Le Marie-Catherine est à quai à la criée de Cherbourg. Il est 23 heures ce 29 mars et dans la cale du chalutier, les frères Torres Rajao, Carlos et Luis – second du navire –, Nicolas Tardif et Mickaël Le Breton, autres matelots de ce hauturier de 1986, s’activent pour débarquear les 16,5 tonnes de cette marée de six jours. Au menu : 8,6 tonnes de merlan mais aussi de l’églefin, de l’encornet et de la seiche.
L’heure n’est pas encore propice à imaginer les conséquences du Brexit, dont la procédure a été officiellement lancée le matin même par le Royaume-Uni. D’autant que le brouillard des négociations à Bruxelles est épais comme le grand smog de Londres…
La seule chose sûre pour la dirigeante de l’Armement Cherbourgeois, Sophie Leroy, est un chiffre clé : pour le Marie-Catherine et son autre chalutier du même type, 70 % de la valeur des captures sont réalisés dans la zone des 6-12 miles anglais. La dépendance aux eaux britanniques est donc aiguë.
L’armatrice, vice-présidente du nouveau comité régional des pêches de Normandie, issue d’une famille de mareyeurs, n’ose même pas imaginer que le Brexit boutera les pêcheurs français dans leur moitié de Manche. Son mari, David Leroy, commande actuellement le Maribelise, le premier chalutier neuf lancé à Cherbourg depuis 1995. Commandé avant le vote du référendum anglais de juin 2016, ce navire de 22,5 mètres au confort particulièrement soigné est entré en pêche en septembre. Preuve, s’il en est, de la confiance en une issue positive du Brexit avec peut-être des droits d’accès raisonnables, les Leroy ont commandé un sister-ship, le Marie-Catherine II, qui remplacera le premier du nom à l’automne 2018. Ressource abondante, prix du gazole stable, équipages très motivés, les voyants principaux sont au vert. So what
Texte et photo : Lionel FLAGEUL