Née à Lorient voilà 40 ans, Halieutis, entrée dans le giron du groupe Roullier en 1994, tient sa place dans l’univers du poisson surgelé. Pour Béatrice Dary, qui a pris les rênes de l’entreprise en mai, la capacité d’Halieutis à se mettre à l’écoute des marchés et des clients font sa force.
1. Est-ce essentiel pour un transformateur français de savoir conjuguer aujourd’hui approvisionnements locaux et exotiques ?
2 . Existe-t-il d’autres espèces des côtes françaises que vous pourriez travailler comme le merlu ?
3 . Quels sont les changements qui vous frappent le plus ?
INTERVIEW
Question 1. En 2010 et 2011, Halieutis a été récompensé pour deux lancements très différents : Lulu le merlu etles ribs de tambaqui. Est-ce essentiel pour un transformateur français de savoir conjuguer aujourd’hui approvisionnements locaux et exotiques ?
Halieutis a construit son ADN autour du thème « bien manger, un avenir durable », alors même que nous savons la ressource fragile. Trouver des alternatives aux grandes espèces phare du surgelé fait partie de notre savoir-faire et explique qu’Halieutis travaille sur des projets aussi différents que Lulu le merlu et les ribs de tambaqui. Il est vrai que la bataille pour la matière première s’intensifie au niveau mondial, que l’Europe apparaît comme un petit joueur, exigeant et mauvais payeur.
Mais Halieutis – 10 000 t de produits finis pour 45 M€ de chiffre d’affaires – n’a pas de mal à trouver de la matière première. Nos quatre acheteurs ont construit des liens privilégiés avec des armateurs et la fidélité est récompensée. Pour information, nous importons six grandes espèces de neuf origines différentes.
La philosophie d’Halieutis est de s’inscrire dans le temps. Nous n’aurions pas lancé Lulu le merlu sans recevoir des engagements de la part des pêcheurs et des mareyeurs qui ont des compétences pour désarêter les filets. En échange de volumes, nous avons accepté des prix d’achat supérieurs aux prix de retrait. Installer une telle gamme chez nos clients prend du temps. Il faut en expliquer la différence. Alors quand ils demandent ce produit, il faut pouvoir dire oui.
Question 2. Existe-t-il d’autres espèces des côtes françaises que vous pourriez travailler comme le merlu ?
Dans l’enrobé, il n’y aurait guère que l’églefin pour répondre aux impératifs de volumes. Mais, encore une fois, nous avons beau être lorientais, les mondes du frais et du surgelé n’ont pas pris l’habitude de dialoguer. Établir des protocoles d’entrée en usine reste difficile car nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir une arête. Aussi, on ne fait pas un coup, même de 1 000 tonnes, pour arrêter aussitôt après. Cela dit, dans l’univers des surgelés, il est possible de travailler des produits bruts de saison et de nos côtes comme le fait Halios sur le lieu jaune. Les marchés adhèrent, notamment en restauration où le surgelé permet de limiter les pertes.
Côté grand public, les consommateurs de frais et de surgelés ne sont pas les mêmes. Alors, imaginer que l’on puisse organiser des animations comme sur les saint-jacques dans deux rayons différents à la même période n’aurait rien de choquant pour moi. Cela dit, Halieutis ne se positionne pas sur ce terrain-là pour l’instant. Mais, d’une manière générale, je pense que les acteurs du frais et du surgelé auraient tout à gagner à échanger sur les bonnes pratiques, à imaginer travailler ensemble… Le consommateur évolue, à nous de travailler autrement pour le satisfaire durablement.
Question 3. Quels sont les changements qui vous frappent le plus ?
En 2012, les tendances deviennent plus marquantes. Pour la première fois, les Français mangent moins, exigent de plus en plus d’informations sur les produits, mais des informations simples. La consommation citoyenne s’accentue. Mais, derrière ce mot, les attentes concernent aussi bien la nutrition que la protection de l’environnement, le social… Des thèmes sur lesquels la restauration sociale a pris une longueur d’avance. Enfin, n’oublions pas l’essor du drive. Il faut s’inscrire dans cette tendance dont le prolongement, à mon avis, est le home service.
Pour l’heure, la protéine poisson a du mal a se faire une place dans le circuit. Mais je compte sur notre organisation, construite depuis 2009 autour d’un pôle innovation qui favorise les échanges entre les équipes marketing – proches des clients – et les équipes de R & D – proches de la production –, pour faire émerger des idées.
Elles doivent s’adapter à chacun de nos clients : la vente de masse ne fonctionne plus et, ne nous leurrons pas, les prix de l’alimentaire ne baisseront pas. Pour justifier la hausse des prix, il faut proposer des produits bons, sains et sur mesure. Les années de crise sont des périodes d’opportunités. À nous de les saisir et de bien définir notre stratégie pour les trois prochaines années.