« Je suis écœuré » par Stéphane Hesry, mytiliculteur en baie du mont Saint-Michel

Le 16/04/2018 à 17:08 par La Rédaction

 

Par Stéphane Hesry,
mytiliculteur en baie du mont Saint-Michel,
dirigeant de Cap à l’ouest

 

 

“ Ne nous engageons pas,
ni même un peu,
sur le terrain des moules
issues d’écloserie. ”

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


J’ai été convoqué à la réunion du lundi 12 février, non pas pour avoir réuni 2 000 signatures de professionnels sur une pétition, mais bien par rapport à mon mandat au Comité national de la conchyliculture (CNC), qui m’a donc permis de faire partie des professionnels réunis avec l’administration et l’Ifremer pour évoquer l’immersion de moules issues d’écloserie dans le milieu naturel dans le cadre du programme Morbleu. La réunion commence et, très vite, le directeur adjoint des Pêches maritimes et de l’Aquaculture (DPMA) prend la parole, évoque un problème de communication en interne et rend la journaliste de Cultures marines responsable de cette incompréhension. Ça commence bien ! Tous les professionnels prennent, chacun leur tour, la parole pour au contraire féliciter la presse car elle nous a permis d’être informés du retrempage de moules d’écloserie dans le milieu naturel. Sans cet article, la profession n’aurait jamais eu connaissance de ces « expériences », ce qui on le comprend vite, aurait arrangé le directeur adjoint de la DPMA.
Déjà une heure que la réunion a commencé et on ne traite toujours pas du problème de fond !
Ça y est, on y arrive, première question d’ordre légal, comment est-il possible pour l’Ifremer de retremper des lots de moules issues d’écloserie sans que nos instances de tutelles (CNC, CRC et même commission de cultures marines) n’en soient informées alors qu’une délibération a été prise en 2013 par le CNC contre l’immersion et le retrempage de moules d’écloserie ? Le directeur adjoint nous répond que la délibération prise par le CNC n’a pas, je cite, « d’efficacité juridique tant qu’elle n’a pas été rendue obligatoire par l’autorité administrative ». Ce qui, je traduis, veut dire : messieurs les professionnels vous pouvez bien prendre des décisions mais elles ne seront applicables que si cela nous convient à nous, administration.
Allons bon, nous ne baissons pas les bras et demandons à ce que l’Ifremer, pour toutes expériences en milieu naturel, respecte le même protocole qu’un professionnel, a minima une autorisation de la commission de cultures marines. Après une brève hésitation d’environ une seconde, le directeur adjoint nous répond NON.
Ah, coup dur, on avait deux demandes et la première est rejetée froidement sans aucune ouverture au dialogue. Mais la réunion passe, donc passons vite à la deuxième : on exige que les lots immergés soient retirés immédiatement du milieu naturel.
Et là, j’avoue, habilement, le directeur adjoint avec l’appui de l’Ifremer nous explique que retirer les lots, c’est condamner le programme Morbleu qui est censé nous apporter des réponses sur les mortalités. Allons, monsieur le directeur adjoint, vous ne nous ferez pas croire que ce programme débuté en 2014 dépend uniquement de cette expérience ? Mais monsieur Zunino joue sur la corde sensible. En effet, et je peux l‘entendre, les professionnels touchés par les mortalités me font comprendre qu’ils ont besoin de réponses et qu’après tout, les lots vont être retirés au mois de juin donc dans quelques semaines !
Un débat s’installe entre professionnels. La réunion touchant à sa fin, j’essaie d’être synthétique et je propose que le CNC se réunisse rapidement pour prendre une décision commune sur le retrait ou non des lots et je demande au directeur adjoint, sans présumer de la décision du CNC, de s’engager à appliquer sous un délai très court la dite décision. Ce à quoi il me répond froidement NON, que le CNC a un avis consultatif mais en aucun cas peut « obliger » l’administration.
Je suis écœuré.
Écœuré du comportement de M. Zunino, directeur adjoint de la DPMA, qui ne nous écoute pas.
Écœuré de voir que notre instance professionnelle du CNC pèse très peu face à l’administration censée mettre en application nos décisions.
Écœuré, quand on me fait comprendre que l’avis des professionnels n’est pas pris en compte.
Écœuré, quand on m’explique que c’est un technocrate qui prend les décisions de MON avenir, de NOTRE avenir.
Écœuré du chemin que prend l’Ifremer sur la sélection des moules en écloserie.
Écœuré que des scientifiques en recherche fondamentale « s’amusent » avec notre métier sans aucune préoccupation sur les conséquences de MON quotidien.
Écœuré quand un chercheur de l’Ifremer, Julien Normand, est mis à pied avec retenue sur salaire car il a retiré les lots de moules issues d’écloserie sous la pression des professionnels.
Écœuré, car notre modèle économique fonctionne depuis bientôt 70 ans et que l’orientation prise par les recherches de l’Ifremer, sous couvert de nous trouver des débuts de réponses aux mortalités, aurait des conséquences désastreuses sur notre métier.
Messieurs les producteurs, il n’est pas trop tard, apportez votre soutien à Julien Normand, qui fait partie de ces chercheurs travaillant en COLLABORATION avec les professionnels, et qui sont l’avenir de l’Ifremer dans sa mission de conseil.
Ne nous engageons pas, ni même un peu, sur le terrain des moules issues d’écloserie, même si certains d’entre nous rencontrent des épisodes de mortalités depuis quatre ans, cela aurait de très graves conséquences sur la pérennité de nos entreprises.
Notre force actuelle est la diversité, diversité car tous nos produits sont différents et chaque consommateur se reconnaît dans chacun d’entre eux.
Aller vers de la moule d’écloserie voudrait dire standardiser le produit, et donc le banaliser.
Notre complémentarité est dans notre différence, notre différence est notre richesse.

Marion LARRONDE-LARRETCHE

 

 

 

 

  • Facebook
  • Twitter
  • LinkedIn
  • More Networks
Copy link
Powered by Social Snap