Cap sur la coquille !

Le 24/03/2025 à 14:25 par La rédaction

Véritable star des étals et des reportages télévisés, la coquille Saint-Jacques continue de porter la pêche normande de manière croissante. Cette dynamique tranche avec celle du bulot, dont le déclin ne cesse de s’aggraver, au point d’interroger sur le sort des autres espèces face aux défis climatiques.

Pesant environ 70 % des captures françaises et avec un gisement de la baie de Seine qui représente quasiment la moitié de la coquille Saint-Jacques française à lui seul, la coquille normande continue de gagner de l’importance dans le paysage halieutique régional. Les coquillages restent la principale force de la pêche normande, sans compter que c’est aussi la première région de France productrice d’huîtres… La coquille est – de loin – la principale espèce pêchée en Normandie, pour l’instant suivie par le bulot, qui se maintient encore malgré la crise profonde que connaît cette pêcherie en baie de Granville (lire dans PDM no 229, page 38). « Cette année, nous avons dépassé les 100 000 tonnes de saint-jacques comptabilisées en baie de Seine », se réjouit Arnauld Manner, directeur de Normandie Fraîcheur Mer (NFM). De plus, les volumétries de pêche ont augmenté sur cette espèce dans toute la région, de Granville au Tréport. « Le début de la saison n’a pas été aussi bon que l’année dernière et son prix a été assez bas, tempère Arnauld Manner. Les tarifs n’ont commencé à remonter que début novembre 2024 malgré une très belle couverture médiatique. » Avec un prix stabilisé au fil des années face à d’autres produits de la mer qui voient leur tarif augmenter sur les étals, la coquille s’est largement démocratisée. Seule ombre au tableau : l’importation qui alimente le marché en coquilles hors saison mais pas seulement. « Encore un peu avant l’ouverture de la saison et même après, certains distributeurs et points de vente ont vendu en opération commerciale de la saint-jacques de provenance Atlantique Nord-Est venant du Royaume-Uni, regrette le directeur de NFM. Cela a concerné les poissonniers comme la grande distribution et c’est à mon sens une erreur. De la préparation à base de noix est également importée et cette dernière n’est pas toujours bien identifiée comme telle par le consommateur. »

Le bulot cuit par le réchauffement climatique

Avec environ 6 000 tonnes pêchées par an, le Buccinum undatum reste la deuxième espèce la plus débarquée en Normandie, mais pour combien de temps ? Il y a quelques années, le tonnage était deux fois plus élevé et les impacts de cette crise ne touchent pas que les pêcheurs ; les mareyeurs et les distributeurs sont aussi affectés. « À ma connaissance, le bulot est le premier produit pour lequel on identifie un impact climatique aussi probant », note Arnauld Manner.  Conséquence directe, l’écolabel MSC « Bulot de la baie de Granville » a été suspendu dans le Sud-Manche mais il est encore trop tôt pour en mesurer les conséquences sur le marché bien que, localement, tous les professionnels les jugent sans effet. « Au niveau national, des distributeurs comme Carrefour commercialisent des bulots MSC en marque filière qualité Carrefour, explique Arnauld Manner. Ils vont devoir cesser, même si les stocks ne rendront pas cet arrêt immédiat. Cela dit, ils peuvent continuer de le commercialiser avec l’IGP “Bulot de la baie de Granville” mais on ne connaît pas l’incidence sur les prix. »

Quid des autres espèces ?

Derrière la coquille et le bulot, c’est le calamar qui se place en troisième position des espèces les plus pêchées, avec des volumes quasiment multipliés par trois en un an. Difficile de trouver une explication à la prolifération des céphalopodes, bien que le réchauffement climatique soit là aussi évoqué… Ce raisonnement interroge sur les réactions des autres espèces face aux aléas du climat. Le homard bleu du Cotentin, qui voit ses captures plutôt à la baisse, serait-il affecté puisqu’il s’agit d’une espèce d’eau froide ? « Il n’y a pas eu de lien encore établi entre sa population et le réchauffement climatique, estime Arnauld Manner. Des tas de facteurs peuvent intervenir, comme nous l’avons constaté sur le tourteau en Bretagne et en Normandie. La chute des volumes sur ce crabe est vraisemblablement en lien avec le développement d’une maladie. Notre région sert d’intermédiaire entre l’océan Atlantique et la mer du Nord, intermédiaire aussi en termes de température. Le réchauffement climatique peut avoir des incidences rapides et fortes. Les populations de tacaud, de grondin ou encore de dorade grise connaissent aussi des baisses de capture. Cela reste des indicateurs de pêche mais il manque des suivis scientifiques. » Affaire(s) à suivre donc.

 

Guy PICHARD

 

Retrouvez l'intégralité du focus Normandie dans le magazine Produits de la mer n° 229

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