Dans les coulisses des Assises, nous sommes allés à la rencontre deJean-Jacques Fillette. Portrait d’un homme du mareyage dont les articulations douloureuses n’ont en rien entamé la passion pour un métier qu’il quittera en douceur en 2016.
Adolescent, il a tenu trois jours dans le bureau de tri postal à regarder l’armada des bateaux étaplois - une centaine d’unités à l’époque - débarquer leurs captures quai Gambetta. Au bassin Loubet, une quarantaine de hauturiers rapportaient leurs centaines de tonnes de lieu noir et autres espèces du nord.
Fasciné par le ballet créé par les rangs compacts de dockers, vacataires et mareyeurs qui se pressaient dès l’aube, il dit adieu aux PTT en octobre 1973. Sans regret, il suit les traces de sa mère, fileteuse à Capécure et rejoint cette fourmilière de 15 000 travailleurs. Jean-Jacques Fillette a 16 ans quand Canlers père et fils les Produits côtiers l’embauche.
Quarante-deux ans et quelques rides plus tard, il exerce toujours son métier, dès 3 ou 4 h le matin, une grosse écharpe au cou. La transfiguration de Capécure, son passage d’une ère de l’abondance dans les années 1970-1980 à la course fébrile à la matière première d’aujourd’hui, il l’a vécue de l’intérieur.
Avec son premier patron, Jacques Canlers, il a appris à repérer et acheter le poisson, à répondre aux commandes de 5 t / jour de cardine de Baruffet, grossiste de Mercabarna, insatiable, à faire face aux mises en concurrence quotidiennes de l’intraitable mais incontournable GMS.
Lorsque Jacques Canlers cède, en 2000, son entreprise à un ex-banquier atypique, le Nantais Philippe Vignaud, l’implication de Jean-Jacques Fillette ne peut qu’être reconnue. Il devient contremaître de l’atelier de filetage quand Les Produits côtiers déménagent en 2007, dans un bâtiment spacieux et neuf de Capécure. Un local apte à répondre aux exigences de la grande distribution, un atelier approvisionné, entre autres, par les sociétés d’écorage acquises par Philippe Vignaud, qui construit méthodiquement le groupe Vives-eaux.
Contremaître qui abat lui-même un travail considérable, tout en optimisant celui des autres, Jean-Jacques Fillette n’a qu’un regret : ne pas avoir eu assez de temps à consacrer à la formation des jeunes, ceux qui s’engagent avec courage dans ce métier de la marée qu’il aime tant.
Texte et photos : Lionel FLAGEUL