 61) ou plus récemment le pétoncle, dont la pêche a longtemps été interdite (lire PDM no 222 p. 62)

 

L’union fait la force

Comment expliquer la puissance de l’industrie halieutique norvégienne ? En discutant avec les différents acteurs de l’industrie, on constate rapidement l’esprit collaboratif de la filière, et ce même dans le secteur du saumon, par ailleurs très concurrentiel. En 2018, les géants comme Mowi, Lerøy ou encore Grieg Seafood ont créé un groupement d’entreprises, NCE Seafood Innovation Cluster, pour partager les connaissances afin de mieux répondre aux défis de l’industrie. Aujourd’hui, le groupement compte plus de 120 partenaires et membres représentant l’ensemble de la chaîne de valeur des produits de la mer. Les activités du NCE son axées sur le climat, l’environnement, l’économie circulaire, la transformation numérique, la santé et le bien-être des poissons, l’innovation dans l’alimentation animale, les compétences futures et l’attraction des talents (lire ci-dessous).

La force de l’industrie réside également dans la communication et l’anticipation. « Notre rôle est de garder une longueur d’avance, de comprendre le marché et d’anticiper les habitudes des consommateurs aussi bien en 2024 qu’en 2034 », résume Christian Chramer.

 

Des difficultés de recrutement

La filière halieutique en Norvège souffre de la pénurie de main-d’œuvre. On le constate dans les ateliers de transformation où on dénombre beaucoup d’étrangers. Mais l’industrie manque également de cadres. « On connaît de grands changements avec les différents projets d’innovation. À l’avenir, nous aurons besoin de différents types de compétences, notamment des avocats ou des ingénieurs, constate Fride Iversen, cheffe de projet chez Seafood Innovation Cluster. Selon les études, 7 entreprises aquacoles sur 10 s’attendent à avoir une croissance d’ici 2030, et donc à avoir besoin de nouveaux travailleurs. 50 % des entreprises s’attendent à avoir des problèmes de recrutement. » Pour répondre à ce besoin, le groupement développe des programmes de compétences pour les entreprises mais aussi pour attirer davantage de talents dans les écoles primaires et secondaires. Ainsi, cette année, des milliers d’enfants vont découvrir l’industrie sur l’ensemble du territoire.

 

Darianna MYSZKA

 

Retrouvez l'intégralité du dossier dans le magazine Produits de la mer no 222

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