Véritable ville dans la ville, le marché francilien voit les difficultés se succéder depuis l’apparition du Covid mais reste une référence internationale. Inflation, pandémie ou encore Brexit, le pavillon A4 des produits de la mer garde le cap !
« Le marché de nuit nous fait sortir 1 800 commandes par jour jusqu’à 1 heure 30 du matin. Et, à 7 heures, elles sont dans les restaurants, étiquetées et contrôlées », s’enthousiasme Clément Proyer, directeur des opérations du distributeur J’Océane. Avec 87 500 tonnes de produits de la mer déchargées en 2021, le pavillon A4 a fait plus que sauver les meubles après une année 2020 forcément bouleversée. « Le Covid a vraiment été une période très difficile pour tout le monde ici, surtout durant le premier confinement, se rappelle Sébastien Compain, directeur adjoint pôle animal et secteur marine chez Semmaris, le gestionnaire du marché de Rungis. La fermeture à la dernière minute des marchés ainsi que des restaurants a eu un énorme impact sur les grossistes du A4. À tel point que j’ai cru que l’on allait fermer le bâtiment, je n’avais jamais vu ça de ma vie. » Pourtant en poste depuis 2000, Sébastien Compain fait part depuis son bureau de cette grosse période de doutes et du soulagement d’en avoir vu la fin, au fil de la reprise progressive de l’activité économique du pays. « Nous avons dû discuter avec les grossistes pour leur dire que ce serait un mauvais signal s’ils arrêtaient leur activité. Heureusement, les mesures sanitaires ont évolué rapidement et la réouverture des marchés a alors donné un tonus impressionnant à l’activité du hall des produits de la mer », ajoute-t-il.
Un Brexit bien digéré
L’autre problématique de 2020, et non des moindres, pour le Marché international a été d’ordre géopolitique : le Brexit. Le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne s’est logiquement fait ressentir du côté du pavillon A4. « Le secteur des produits de la mer a une facilité à s’adapter constamment car, finalement, les difficultés sont nombreuses et s’enchaînent entre la marée, le taux de salage, le prix de l’essence…, sourit Véronique Gillardeau, qui est notamment cogérante de la Maison Gillardeau. Le Brexit a été très compliqué pour tout le monde, notamment parce que nous n’avons pas pu l’anticiper, la faute au Covid, ajoute celle qui est aussi présidente du syndicat Agromer. Cela a beaucoup changé nos achats, qui se sont notamment rabattus sur l’Irlande, la Belgique ou les Pays-Bas. » Le marché de Rungis, qui était jusqu’alors la principale plateforme de logistique alimentaire dans les échanges avec le Royaume-Uni, a su s’adapter et fait dorénavant avec des obstacles opérationnels d’expédition des colis et du temps parfois perdu par les camions, notamment aux frontières. « Le Brexit ne nous a posé aucun problème, contredit Laurent Choualhi, directeur du carreau de la Maison Reynaud. Cela a parfois tout de même été plus compliqué d’un point de vue administratif. » Côté chiffres, l’impact du Brexit sur Rungis peut se mesurer avec la baisse des arrivages en poisson de 5 % entre 2019 et 2021. Pour le premier semestre 2022, les volumes ont augmenté de 9 % par rapport au premier semestre de 2021 (dont + 47 % pour le saumon !). Les entreprises sur place ont donc su rebondir.
Le saumon tient le haut du pavé
Si les crises successives ont bouleversé le marché des produits de la mer sur l’instant, les choses sont peu à peu revenues à la normale, ou presque. « Pendant les confinements, nous avons vendu énormément de saumon et de cabillaud, explique Véronique Gillardeau. D’un point de vue général, je trouve que les consommateurs manquent de curiosité envers les autres produits, malgré la présence de nombreuses émissions culinaires à la télévision, par exemple ! » Cet été, c’était bien évidemment le saumon qui était au centre des préoccupations, malgré l’offre pléthorique d’autres poissons présente au pavillon A4. « L’augmentation du prix de cette espèce est difficile à expliquer, même si, selon les échos d’ici, le prix de l’essence et les coûts de transport plus généralement y sont pour beaucoup, estime Sébastien Compain. D’une semaine à l’autre, par exemple, le tarif du saumon est passé de 15 à 19 euros hors taxes le kilo au début de l’été. Le prix est passé du simple au double en quelques mois ! » L’explosion du prix du poisson star et sa demande qui ne fléchit pas seront donc un défi de plus à relever sur le pavillon A4 pour la fin d’année 2022, en plus de l’inflation.
Guy PICHARD