Les signes de qualité se multiplient, ils permettent de distinguer les bassins de production, les techniques d’élevage et les subtilités gustatives de ce produit, une des égéries de la gastronomie française. Des nuances qui permettent d’emprunter le sillage du marketing viticole.
La France est le poids lourd de la production ostréicole en Europe. Elle représentait 83 % de la production européenne en 2020, pour un volume de 80 785 tonnes et une valeur de 357 millions d’euros, selon l’Eumofa. La Crassostrea gigas, aussi connue sous le nom d’huître japonaise ou huître creuse du Pacifique, est la principale espèce cultivée avec un volume global de 79 505 tonnes, soit 98 % de la production française. Les quelque 1 000 tonnes restantes correspondent à l’huître plate, une autre espèce qui bénéficie d’un programme de réensemencement.
Les huîtres françaises s’exportent en Europe pour un volume de 9 270 tonnes en 2022, un millier de tonnes de moins qu’en 2021. L’Italie reste le premier marché à importer des huîtres françaises, avec plus de 4 000 tonnes. Loin derrière, se trouvent les Pays-Bas, l’Espagne, puis la Belgique et l’Allemagne. En valeur, en revanche, c’est stable : 68 millions d’euros en 2022, comme l’année précédente. « L’inflation a influencé les prix », et en particulier les coûts de transport, comme l’explique Jacques Cocollos, référent grand export au Comité national de la conchyliculture.
Au niveau du grand export au-delà de l’Union européenne, selon l’Eumofa, la France a exporté 4 016 tonnes en 2022 contre 5 340 l’année précédente. En valeur,
la production française exportée passe de 46,2 millions d’euros à 38,9 millions. La Chine reste la principale destination, suivie par Hong Kong, la Suisse, l’Ukraine et la Thaïlande. La guerre en Ukraine a logiquement fait chuter les importations, qui s’élevaient à plus de 700 tonnes en 2021 contre 200 en 2022.
Sept bassins de production
Chaque professionnel a sa méthode de travail adaptée au milieu naturel de sa région. Impossible de suivre à la lettre le même protocole d’élevage entre la Normandie et Arcachon, par exemple. Chaque bassin possède ses spécificités et les professionnels jouent là-dessus pour segmenter leur production. Le terme de « merroir » fait son apparition en reprenant le vocabulaire du terroir et de la viticulture, avec ses cépages et millésimes.
Dans l’ostréiculture, les signes de qualité se sont fortement développés, que ce soit sur la provenance et les techniques de production comme sur les qualités organoleptiques. Ainsi, on trouve le label AB, l’estampille Nature et Progrès ou encore Ostréiculteurs Traditionnels, qui garantissent une huître diploïde. Le Label Rouge garantit une couleur verte et l’IGP une provenance. Les appellations « fine » « fine de claire » et « spéciale » répondent à un cahier des charges concernant la taille et le taux de chair.
Plus de 1 500 entreprises structurent l’ostréiculture française. Les huîtres sont vendues traditionnellement sur les étals des marchés, dans le secteur de la restauration commerciale et de la grande distribution, avec une production commercialisée en vrac ou en bourriches. Depuis la pandémie de Covid, la vente directe a connu un bond avec le développement de la vente sur place, directement depuis le chantier de production. La dégustation sur le chantier ostréicole a également pris de l’ampleur ces dernières années et fonctionne bien grâce au développement du tourisme et du pescatourisme.
