Quand Royal Greenland a cédé son usine de poissons panés, basée à Wilhemshaven en Allemagne, Patrick Barinet a accepté d’en devenir l’un des codirigeants. Rebaptisée Greenland Seafood Europe, l’entreprise spécialisée dans la transformation sous MDD se relance dans un environnement concurrentiel qui a atteint son paroxysme en 2014, alors que la guerre des prix et la concentration entre enseignes s’intensifient.
Reprendre une usine positionnée dans un segment de marché en surcapacités vous promettait une année 2014 pleine de défis, non ?
Effectivement. Il nous a fallu recréer tous les services administratifs et convaincre les clients qu’il n’était pas si grave d’avoir deux fournisseurs plutôt qu’un. L’univers des poissons panés congelés est en surcapacité. Dire le contraire serait mentir, mais l’usine de Wilhemshaven tourne correctement, avec des variations selon les lignes de produits. Le segment des bâtonnets est plus dynamique que celui des poissons en sauce, par exemple. Pour cette première année, nous sommes en ligne avec nos prévisions et nous avons décidé d’investir 3 M€ dans l’usine pour augmenter notre capacité de production dans les prochaines années. Cela peut paraître étonnant, mais nous devons prévoir et avons prévu de développer de nouveaux marchés pour lesquels nous avons besoin de capacités. En travaillant à façon pour les distributeurs ou les industriels de l’agroalimentaire, nous ne pouvons pas nous permettre de sous-traiter auprès d’autres intervenants, pour des questions de coûts. Aujourd’hui, nous travaillons avec des niveaux de marges extrêmement bas. Jamais la concurrence n’a été aussi dense et nombre de nos concurrents perdent de l’argent. Pas facile de batailler dans cet environnement qui nous affaiblit. Le seul point positif : cela nous force à réfléchir aux structures pour minimiser les coûts à tous les niveaux.
Nous ne sommes plus des centimiers mais des demi-centimiers. Pire : chaque coût est examiné à quatre chiffres après la virgule. Sincèrement, je m’attends à une année 2015 difficile. La conjoncture n’est pas bonne, la concurrence dure. Mais j’espère qu’elle a bien atteint son paroxysme en 2014. Si elle s’intensifiait encore, on pourrait douter du fait qu’elle soit saine. J’espère d’ailleurs que l’Europe intensifiera ses contrôles. Il faut qu’une peur du gendarme existe pour que ceux qui soient tentés de frauder n’osent pas. Les contrôles sont agaçants mais utiles. Par contre, si nous pouvions avoir de la stabilité au niveau réglementaire, ce serait une bonne chose.
Vous pensez au règlement Inco et à la réforme de l’étiquetage ?
C’est un exemple parmi d’autres. Cette réglementation s’applique en même temps à tous les acteurs de l’agroalimentaire européen. Faute de clarté dans les interprétations, il nous a été difficile d’anticiper. En conséquence de quoi, il y a embouteillage chez les fabricants d’emballages. Or je ne suis pas sûr du tout que le consommateur trouvera un vrai plus dans les nouvelles étiquettes. Surtout, refaire les emballages de centaines de références grignote des marges déjà faibles.
Quels relais de croissance recherchez-vous ?
Le secteur de la grande distribution, notamment en France, est particulièrement concentré. Si vous perdez un client, vous voyez disparaître 20 % de votre chiffre d’affaires. Dès lors, il devient essentiel de pouvoir retrouver un équilibre de l’ordre de 40 % pour la restauration hors foyer et 60 % pour la grande distribution, contre 25 % aujourd’hui en RHD pour 75 % en GMS. En parallèle, nous devons chercher de nouveaux marchés au Royaume Uni, en Italie, en Pologne où le niveau de concentration de la distribution est moindre. Pour réussir, nous misons sur l’innovation. En 2014, nous avons restructuré la cellule R&D pour favoriser la spécialisation des équipes par famille de produits et sommes déjà à même de présenter plusieurs innovations.
L’embargo russe pourrait-il avoir des conséquences pour vous ?
Pour l’heure, les impacts ne sont pas visibles. Ils ne le seront qu’en 2015. Mais il est difficile de les anticiper. D’un côté, leur demande intérieure risque d’augmenter en poissons blancs, mais de l’autre les Russes risquent d’avoir besoin de devises. Ce que j’appréhende surtout, c’est la glissade de l’euro face au dollar. L’acquisition des blocs de matière première va devenir plus coûteuse. Il faudra répercuter des hausses que certains estiment à 10 %.
Greenland Seafood Europe emploie près de 400 personnes. Le chiffre d’affaires de la société s’établit à 180 M€ dont 25 % réalisés en France. Les principales matières premières transformées à 80 % pour les marques de distributeurs sont le colin d’Alaska, le merlu, le cabillaud, l’églefin ou le hoki. | ||