Abaisser le plafond
Faut-il abaisser la teneur maximale en cadmium dans les algues alimentaires ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentation, environnement et travail (Anses) a été saisie du sujet le 4 avril 2017 par la DGCCRF, alors qu’un futur projet de réglementation européenne vise à limiter ce taux. Dans son avis rendu le 21 juillet 2020, l’Anses propose de fixer à 0,35 mg/kg de matière sèche la teneur maximale en cadmium dans les algues alimentaires, contre 0,5 mg/kg selon les préconisations actuelles. Cette logique de précaution part d’un constat : les Français consomment de plus en plus d’algues alimentaires. Or, de par leur richesse en polysaccharides, les algues ont tendance à se charger en contaminants métalliques présents dans l’environnement, tels que le cadmium, le plomb ou l’arsenic.
Distinguer complément et aliment
Concrètement, il existait jusqu’ici deux textes de référence pour le cadmium dans les algues. Le règlement CE 1881/2006 concerne les compléments alimentaires exclusivement ou principalement à base d’algues et prévoit une teneur maximale de 3 mg/kg. En ce qui concerne les algues de consommation, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) avait émis en 1990 une liste d’algues alimentaires autorisées en alimentation humaine, assortie de recommandations liées à des teneurs maximales en éléments traces métalliques, avec pour préconisation une teneur maximale en cadmium de 0,5 mg/kg de matière sèche.
Deux bases, Contamine et Qualit’alg
Or, ce taux est fréquemment dépassé selon les analyses disponibles dans la base de données Contamine et les résultats d’analyse du Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva), d’où les préoccupations actuelles. « L’avis de l’Anses fait du bruit », constate Antoine Ravenel, directeur de GlobeXplore (filiale du groupe Hénaff), qui insiste sur le fait que « les professionnels des algues prennent depuis longtemps le sujet des métaux lourds très au sérieux ». La filière prépare une réponse officielle à l’Anses via la Chambre syndicale des algues. Cette réponse intègrera les données de l’étude Qualit’alg. Menée par la Chambre syndicale des algues et financée par la région Bretagne, cette étude vise à étudier la qualité et la traçabilité toxicologique des algues bretonnes pour mieux sécuriser les produits.
Une valeur discutée
Les professionnels des algues ne remettent pas en cause la qualité de l’étude de l’Anses, mais souhaitent discuter de la valeur retenue à 0,35 mg/kg. « En Europe, la consommation d’algues reste très raisonnée », rappelle Antoine Ravenel. Bien loin de celle des pays asiatiques, où les algues sont au menu dès le petit déjeuner ! Autre point à préciser : les sources d’exposition alimentaires au cadmium, qui sont diverses. Selon l’Anses, les algues contribuent actuellement à 19 % à la dose journalière en cadmium dans les observations reçues. Ce taux serait de 15,5 % si les algues consommées respectaient la valeur du CSHPF de 0,5 mg/kg de matière sèche et tomberait à 11,5 % si le taux était abaissé à 0,35 mg/kg.
L’import dans le viseur
Enfin, il est à noter que les dépassements de teneur en cadmium observés dans la base Contamine concernent principalement des algues importées. Sur douze échantillons présentant une teneur supérieure à 0,5 mg/kg de poids sec, huit étaient d’origine chinoise, un d’origine japonaise et un d’origine argentine. Seul un échantillon concernait un mélange d’algues séchées françaises. « Les opérateurs français sont très vigilants pour garantir le respect du taux légal », assure Antoine Ravenel, qui précise qu’ « en Bretagne, les algues sont contrôlées dès leur sortie de l’eau ».
Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL
Cadmium : un élément métallique cancérogène |
Le cadmium est un élément trace métallique (ETM) que l’on retrouve dans le sol, l’eau et l’air. Il est très répandu dans l’environnement, à l’état naturel ou via les activités humaines : engrais minéraux phosphatés utilisés en agriculture, batteries nickel-cadmium dans l’industrie... Reconnu cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction, le cadmium entraîne chez l’homme des atteintes rénales et une fragilité osseuse lors d’une exposition prolongée, notamment par voie orale (alimentation et eau de boisson). À l’heure actuelle, l’Anses estime que 0,6 % des adultes et 15 % des enfants sont exposés au cadmium au-delà de la dose tolérable par leur régime alimentaire (pas uniquement via les algues). La valeur proposée de 0,35 mg/kg permettrait selon l’Anses de protéger 95 % des consommateurs. L’Anses rappelle que la contamination au cadmium est plus importante pour les macroalgues brunes (telles que le wakamé consommé en salade) et rouges (à l’image du nori utilisé séché pour entourer les makis). |