Une « sentinelle » de l’environnement
L’huître est régulièrement qualifiée de sentinelle de l’environnement. Son élevage, situé sur le littoral, la place à la croisée entre les activités terrestres et maritimes, à un point d’équilibre entre les pollutions pouvant provenir de la terre et celles de la mer. Coquillage fragile, l’huître est sensible son environnement. Une pollution, un virus et elle meurt. Ce bivalve filtre entre deux et cinq litres d’eau par heure, d’où l’importance d’une bonne qualité des eaux littorales. Les eaux françaises sont classées en fonction de cette qualité, qui peut fluctuer d’une année à l’autre. Seules les huîtres élevées en catégorie A peuvent être commercialisées directement. Pour les autres, un passage en bassin de purification est obligatoire. Ce bain intermédiaire permet aux huîtres de filtrer une eau de bonne qualité, d’expulser les éventuels agents pathogènes dont elles pourraient être porteuses et de garantir leur qualité pour le consommateur. Même si, dans certains secteurs, ces bassins ne sont pas obligatoires, des producteurs désirent s’en équiper par mesure de précaution. En effet, personne n’est à l’abri d’un accident dans une station d’épuration, ni d’une prédation ou d’un virus. L’huître fait le régal des papilles humaines mais aussi des daurades, qui en sont friandes. L’ostréiculture est loin d’être un long fleuve tranquille tant la dépendance aux aléas d’origine environnementale et humaine sont nombreux, c’est ce qui fait de ce métier, un métier passion. Chaque huître vit une épopée avant d’arriver sur un plateau de dégustation. Des histoires qui ravissent les consommateurs désirant donner du sens à ce qu’ils mangent.
Une production vertueuse
L’enjeu de la naturalité devient un critère qui pèse dans l’acte d’achat. L’ostréiculture a un impact faible sur son environnement, d’autant plus lorsqu’on la compare à de l’élevage à terre. Malgré l’utilisation de matière plastique dans les poches ostréicoles et le poids du transport, le bilan carbone d’une huître reste faible. « Les parcs conchylicoles sont comparables à de petits écosystèmes semi-naturels, inclus dans un écosystème naturel plus large », résume Systema Environnement, bureau d’études qui a recensé les services écosystémiques de la conchyliculture en Bretagne nord. Améliorer la qualité des eaux, accroître la biodiversité en fournissant des abris à d’autres espèces, développer le tourisme et l’attractivité d’un territoire… autant de services rendus et d’arguments pour séduire des consommateurs avides d’une alimentation saine et durable.
Lexique
Calibre
Les huîtres sont numérotées de 0 à 5. Ces numéros sont contre-intuitifs : plus le numéro est faible, plus la taille de l’huître est importante. Le calibre 0 correspond aux très grosses huîtres. Les mollusques les plus commercialisés correspondent aux numéros 2 et 3. Les 4 et 5 sont de petites huîtres qui commencent à trouver leur place dans la restauration, sur le segment apéritif pour attirer de nouveaux consommateurs.
Naissain
Le naissain correspond à un stade de croissance de l’huître situé juste après le stade larvaire. Le naissain, ou bébé huître pour le grand public, est vendu par lots de 1 000. Il peut provenir du captage naturel, essentiellement dans le bassin d’Arcachon-Aquitaine, mais aussi d’écloseries, des sites de production à terre composés de bassins dont l’eau et le plancton sont contrôlés.
Diploïde et triploïde
Le naissain naturel est diploïde, ses chromosomes fonctionnent par lots de deux. En faisant se reproduire une diploïde avec une tétraploïde, les écloseries obtiennent des triploïdes, des huîtres avec des chromosomes fonctionnant par lots de trois. Cette caractéristique rend l’huître quasiment stérile, ce qui a deux avantages : une croissance rapide sur deux ans et l’absence de laitance durant la période estivale, période habituelle de reproduction. Les appellations AB, Nature et Progrès et Ostréiculteurs Traditionnels garantissent que l’huître est diploïde.
Affinage
Certains producteurs ajoutent une étape avant la commercialisation en affinant leur produit. Cet affinage est essentiellement mis en œuvre en Charente-Maritime, dans les claires, des anciens marais. Il est aussi possible d’affiner ses huîtres en les plaçant dans un autre secteur ou dans des bassins dont la qualité des eaux et des microalgues est contrôlée. Cette technique permet de donner un goût particulier, une touche finale à son huître.
Appellations et qualité
Les signes de qualité se multiplient pour distinguer les huîtres les unes des autres et segmenter l’offre. Les appellations « fine », « spéciale » et Label Rouge correspondent à des cahiers des charges qui détaillent plusieurs caractéristiques, dont la forme ou la couleur de la coquille et le taux de chair – la part de chair à l’intérieur de la coquille. C’est ce qui déterminera une huître comme étant fine ou charnue. Les spéciales sont des huîtres charnues.
Julie LALLOUËT-GEFFROY